À l’annonce de la guerre en Ukraine, suivie du soudain retrait des blés d’origine mer Noire du marché mondial et d’une flambée inédite des prix, bon nombre de consommateurs se sont posé la question de la possibilité d’une pénurie en France.
Le sujet interroge aussi les lecteurs de Terre-net sur les réseaux sociaux, en particulier suite à notre article La France va exporter plus de blé tendre que prévu. De fait, FranceAgriMer a réhaussé de 800 000 tonnes ses prévisions d’export hors-UE sur la campagne de commercialisation 2021/22.
« Ne devrait-on pas essayer de subvenir aux demandes du pays ? », questionne Nicolas Parent sur Facebook, rejoint par Christian Perradin : « Et nous on va bouffer quoi ? ». « On dit aux gens qu'on veut l’indépendance alimentaire, qu’on ne l’a pas, et d’un autre côté on exporte de plus en plus. C’est à n’y rien comprendre ! », s’exclame Florian Béraud. Et pour Éric Letinois, « D'abord la France, ensuite l’export : il faut nous protéger ».
Pourtant, pas de risque de pénurie à court ou moyen terme pour la France, autant pour le blé que pour les produits qui en sont issus.
Le stock français est suffisant
Denis Beauchamp, responsable céréales dans une coopérative et président de l’association FranceAgriTwittos, l’explique dans un thread très pédagogique : le stock français de céréales permet de couvrir nos besoins intérieurs tout en répondant en partie à la demande extérieure.
Vu les dernières évolutions , petit #thread sur la disponibilité des céréales en France .
— Denis Beauchamp (@GrainHedger) March 6, 2022
Il évoque les projections faites par FranceAgriMer à partir des stocks disponibles chaque mois, et détaille : « En février 2022, la prévision de stock de fin de campagne était de 3,578 millions de tonnes, soit un stock supérieur à la campagne dernière, à 2,3 millions de tonnes ». Ceci grâce à « une bonne production et une baisse des exportations ».
Fin février, les stocks en blé tendre étaient donc suffisants pour couvrir les besoins nationaux d'une part, d’exportation d'autre part. Idem en orge, blé dur et maïs.
L’organisme a depuis revu sa copie en tenant compte de la situation géopolitique : mi-mars, le stock de blé tendre en fin de campagne est estimé à 2,962 Mt, en lien avec la hausse des exportations envisagée vers les pays du Maghreb et du Moyen-Orient. Un stock qui demeure confortable.
« La priorité est accordée à l’approvisionnement des industries utilisatrices sur le marché intérieur », notait le 9 mars Marc Zribi, responsable de l’unité Grains et sucre de FranceAgriMer, au terme du conseil spécialisé « grandes cultures ».
"La plupart des acheteurs français sont déjà couverts"
Le président du conseil, Benoît Piétrement, a précisé à ce sujet : « la plupart des acheteurs français sont déjà couverts. On est plutôt sereins. La régulation (entre exports et utilisations domestiques, NDLR) va se faire naturellement, indépendamment du conflit. ».
En France, « On ne manquera pas de blé pour manger », résume Denis Beauchamp sur Twitter. « On ne pourra pas remplacer les tonnages qui font défaut aujourd’hui en mer Noire. Quand on aura fini de vendre le disponible, on arrêtera de vendre, tout simplement ».
C’est au-delà de nos frontières que la situation est inquiétante en termes de disponibilités. L’arrêt brutal des expéditions depuis la Russie et l’Ukraine a été suivi par des restrictions à l’export dans plusieurs pays européens, et par l’annonce d’une mauvaise récolte en Chine. De quoi assécher l’offre, amplifier la demande, et d’autant plus menacer la sécurité alimentaire mondiales.
La présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, l’évoquait il y a quelques jours sur francetvinfo : des pénuries s’annoncent dans certains pays, « comme en Égypte, qui dépend à 50 % du blé russe, ou en Turquie, à 70 %, et bon nombre de pays d’Afrique également ».