Le salon de l’agriculture bio à l’heure des crises

Salon Tech and Bio 2023 à Bourg-lès-Valence
Dans les allées de Tech and Bio, les difficultés des filières bio sont dans tous les esprits. (©Yoann Frontout)

En 2007, la chambre d’agriculture de la Drôme initiait le premier Tech&Bio sur une exploitation du nord du département, au cœur de la « biovallée » française. Le salon a par la suite investi le lycée agricole du Valentin, gagné plusieurs dizaines d’exposants à chaque édition, et s’est même internationalisé. Aujourd’hui, il est organisé par l’ensemble des chambres d’agriculture et accueille pas moins de 375 exposants issus de 20 pays différents. Pour le président de la chambre d’agriculture locale, Jean-Pierre Royannez, cela ne fait pas de doute : « La barre des 20 000 visiteurs sera dépassée », annonce-t-il. Il se réjouit d’une météo clémente et d’un sol peu impacté par les vigoureuses pluies de lundi, détails non sans importance puisque la majorité du salon est en plein air et qu’il propose une centaine de démonstrations en plein champ. « C’est le salon du dernier kilomètre, à l’image des chambres où l’on fait du conseil jusque dans la cour des fermes », compare Sébastien Windsor, président des chambres d’agriculture.

Humains et robots en action

S’il est beaucoup question de bio, le nom du salon ne doit pas tromper : d’autres modes de production sont également représentés, du conventionnel « raisonné » à la biodynamie. « Tech » renvoie ainsi à toutes les techniques, aux savoir-faire, qui ne demandent qu’à être essaimés au-delà des chapelles - et non pas à la « techno », comme on pourrait le penser de prime abord ! Reste que les technologies de pointe sont bien de la partie, à l’image de robots agricoles, comme le Farmdroïd FD-20 venu du Danemark ou le Trektor du nantais Sitia. Moins tape à l’œil, des innovations purement mécaniques sont également mises à l’honneur, telle la bineuse ergonomique de Einböck France ou l’arracheuse revisitée de Bionalan.

Le solaire mis en lumière

L’adaptation au changement climatique est la thématique phare de cette édition, comme en témoignent les sujets abordés dans la cinquantaine de conférences : évolution des pratiques, nouvelles semences, gestion de l’eau et… énergie. Une vingtaine d’acteurs du secteur sont présents cette année sur le salon, dont une très vaste majorité développant l’agrivoltaïsme ou, plus largement, le photovoltaïque. Un sujet brûlant s’il en est, avec un décret à paraître très attendu. Tapissant des hangars, surplombant des vergers, vignes et pâturages ou étendus au sol sur des parcelles « incultes », la place des panneaux solaires interpelle et inquiète. Les chambres présentent au salon se veulent rassurantes, rappelant leur implication dans le dossier pour que la priorité soit mise sur l’alimentaire et éviter ainsi que des projets subtilisant des terres agraires prennent le nom d’agrivoltaïsme. Un garde-fou suffisant ?

AB, un sigle qui ne parle plus ?

Si les élus parlent volontiers des enjeux autour du solaire et de l’irrigation, c’est bien la crise du bio, déjà constatée depuis deux ans, qui est au centre des discussions. Pour Bertrand Chareyron, commissaire générale de Tech&Bio : « ce n’est pas vraiment la crise du bio, mais une crise du pouvoir d’achat. » Si le portefeuille du consommateur est certainement à incriminer, le fait que des personnes peu touchées par l’inflation se détournent elles aussi du label témoigne d’une situation plus complexe. Le premier baromètre de l’Agence bio sur le moral des agriculteurs bio, dont les résultats ont été dévoilés en ouverture du salon, vient apporter un éclairage supplémentaire. Selon Laure Verdeau, la directrice de l’agence, il y aurait toujours « un optimisme » chez les exploitants mais des « attentes d’engagement » notamment de la part des consommateurs. Différents leviers pour faire face à la crise ont ainsi été évoqués :

  • En premier lieu, repenser et développer la communication autour du label. Elle s’est en partie construite en opposition à l’agriculture conventionnelle, ce qui a certainement desservi les deux modèles. Pointer du doigt les consommateurs n’ayant pas fait le choix du bio ne les a pas incités à l’adopter par la suite. À l’image de la récente campagne « Bio Réflexe », l’idée est de mettre en avant les bénéfices de l’AB pour les écosystèmes, validés scientifiquement, mais également d’insister sur le lien entre bio et local (42 % des fermes en AB vendant en direct) ou encore accompagner les consommateurs dans la cuisine des produits bio comme celle des légumineuses.
  • Mieux vulgariser le cahier des charges complexe de l’AB : « L’agriculture biologique est le mode de production le plus contrôlé de bout en bout, de la production jusqu’à la distribution. On ne l’a peut-être pas assez expliqué et mis en avant depuis 30 ans », estime ainsi Sandrine Faucou, agricultrice en grandes cultures et administratrice de l’agence Bio.
  • Miser sur les jeunes, puisque le marché décourage les conversions mais que les installations se maintiennent. Lycéens et étudiants étaient d’ailleurs nombreux à fouler les allées du salon. Selon Laure Verdeau, le bio serait un « aimant à Nima », avec l’espoir d’un afflux massif. Mais si en Drôme ou en Bretagne, environ la moitié de la jeunesse opte pour le bio, toutes les productions ne bénéficient pas de cet engouement, et c’est avant tout le maraîchage qui attire.
  • Faire pression sur la grande distribution qui applique des sur-marges sur les produits bio, comme l’a dénoncé également Marc Fresneau, ministre de l’agriculture, au salon. Grande distribution qui a pourtant été un allié de la première heure et a ainsi une responsabilité certaine dans la multiplication – peut-être trop rapide ? – de l’offre. Concernant le plan d’aide de 60 millions d’euros pour la production bio, dont les modalités restent à fixer, Loïc Guines, président de l’Agence bio, souhaiterait que les critères pour pouvoir y prétendre soient revus – car « trop complexes », note-t-il. Sandrine Faucou déplore quant-à-elle que l’aide « ne s’inscrive pas plus dans la durée ».
  • Pour rééquilibrer offre et demande, plus et mieux communiquer semble perçu comme la principale clé. Mais est-ce qu’un citoyen informé est un consommateur avisé ? Le lien reste à prouver alors que plusieurs élus rappellent la vraie « dichotomie » qu’il peut y avoir entre les attentes formulées et l’acte d’achat.
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