Cadre juridique des baux ruraux
Renouvellement, prix, résiliation… : 10 mesures pour rénover le bail rural

Selon les rapporteurs d'une mission d'information sur le cadre juridique des baux ruraux, 50 % des baux ruraux en cours sont simplement verbaux. (©Pixabay)
Selon les rapporteurs d'une mission d'information sur le cadre juridique des baux ruraux, 50 % des baux ruraux en cours sont simplement verbaux. (©Pixabay)

 

Alors que la réforme des baux ruraux faisait débat depuis de nombreuses années, sans jamais concrètement avancer tant les oppositions étaient fortes entre représentants des fermiers et ceux des propriétaires ruraux, la commission des lois de l’Assemblée nationale s’est emparée du sujet en menant, pendant six mois, une mission d’information dédiée. Les députés Jean Terlier (LREM) et Antoine Savignat (LR), rapporteurs de cette mission, ont présenté mercredi 22 juillet 2020 une série de mesures pour « préserver l’attractivité des baux ruraux, accroître leur sécurité juridique et moderniser la relation contractuelle entre bailleur et preneur ».

Il s’agit, surtout, d’adapter un régime juridique vieux de 75 ans aux réalités économiques et pratiques agricoles d’aujourd’hui sans remettre en question son « statut d’ordre public ».

« Un travail au sein de la FNSEA a permis de mettre d’accord les fermiers et les propriétaires sur un certain nombre de points. Certains ont été retenus dans nos propositions », explique ainsi Jean Terlier, regrettant de « ne pas avoir eu le temps de confronter leurs propositions aux principaux concernés.

« Le droit de propriété est un droit fondamental. Mais le propriétaire n’a le choix ni du prix, ni de la durée, ni du locataire lui-même », poursuit Antoine Savignat. Pour inciter les propriétaires à mettre à bail leurs terres, les députés suggèrent de prévoir des incitations fiscales à l’instar de celles déjà existantes pour les baux à la long terme.

Un bail renouvelable trois fois maximum

Les députés de la commission proposent de limiter la possibilité de renouvellement à trois fois maximum, soit un total de 36 ans. À la fin de ces « quatre fois neuf ans », le bail prendrait fin de plein droit, sauf si le preneur se trouve à moins de 9 ans de la retraite. L’objectif de cette mesure est à la fois de donner des garanties de reprise sans condition des terres pour les bailleurs, tout en sécurisant la carrière d’un fermier sur les terres louées.

Antoine Savignat, député LR du Val-d'Oise, et Jean Terlier, député LREM du Tarn, sont corapporteurs de la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le régime juridique des baux ruraux.
Antoine Savignat, député LR du Val-d'Oise, et Jean Terlier, député LREM du Tarn, sont corapporteurs de la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le régime juridique des baux ruraux. (©Terre-net Média)
 

Selon les propositions énoncées, la résiliation du bail devrait être facilitée en cas de « défaut d’entretien » « sans avoir à démontrer la compromission de la bonne exploitation du fonds » et le non-paiement des fermages serait plus rapidement sanctionné : après deux mises en demeures restées infructueuses, le juge saisi ne pourrait que constater la résiliation.

Redonner de la liberté contractuelle…

Les rapporteurs suggèrent aussi de redonner davantage de liberté contractuelle aux signataires. Selon eux, le contrat de bail devrait mieux définir les conditions de sa cessibilité ou les modalités de calcul de l’indemnité versée en cas de résiliation. Ils souhaitent aussi laisser les parties s’accorder par écrit sur la possibilité d’activités annexes – diversifications en agritourisme ou production d’énergie notamment – ou de sous-locations temporaires – ce qui est fréquemment le cas en production de pommes de terre ou de melons – en contrepartie d’une majoration du fermage ou d’un partage des revenus.

En termes de prix, les députés sont ouverts, non pas à une revalorisation pure et simple des fermages, mais à une adaptation du mode de calcul en fonction de ce que dégage économiquement l’exploitation. « Il s’agirait d’avoir un calcul du fermage plus adapté à la réalité économique des fermes. »

… moyennant une trace écrite

Pour éviter les contentieux, les rapporteurs souhaitent reprendre en France ce qu’ont fait les Wallons, de l’autre côté de la frontière belge : rendre obligatoire le bail écrit et l’établissement d’un état des lieux. « La rédaction d’un écrit s’imposerait dès que le bail concerne une surface minimale fixée par le préfet du département », explique Antoine Savignat, rappelant que 50 % des baux ruraux sont des baux verbaux. Au même titre qu’il est obligatoire pour les locaux d’habitation, l’état des lieux et le bail écrit constitueraient une base plus saine à la relation contractuelle. Par ailleurs, les députés souhaiteraient « mettre à disposition des modèles de bail écrit et d’état des lieux ».

Outre le cadre strictement juridique du bail rural, les rapporteurs évoquent aussi une nécessaire « simplification du contrôle des structures », qui selon eux, « manque partiellement ses objectifs ». Il s’agirait d’étendre le contrôle des structures aux cessions partielles des parts sociales de sociétés et d’élargir le régime déclaratif aux cessions intrafamiliales. Les rapporteurs reprennent ainsi le vœu, jusque-là pieu, de la FNSafer, de mieux contrôler les cessions de terres et mieux surveiller la financiarisation de l’agriculture.

Un aboutissement plus qu’incertain

Au-delà de ces nouvelles propositions pour dépoussiérer un statut du fermage souvent critiqué pour sa rigidité, la question de l’agenda de la réforme reste entière. Au printemps, Didier Guillaume avait expliqué que la grande loi foncière attendue de la profession ne serait pas présentée d’ici la fin du mandat d’Emmanuel Macron, la faute à un agenda législatif trop serré.

« Nous allons essayer de convaincre le nouveau ministre de l’agriculture de rouvrir ce débat », poursuit Jean Terlier, reconnaissant être « dans un calendrier législatif un peu contraint ». « Est-ce que cela peut aboutir à un projet de loi ? Je l’espère. » Le rapport pourrait aussi déboucher sur une initiative parlementaire, et donc sur une proposition de loi.

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