Le concept de vacances à la ferme est proposé dans tout l’Hexagone. Il permet d’accueillir des enfants qui souhaitent passer un séjour sur une exploitation agricole, pour pouvoir découvrir ses activités. Dans le Nord-Pas-de-Calais, la chambre d’agriculture a mis en place, dès 1994, le réseau "Vacances d’enfants à la ferme", visant l’accueil social en exploitation agricole d’enfants et d’adolescents essentiellement confiés aux services de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Le réseau est ouvert à tous les agriculteurs des Hauts-de-France. Aujourd’hui, il regroupe onze agricultrices du Nord et du Pas-de-Calais.
Un point d’attache réconfortant
« Cet accueil vise les enfants en souffrance affective. Certains sont confiés aux services de l’ASE et font l’objet d’un placement, soit en maisons d’enfants, soit chez des assistants familiaux. D’autres vivent à leur domicile mais sont suivis par un référent social », explique Valérie Louchez, conseillère diversification agricole à la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais, qui accompagne le réseau depuis 22 ans. Le projet d’accueil s’inscrit dans celui de l’enfant et lui donne un point d’attache réconfortant. « L’exploitation leur permet d’avoir un ailleurs, un endroit à eux où on leur consacre du temps, reprend la conseillère. Notamment pour ceux qui vivent en collectivité dans des unités de vie d’une douzaine d’enfants. Nous avons pour notre part limité l’accueil sur une même exploitation à trois enfants maximum. »
Durant un à deux week-ends par mois et la moitié des vacances scolaires, ces enfants peuvent ainsi découvrir un cadre familial à la campagne. Certains sont accueillis sur plusieurs années, de leurs 10 ans à leurs 18 ans. « Quelques jeunes, une fois majeurs, gardent un lien avec les exploitants, raconte Valérie Louchez. Ils reviennent pour parler de leur travail, présenter leurs enfants… La notion "point d’attache" n’est pas un vain mot. »
Redonner de la confiance en soi
Sur l’exploitation, l’enfant participe à la vie de la famille et à celle de la ferme. Des tâches lui sont confiées, ce qui le valorise et l’aide à reprendre confiance en lui. Sociabilisation, responsabilisation, enrichissement personnel, estime de soi… les retombées positives sont multiples. « Le contact avec les animaux est également très bénéfique, souligne la conseillère. Les jeunes se confient aux animaux, qui ne les jugent pas. »
Fibre sociale indispensable
Les séjours sont payés par les départements ou les établissements. En moyenne, les agricultrices reçoivent 60 €/enfant/24 heures. « Cette diversification apporte un revenu supplémentaire non négligeable, précise la conseillère. Mais il faut avant tout avoir la fibre sociale car cet accueil nécessite un engagement personnel important. C’est par ailleurs un projet à choisir en famille : tous les membres doivent être partants, car les jeunes sont accueillis au domicile et partagent la vie privée des exploitants. Les agriculteurs doivent être à l’écoute de leurs propres enfants. »
Après 22 ans de recul, Valérie Louchez peut constater que les retours des familles sont positifs. « Tous les agriculteurs me disent que ces jeunes leur apportent beaucoup, à eux, mais également à leurs enfants. Bien sûr, cela reste une activité humaine et comprend parfois des difficultés. L’important est de mettre un cadre, voir ce qu’il est possible de faire ou non. Une révision du projet est toujours possible. L’important est qu’il satisfasse tout le monde. » La conseillère recommande aux agriculteurs de rejoindre le réseau lorsqu’ils n’ont pas encore d’enfants ou lorsque leurs enfants sont âgés de 7-8 ans.
Des formations obligatoires
Les agricultrices doivent suivre un minimum de 60 heures de formation. Elles acquièrent ainsi des connaissances sur la psychologie de l’enfant et de l’adolescent, ainsi que sur leurs besoins. Elles apprennent également à mieux comprendre les comportements de certains enfants accueillis et à savoir comment réagir. « Beaucoup de jeunes ont perdu un de leurs parents, ou sont en situation d’abandon, informe Valérie Louchez. Ils sont pour la plupart traumatisés, en grande souffrance affective, et présentent des besoins particuliers. »
Le certificat prévention et secours civiques de niveau 1 (PSC1) est également exigé. Enfin, tous les ans, une formation d’un jour ou deux, dont le thème est défini par les agricultrices selon leurs besoins, doit être suivie par ces dernières.
« Les agricultrices ne sont jamais seules, reprend la conseillère. Le réseau se réunit deux fois par an pour échanger. Et toutes peuvent m’appeler dès qu’elles en ressentent le besoin ».
Article de Gaëlle Gaudin pour la revue Travaux&Innovations n°297, d'avril 2023.