« L’exploitation de la SCEA des Tours était à la base uniquement céréalière, avec une production importante de fourrages déshydratés à la ferme. On est passé en agriculture biologique en 2001 et devenu producteur d’énergie en 2009 avec l'implantation de panneaux photovoltaïques sur un bâtiment de la ferme », expliquent Jean-François Cortot et son associé.
Avec l’arrivée de leurs deux fils respectifs, l’exploitation développe également l’élevage ovin et avicole. « En 2020, alors que nous venions de construire notre bâtiment pour les volailles, nous avons eu une proposition de TSE pour installer une canopée agrivoltaïque sur le parcours plein air des poules. Ayant déjà un projet d’agroforesterie, nous n’étions pas intéressés par cette idée,nous préférions la développer sur la partie céréalière. »
L'idée : « pouvoir conserver notre parcelle et cultiver en dessous de la canopée tout en profitant de l’effet d’ombrage des panneaux et d’un revenu supplémentaire stable », explique Jean-François Cortot.
Couplage entre production photovoltaïque et agricole
C’est un site pilote de TSE, il couvre aujourd’hui 3 ha et est capable de produire une puissance de 2,4 mégawatt-crêtes (MWc). Il comprend également 2 ha de témoins à côté, cultivés de la même façon. Le tout est suivi agronomiquement par les équipes R&D d'Alliance BFC (union de coopératives Bourgogne du Sud, Dijon Céréales et Terres Comtoise), afin de produire des références techniques robustes sur le sujet.
En tout, « ce sont 648 tables de panneaux solaires dynamiques qui sont installées au-dessus de ces 3 ha, ils sont orientés est-ouest et tournent toute la journée pour suivre le soleil, indique Fabienne Antheaume, référente agricole TSE pour la région Bourgogne-Franche-Comté. Le taux de couverture des panneaux est de 40 %, on vise plutôt les 30 % pour les futurs projets ».
« L’entièreté de la structure repose sur des pieux forés (25 cm de diamètre), le sol étant caillouteux ici, sinon ce sont plutôt des pieds battus qui sont installés. L’idée est de pouvoir tout enlever pour libérer la parcelle à la fin de l’exploitation, c’est-à-dire sous 40 à 50 ans. » À noter « qu’une étude géothermique est toujours réalisée au préalable et qu’on évite ce type de construction sur sols sableux par exemple ».
« On a choisi notre plus mauvaise parcelle (potentiel de rendement à 35-40 q/ha en blé tendre conventionnel, zone non irriguée) pour voir si on pouvait en augmenter la valeur, par le loyer et aussi par l’amélioration du rendement, précise Jean-François Cortot. Le sol y est très léger et superficiel, et les cultures ont particulièrement souffert du stress thermique et hydrique, en 2022 et 2023 notamment. » Avec ce projet d’agrivoltaïsme, l’ambition est d’aller chercher plus de résilience.
Une indemnisation des exploitants agricoles entre 50 et 70 %
La canopée a nécessité 6 mois de construction et a été raccordée au réseau fin 2023, à 3,5 km de là. Elle compte plus de 60 capteurs qui permettent d’adapter l’orientation des panneaux au fil de la journée pour suivre le soleil, et aussi en fonction du vent et des différents épisodes météorologiques… Ils seront, par exemple, positionnés totalement à la verticale quand il pleut, ou à plat s’il gèle pour essayer de protéger les cultures en dessous.
En tant que développeur, TSE gère les différentes de construction de la canopée, l’étude de faisabilité et la possibilité de raccordement au réseau notamment. L’entreprise française accompagne également les agriculteurs dans les différentes démarches administratives nécessaires et s’occupe ensuite de la gestion de l’énergie produite. En contrepartie, TSE propose une rémunération annuelle dans le cadre d’une convention tripartite, avec le propriétaire et l’exploitant agricole.
« Le bail emphythéotique, de 40 ans en moyenne, porte principalement sur un ou plusieurs volumes d’air situés au-dessus de la surface du sol et qui correspond à la zone d’implantation des modules photovoltaïques. L’objectif : limiter l’emprise foncière des projets tout en conservant le bail rural, en réduisant partiellement son assiette. Ainsi, il n’est pas obligatoire d’être propriétaire foncier pour envisager un projet d’agrivoltaïsme sur une parcelle, mais l’autorisation de celui-ci est incontournable. L’indemnisation annuelle est calculée en fonction de la puissance de l’installation au moment de sa mise en service (nombre de MWc). Elle est répartie entre le propriétaire et l’exploitant agricole. La part de ce dernier est au minimum de 50 %, et cela peut aller jusqu’à 70 %, selon les négociations avec le propriétaire. »
« Le revenu est assuré tout au long du bail. Il est indexé sur l’évolution du prix de rachat de l’électricité et peut donc évoluer. » Etant dans le cas particulier d’un site démonstrateur, l’agriculteur et TSE n’ont pas souhaité répondre aux questions concernant les revenus économiques. Mais dans les rapports récents, on fait part généralement d’un dédommagement des exploitants agricoles compris entre 2 000 et 5 000 €/ha/an.
La canopée adaptée aux grandes cultures
D'un point de vue technique, l'agriculteur n'observe aucune contrainte avec la moissonneuse-batteuse ou les autres engins agricoles. « On n'a absolument rien changé en ce qui concerne le matériel utilisé ou la façon de travailler, par rapport à ce qu'on pratiquait avant. La canopée est adaptée aux grandes cultures, avec une hauteur de 5 m minimum et des travées de 27 m de large. »
Sur le plan agronomique, TSE met en avant plusieurs bénéfices de l’ombrage partiel et tournant, suite aux observations d’un autre site pilote situé à Amance en Haute-Saône et mis en service depuis juin 2022 :
- « baisse de la température de l’air sous l’ombrière : - 4°C en mai-juin 2023, mesurés pour les températures aériennes extrêmes » ;
- « limitation des fortes températures du sol : - 3,5°C à 30 cm de profondeur du sol de juin à mi-août 2022 » ;
- « diminution du stress hydrique : - 75 % de jours de stress sur l’ensemble du cycle » ;
- « des épisodes de grêle moins destructeurs ».
Pour le site de Verdonnet, la première année (2024) a été très compliquée en termes de pluviométrie et il y a eu un véritable manque de luminosité pour les cultures, comme on n’a jamais connu. Les résultats n’étaient donc pas ceux escomptés, avec une réduction de 30 % du rendement en blé tendre par rapport aux témoins (phénomène d’étiolement plus important).
Aujourd’hui, « on est plutôt optimiste sur l’effet des panneaux solaires quand on voit la culture en place, et compte tenu du type de sol et de la faible réserve utile. D'après les mesures, il n'y pas d'écart de nombre de pieds pour ce blé semé le 27 décembre 2024 entre la canopée et le témoin. Mais on peut observer une légère différence de stade : 2-3 feuilles il y a 15 jours sous la canopée, contre 3-4 feuilles pour le témoin », indique Martin Lechenet, responsable data recherche et développement chez Alliance BFC.
En parallèle, TSE teste, avec l’Alliance BFC, « un système de pilotage différent des panneaux sur deux rangées, qui permet leur effacement sur certaines périodes quotidiennes (11h-15 h d’un côté et 15h-19h de l’autre). Le suivi va être réalisé sur plusieurs années afin d'étudier le potentiel de cette pratique ».