Les exportations de céréales françaises sont bien parties pour rebondir sur cette campagne de commercialisation, estime FranceAgriMer. Dans ses dernières prévisions, l’établissement public table sur 14,7 Mt de blé tendre exportés sur 2025/26, contre 10,4 Mt la campagne passée.
Les expéditions vers les pays tiers devraient notamment atteindre 7,85 Mt, contre 3,5 Mt en 2024/25.
Habasse Diagouraga, chargé d’études économiques, souligne la forte demande du Maroc, dont les achats oscilleraient entre 2,5 et 3 Mt cette campagne. Il pointe aussi une reprise des flux vers « les destinations habituelles », comme l’Afrique subsaharienne, et des embarquements vers l’Égypte, le Bangladesh et la Thaïlande.
En juillet, premier mois de la campagne de commercialisation, la France a exporté 1 Mt de blé tendre, un volume légèrement au-dessus de celui de juillet 2024 (0,9 Mt), mais sous la moyenne quinquennale (1,1 Mt).
Les perspectives s’annoncent solides aussi du côté des orges : FranceAgriMer attend 5,6 Mt d’exportations (+ 9 % par rapport à 2024/25), dont 2,9 Mt vers les pays tiers (+ 24 %). La dynamique est plutôt soutenue en ce début de campagne : les expéditions atteignaient 900 000 t en juillet, contre 500 000 t en juillet 2024 et 700 000 t en moyenne sur cinq ans.
Concurrence mondiale accrue
« Le niveau d’exportations a démarré fort, le fait d’avoir des moissons précoces a permis aux opérateurs de se placer sur les marchés, c’est plutôt positif », commente Benoît Piètrement, président du conseil spécialisé "grandes cultures" de FranceAgriMer.
Avant de nuancer : « Oui, on a de la marchandise à vendre, mais il y a de belles productions partout dans le monde et on se retrouve avec une concurrence accrue, ça va être plus compliqué de se placer sur les marchés. » D’autant plus que ces derniers temps, la parité eurodollar a tendance à plomber la compétitivité des céréales françaises.
L’évolution des droits de douanes annoncée par Donald Trump pourrait, dans une certaine mesure, rebattre les cartes.
« Mis à part le maïs, les échanges entre l’UE et les États-Unis ne sont pas très importants, rappelle Julie Garet, cheffe de l'unité Grains et Sucre à FranceAgriMer. Mais les mesures visant d’autres pays pourraient redéfinir certains partenariats et modifier les flux habituels. » Et donc influencer indirectement les céréales européennes.
Si pour l’heure, les ports français retrouvent des couleurs, les producteurs peinent à se réjouir.
Avances de trésorerie
« On est contents d’avoir une bonne récolte, en qualité comme en quantité, reprend Benoît Piètrement. Mais c’est la troisième année consécutive de revenus négatifs pour les céréaliers. Le prix payé aux producteurs risque de tourner autour de 160 €/t, soit 60 à 70 euros en dessous du prix de revient. On est complètement dans le rouge, et derrière on n’a pas de solution immédiate. »
Si bien que « certains agriculteurs doivent déjà demander des avances de trésorerie à leurs organismes stockeurs » pour financer semences, engrais et phytos. « Plus on va avancer dans la campagne, plus ça va être compliqué », alerte-t-il.
Peut-on s’attendre à une forte rétention des producteurs français, et avec quel impact sur les exportations ?
« Évidemment, les prix bas n’incitent pas à vendre, confirme le président du conseil spécialisé. Certains me disent qu’ils vont attendre que le prix reparte, mais à un moment les besoins de trésorerie seront là et ça va se débloquer : il va malgré tout y avoir de la vente qui va se faire, presque de gré ou de force… à des prix qui ne seront pas bons, présage-t-il. Pour la suite, on sent que tout le monde est très tendu, très attentif, et surtout très inquiet et un peu morose. »
