Après le repli historique de la campagne 2024/25, le bon démarrage se confirme pour les exportations céréalières françaises sur la campagne de commercialisation 2025/26.
« Toutes céréales confondues, on a déjà exporté presque 10 Mt sur les quatre premiers mois de campagne, dont 5 Mt vers les pays de l’UE et 4,8 Mt vers les pays tiers. Sur dix ans, c’est le troisième meilleur départ derrière 2019 et 2022. On revient sur des niveaux proches de la moyenne longue », précise Habasse Diagouraga, chargé d’études économiques sur le marché français des céréales.
Ce dynamisme concerne aussi bien le blé tendre que l’orge, le maïs et le blé dur. Il a poussé FranceAgriMer à faire quelques ajustements dans ses prévisions d’exportations pour l’ensemble de la campagne.
Pour le blé tendre, l’établissement anticipe désormais 15,1 Mt exportés en tout, un peu plus que le volume estimé le mois dernier. C’est un niveau bien supérieur aux 10,4 Mt de 2024/25, mais inférieur aux plus de 16 Mt exportés lors des trois campagnes antérieures.
Les expéditions vers les pays tiers ont été légèrement abaissées, à 7,6 Mt (- 250 000 t sur un mois) tandis que celles à destination de l’UE ont été relevées de 300 000 t, à 7,4 Mt. Une révision « liée à la compétitivité du blé (face au maïs), qui serait davantage utilisé par les pays de l’UE en fabrication d’aliments du bétail ».
Le Maroc tire la demande
Sur les quatre premiers mois de campagne, les exports cumulés de blé tendre français atteignaient déjà 5,4 Mt, au-dessus de la moyenne quinquennale. Le Maroc tire largement la demande : « il a déjà importé 1,34 Mt entre juillet et octobre, et si l’on en croit le line-up, encore 300 000 t sont parties vers le Maroc en novembre ».
L’Afrique subsaharienne n’est pas en reste : 761 000 t importées en quatre mois, un niveau très supérieur à celui des cinq dernières campagnes. À l’inverse, l’Algérie continue de se détourner du blé français et s’approvisionne auprès d’autres pays de l’UE, surtout la Roumanie et la Bulgarie.
Pour l’orge, FranceAgriMer a réhaussé de 150 000 t sa prévision d’exportations vers les pays tiers, à 3,4 Mt (+ 45 % par rapport à 2024/25). Les exports totaux d’orge atteindraient ainsi 6,1 Mt, en hausse de 19 % sur un an.
Le cumul à quatre mois de campagne s’établit à 2,4 Mt, « légèrement au-dessus de la moyenne quinquennale ». La Chine a été le premier débouché sur la période, avec 871 000 t, mais les flux vers cette destination se sont surtout concentrés sur juillet et août.
Ce sont désormais la Belgique, l’Arabie saoudite et le Maghreb (Maroc et Tunisie) qui tirent les exports, « et dans une moindre mesure le Qatar et les Émirats arabes unis ».
Montée en puissance des exports de maïs grain
Les exportations de maïs grain (hors maïs humide) sont jugées « très dynamiques », avec 1,7 Mt exportés sur quatre mois. Une « montée en puissance rapide après une campagne précédente très basse », et surtout portée par les pays de l’Union européenne, Pays-Bas (501 000 t) et Espagne (466 000 t) en tête.
Vers les pays tiers, c’est le Royaume-Uni qui s’impose comme le débouché majeur du maïs français : il représente à lui seul 118 000 t sur les 180 000 t exportées hors de l’UE en quatre mois de campagne, « en hausse par rapport aux campagnes précédentes ». FranceAgriMer maintient sa prévision globale à 5,1 Mt de maïs exportés sur 2025/26.
Pour le blé dur, l’établissement l’a revue à la hausse, à 780 000 t, avec une nette progression vers les pays tiers : + 27 % d’un mois sur l’autre, à 140 000 t.
« Les exportations repartent vers ces destinations, on le voit dans les line-up », explique Habasse Diagouraga. Il pointe la demande soutenue de la Tunisie et du Royaume-Uni, et la percée des pays d’Afrique subsaharienne (Côte d’Ivoire, Mali et Mauritanie notamment), où le blé occupe une place de plus en plus importante dans les habitudes alimentaires.
Concurrence de l’hémisphère Sud
Ce dynamisme des exportations repose en grande partie sur la compétitivité des céréales françaises sur la scène internationale ces derniers mois : « On a un blé français qui a été plus compétitif que toutes les autres origines, même le blé russe, et aussi une bonne qualité ».
Mais la prudence reste de mise pour la suite de la campagne d’exportations. La concurrence de l’hémisphère sud commence à peser sérieusement, notamment celle du blé tendre argentin avec ses prix FOB sous ceux de l’origine française.
« On prévoit que les flux seront dynamiques vers le Maroc au moins jusqu’en janvier. Mais après, il y aura effectivement cette concurrence sud-américaine et un risque de limitation des débouchés vers les pays tiers », développe l’analyste.
En faisant bondir les prix des assurances maritimes et en perturbant la logistique en mer Noire, les tensions entre l’Ukraine et la Russie pourraient toutefois favoriser les origines françaises, en particulier sur le marché européen.
« Les difficultés logistiques jouent déjà, la France est très agressive vers la destination UE. On le voit au-delà des difficultés en mer Noire. Avec les problèmes logistiques à l’est de l’Europe, il y a eu une forte demande en camions qui a favorisé les exportations françaises en première partie de campagne. Si les problèmes logistiques perdurent, les céréales françaises continueront à être compétitives sur toutes les destinations », estime-t-il.