La tendance baissière des prix des céréales sur le marché européen est-elle en train de s’essouffler ? C’est l’une des questions soulevées lors d’un point presse organisé par FranceAgriMer le 16 décembre. Jean Jacquez, chargé d’études économiques sur le marché européen des céréales, a mis en évidence pour les cotations Euronext du blé et du maïs « des tendances toujours baissières sur l’échéance mars 2026, mais dont on perçoit l’épuisement sur les contrats continus ».
Le blé meunier mars 2026 reste de fait dans un canal baissier en place depuis mars 2025. La baisse se poursuit, « avec un cours qui évolue dans la partie haute du canal ». Le contrat a clôturé à 189 €/t le 12 décembre, après avoir touché un point bas à 186,75 €/t le 1er décembre.
La configuration est très proche pour le maïs mars 2026, avec un point bas à 184 €/t mi-octobre, une clôture à 185,75 €/t le 12 décembre, et « un cours qui vient buter plusieurs fois contre le haut du canal baissier, qui fait pour le moment office de résistance », souligne l’analyste.
Le diagnostic change lorsque l’on observe les cotations en contrat continu : « en emboîtant les échéances les unes derrière les autres, le graphique n’a pas du tout la même physionomie ! ».
« Le cours latéralise »
Pour le blé meunier, la forte tendance baissière s’est interrompue à l’automne. Depuis septembre, les prix évoluent dans un canal étroit, entre 185 et 195 €/t. « Le cours va de côté, il latéralise, ne descend pas plus bas », remarque Jean Jacquez. Car les fondamentaux très lourds sont déjà largement intégrés par le marché : « le mal est déjà fait et la baisse commence à se calmer ».

Même constat pour le maïs : après un épisode de forte volatilité entre juin et août et malgré un creux ponctuel à 179,25 €/t en octobre, le marché se stabilise depuis la fin de l’été. Le cours de clôture au 12 décembre (185,75 €/t) est supérieur à celui de début juin (184,50 €/t).
« Les dégâts techniques ont été faits, les fondamentaux sont « pricés », donc a priori ça devrait se calmer…. Mais les prix restent très bas : on est sur des valeurs de marché fourragères », rappelle le spécialiste.
Substitution du maïs par le blé dans les rations animales
Il pointe un autre élément marquant : la convergence des prix entre blé et maïs sur Euronext. Le 12 décembre, le blé n’était que 3,25 euros plus cher à la tonne que le maïs.
Une situation qui favorise son incorporation dans les rations animales : « si l’on tient compte du combo énergie/protéines, le blé devient plus intéressant et compétitif pour les formulateurs d’aliments ». Des substitutions seraient déjà en cours et pourraient s’amplifier si cet écart reste aussi réduit.
Ces arbitrages liés au « spread » étroit entre blé et maïs contribuent à expliquer à la fois « le retard des importations de maïs en Union européenne et la sous-performance des exportations de blé tendre ».
Au 5 décembre, les sorties de blé tendre de l’UE atteignaient 10,2 Mt depuis le début de la campagne de commercialisation 2025/26. Un niveau légèrement inférieur à celui de la campagne précédente, alors que les disponibilités exportables sont en nette hausse.
Retard de la récolte ukrainienne
La Commission européenne vise 31 Mt de blé exportées en tout d’ici fin juin prochain : « Comment va-t-on pouvoir réaliser cet objectif si le rythme reste identique ou presque à celui de l’an dernier ? »
Côté maïs, les importations européennes restent en retrait (7,1 Mt) malgré une production communautaire inférieure à la moyenne quinquennale. La compétitivité du blé en alimentation animale par rapport au maïs joue un rôle-clé dans ce repli, mais ce n’est pas la seule explication : le retard de la récolte ukrainienne intervient aussi.
Environ 2 Mt de maïs resteraient encore à récolter en Ukraine et « les conditions humides font craindre une contamination par les mycotoxines », ce qui pourrait les rendre indisponibles pour le marché européen.
Par ailleurs, une demande assez forte de pays comme l’Iran ou l’Égypte aurait capté une partie des volumes de maïs qui auraient pu être importés par l’UE sur ces premiers mois de campagne.