Réduire la facture au semis, c’est possible ?

L’application du fertilisant par spots au moment du semis permettrait de réduire d’un quart la consommation d’engrais. L’intérêt économique resterait toutefois à démontrer. (©Kverneland)

La fertilisation starter, dans le cas du maïs, permet d’apporter aux plantes les éléments très peu mobiles dans le sol, et utiles au tout début de leur croissance, notamment en conditions froides. Ce qui est pratiqué le plus fréquemment, c’est l’application d’un engrais binaire, du « DAP 18-46 », c’est-à-dire composé à 46 % de phosphore et à 18 % d’azote. Une fertilisation en plein engendre du gaspillage. Un apport un peu en profondeur, en revanche, au plus près des rangs, permet à la fois de réduire de 30 % la quantité d’engrais épandus, et de répondre à deux enjeux.

Le doseur Fertismart de Monosemmise sur la polyvalenceet le débit de chantier. (© Monosem)

Au niveau de l’azote, l’enfouissement évitera la volatilisation – attention, toutefois, à ne pas être trop proche de la racine afin d’éviter les risques de brûlure. Concernant le phosphore, quant à lui très peu mobile, une application au plus proche des racines s’avérera intéressante en cas de faible disponibilité dans le sol. « Le maïs a la particularité de présenter une valorisation de la localisation, expose Christine Le Souder, ingénieure spécialiste de la fertilisation chez Arvalis. Une même dose de phosphore apportée en localisé sera bien plus efficace qu’appliquée en plein, et c’est très spécifique au maïs. »

Gare aux brûlures

Pour fertiliser dans la ligne de semis sans s’exposer à une toxicité ammoniacale (brûlures), une solution consiste à enfouir l’engrais au milieu du rang quelques centimètres sous la graine, à 8-10 cm en profondeur. À cette fin, le semoir doit être équipé de pièces travaillantes spécifiques. La technique la plus répandue est le « 5/5 », c’est-à-dire à 5 cm de la graine, latéralement et en profondeur. La distribution doit être bien réglée, stable et fiable afin de répondre conjointement à deux exigences : des apports d’engrais suffisamment proches pour être efficaces, tout en évitant les risques de brûlure.

Les constructeurs proposent tous des solutions. Horsch a son système dit « PPF » (pour « placement précis de la fertilisation »). Un soc monodisque avec une roue de jauge permet d’aller à 9 cm de profondeur et à 6 cm de la ligne de semis. Monosem mise pour sa part sur la polyvalence, avec son système Fertismart sorti il y a un peu moins de deux ans. Son doseur animé rang par rang par un moteur électrique peut distribuer tous types d’engrais. « On a des engrais provenant de coopératives avec une granulométrie très hétérogène, d’autres collants, des bouchons très difficile à distribuer… il faut répondre à toutes les situations, argumente le spécialiste produit Flavien Cattoni. On peut appliquer jusqu’à 450 kg/ha de produit sur une base de semoir à huit rangs à 75 cm, à une vitesse de 15 km/h. »

Et en fertilisation liquide ?

L’outil FurrowJetde Precision Planting,pour la fertilisationphosphorée, est composéd’un jet central permettantd’injecter le fertilisantdans le sillon et de deuxpetites ailettes pourune application à quelquescentimètres. Trois produitspeuvent ainsi être diffusés,pour une assimilationà deux périodes différentes. (© Precision Planting)

La firme américaine Precision Planting apporte des solutions pour la fertilisation liquide. Ces équipements de semis monograine sont compatibles avec plusieurs marques (Monosem, Kuhn, Väderstad, Gaspardo…). Le FurrowJet, pour la fertilisation phosphorée, est un outil composé d’un jet central permettant d’injecter le fertilisant dans le sillon et de deux petites ailettes pour une application à quelques centimètres. Trois produits peuvent ainsi être diffusés, pour une assimilation à deux périodes différentes, dès le premier jour et deux à trois semaines plus tard.

Pour la fertilisation azotée, Precision Planting propose un système baptisé « Conceal » qui permet d’enfouir l’azote au début du cycle. Cet accessoire se niche dans l’élément semeur et enfouit l’engrais dans le sol à 7,5 cm de la graine. L’azote se retrouve disponible dès le début du cycle. Pratique sur sols froids, lorsqu’il y a peu de vie microbienne.

Si seulement 10 % à 15 % des agriculteurs utilisent de la fertilisation liquide, c’est probablement à cause du prix d’achat plus élevé. Mais « le prix à l’hectare reste inférieur parce qu’on en applique 45 kg/ha, soit deux fois moins, soutient Marc Billiat, spécialiste support produit chez Precision Planting. Passer de solide à liquide, c’est ce qu’il y a de plus profitable pour l’agriculteur aujourd’hui. »

En fertilisation liquide, le systèmeConceal de Precision Plantingest niché dans l’élément semeuret enfouit l’engrais dans le solà 7,5 cm de la graine. (© Precision planting)

Quels gains avec l’ultra-localisé ?

La précision dans l’application des fertilisants solides franchit un nouveau palier depuis cette année avec une distribution en pointillé et non plus en ligne continue. Par « spots », un peu à la manière de la pulvérisation des herbicides. La technique se montre particulièrement intéressante pour le phosphore, peu mobile. Deux constructeurs la proposent, Amazone et Kverneland. Le système Fertispot développé par Amazone, récompensé d’un Sima Innovation Award il y a deux ans, est commercialisé depuis cette année.

La distribution se fait par le remplissage d’une poche d’accumulation. Une cuillère tourne en même temps que le disque de semence. À chaque tour, elle prend un poquet d’engrais et le jette dans la descente afin qu’il soit positionné soit au niveau de la semence, soit en décalé (selon les besoins). En maïs, l’engrais sera positionné plutôt entre les graines de manière à forcer les racines à se développer. Il s’agit d’un dispositif purement électrique. Avec lui, les gains d’efficacité seraient d’autant plus importants que la distance entre les graines sur une même ligne augmente, met en avant le constructeur, dont le but affiché est de réduire la consommation d’intrants.

Avec le système Pudama, lancécette année par Kverneland, jusqu’à20 gerbes d’engrais par secondepeuvent être envoyées, ce quicorrespond à une vitesse de travailde 15 km/h maximum, prometle constructeur. (© Kverneland)

Le système Pudama, de Kverneland, poursuit le même but. Il a été couronné d’un Innov'Space et d’un Sommet d’or cette année. Une brosse positionnée au niveau de chaque enfouisseur retient l’engrais. Grâce à un jet d’air pressurisé, elle s’ouvre et l’engrais est propulsé dans le sillon sous chaque graine. « Jusqu’à 20 gerbes d’engrais par seconde peuvent être envoyées, ce qui correspond à une vitesse de travail de 15 km/h maximum », explique la marque norvégienne. « 80 à 90 % de notre dose d’engrais sont répartis sur 3 cm », assure Olivier Ramspacher, chef de produit semoirs monograine et agriculture de précision. Amazone comme Kverneland revendiquent une économie d’engrais starter de 25 % grâce à leurs deux dispositifs, tout en maintenant un rendement équivalent.

Un intérêt économique à démontrer

La fertilisation au semis ultra-localisée constitue-t-elle une petite révolution ? Ou bien une simple évolution ? Ou encore un gadget ? « C’est une avancée intéressante, juge prudemment Damien Brun, ingénieur services chez Arvalis. Nous n’en sommes qu’au tout début, le Pudama de Kverneland n’est pas encore utilisé en France. L’usage permettra de vérifier la fiabilité technique, comme la synchronisation entre les graines et le dépôt d’engrais. »

Concernant l’intérêt économique, Christine Le Souder reste dubitative : « On n’a pas suffisamment de gains techniques pour que cela justifie le déclenchement d’un achat, les seuls avantages que l’on a, sur le maïs, sont un petit gain sur le phosphore et la réduction de la volatilisation de l’azote. » La rentabilité dépend de la surface et de la quantité d’engrais apportée au départ. « Actuellement, il faut à peu près un millier d’hectares pour rentabiliser le système Pudama », estime Olivier Ramspacher.

Le système Fertispot de la firme Amazone(ici sur un semoir Precea), récompenséd’un Sima Innovation Award en 2021,est commercialisé depuis cette année.Il promet de réduire la consommationd’engrais de 25 %. (© Amazone)

La hausse des prix des intrants pourrait-elle néanmoins justifier l’investissement ? « Aujourd’hui, les prix sont tellement volatils que les agriculteurs commencent à se poser des questions et se dire que chaque kilo d’engrais acheté doit être optimisé », indique Baptiste Millet, chef de produit semoirs monograine chez Amazone. La firme de Basse-Saxe reste néanmoins évasive sur les prix, « l’investissement supplémentaire peut s’évaluer à environ 1 000 € du rang, à mon avis cela peut donc être intéressant à partir de 50 ha de cultures sarclées », ajoute Baptiste Millet.

Damien Brun met cependant en garde : « Il faut relativiser les 25 % d’économie d’azote mis en avant par les constructeurs, car ce que l’on apporte en starter ne représente pas plus de 16 % de l’apport global en engrais sur une culture de maïs. » Les autres marques semblent plutôt attentistes. Kuhn, par exemple, annonce être « en veille stratégique » sur le sujet. « Il nous faudrait une technologie qui puisse être abordable, rentable pour l’agriculteur », indique la responsable produits semoirs Eugénie Gojard.

Pas d’enthousiasme démesuré non plus chez Horsch. « À l’avenir, sur nos semoirs portés télescopiques, nous serons capables de faire de la coupure rang par rang pour l’engrais », table Marc Dorsemagen, responsable produits monograine. « On peut très bien imaginer un apport d’azote en starter en localisation classique ou en ciblé, puis revenir par la suite avec un enfouisseur pour l’azote », suggère Damien Brun. La stratégie fertilisation d’une culture doit se raisonner dans sa globalité. Or, le maïs n’a pas forcément de gros besoins au semis, le starter ne représente qu’une partie réduite. « Dans du maïs, on pourrait aussi localiser plus tard en végétation, avec d’autres outils », propose l’ingénieur Arvalis. La question de l’intérêt économique demeure donc ouverte.

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