Qu'est-ce que qu'une Scic ?
La Scic ou société coopérative d'intérêt collectif a été créée au début des années 2000.
L'objectif : réunir des personnes très diverses, physiques et morales, de droit public ou privé, autour d'un projet économique commun.
« Ce sont donc des gens qui n'ont pas forcément l'habitude de travailler ensemble, complète François Pourcelot, directeur des Pyrénées-Orientales à la Safer Occitanie. Les projets concernés impliquent plusieurs partenaires. »
Au niveau juridique : il s'agit d'une entreprise coopérative sous forme commerciale (SARL, SAS ou SA), à capital variable. Cette dernière a pour objet, comme le précise la loi, "la production ou la fourniture de biens et de services d'intérêt collectif qui présentent un caractère d'utilité sociale". Elle doit répondre à certains critères : création antérieure à 7 ans, pas de difficultés financières, pas cotée en bourse, mais soumise à l'IS.
« C'est différent d'une association, ajoute François Pourcelot. On parle de sociétariat hétérogène ou multisociétariat. »
Que signifie "intérêt collectif" ? Dans le secteurs agricoles, cela correspond, par exemple, aux projets de territoire ou de filière. À respecter : une gestion désintéressée, sans but capitalistique (les excédents, entre autres, ne doivent pas être réinvestis dans l'activité) et les règles coopératives (gouvernance, votes), même s'il y a quelques distinctions.
Les points communs avec les coopératives
1- Financiers
→ Réverses impartageables, pas de capitalisation.
« Il n'est pas possible de les incorporer au capital social, ni de les redistribuer aux coopérateurs. Lorsque ces derniers quittent la société, les parts sociales ne sont pas non plus réévaluées. Tout ceci afin d'assurer la stabilité de gouvernance, ainsi que l'indépendance et la pérennité de la structure. »
2- Gouvernance
→ Via des assemblées générales avec le principe "1 homme = 1 voix".
Les différences
1- Financières
→ Réserves impartageables pour + de 57,5 % du résultat
Cette partie n'est pas soumise à l'impôt sur les sociétés.
2- Gouvernance
→ Les sociétaires sont regroupés par collège de vote.
Trois au minimum (bénéficiaires, salariés, producteurs de biens et de services qui vont travailler pour la Scic...), dont deux sont imposés.
« Puisque les Scic sont des sociétés ouvertes sur l'extérieur, les associés peuvent être nombreux. Grâce à une organisation par groupe, elles sont plus faciles à gouverner », souligne le directeur de la Safer des Pyrénées-Orientales.
→ Avec 10 à 50 % de voix par collège.
« La stabilité de gouvernance est ainsi renforcée. »
→ La Scic est dirigée par un conseil coopératif.
Celui-ci correspond, en fait, au conseil d'administration d'une coopérative.
→ Aucun agrément nécessaire (contrairement aux coops), une révision quinquennale suffit.
Exemple d'une Scic territoriale : témoignage de son président
André Mercier a présidé, pendant 18 ans, la coopérative des vignerons ardéchois et est à l'origine de la création d'une Scic territoriale. Aujourd'hui retraité, il explique comment celle-ci a été sa mise en place, est gérée, ainsi que les avantages et inconvénients de ce type de structure pour le portage de foncier via des coopératives agricoles notamment, afin d'aider de jeunes agriculteurs, futurs coopérateurs, à s'installer. Précision importante selon lui : « 90 % des viticulteurs du département sont en caves coopératives. La nôtre est très implantée : 85 % des surfaces et des volumes. » Toutefois, ce qui est présenté ci-dessous peut s'appliquer à d'autres productions.
Pourquoi créer cette Scic ?
André Mercier : « Il y a 10 ans, nous avons décidé de réserver une enveloppe à l'installation des jeunes producteurs, pour faire de la mise en relation avec les cédants en particulier. Car l'enjeu, pour les coopératives dans les années à venir, est de perdre le moins possible de surfaces et de volumes. Les Scic, dont nous avions entendu parler, nous ont paru intéressantes pour pouvoir anticiper les choses. Alors pourquoi pas essayer d'en monter une ? Aujourd'hui, en Ardèche, difficile de dire : "je ne savais pas que des gens cherchaient des terres, comment peut-on faire ?". La Scic et les actions qu'elle mène sur le foncier agricole sont connues dans le monde agricole. »
Comment fonctionne-t-elle ?
Au niveau gestion
« L'union de coopératives viticoles est le porteur de projet, auquel la Safer est complètement associée à travers la Scic. On n'essaie pas de faire son boulot à sa place. C'est elle le pilote, en lien avec les coops adhérentes qui sont là en soutien. Ces dernières sont les membres fondateurs, leurs présidents constituent le conseil coopératif. Détenant la Scic à 51 %, l'union de coopératives est majoritaire au niveau des votes. On organise des AG, on a un commissaire au compte. Tout ceci pour éviter que des particuliers, sociétaires, ne viennent faire capoter certaines opérations. »
Les coopératives, porteurs de projet. La Safer, le pilote.
Financièrement
« La cotisation des associés, qui s'engagent pour cinq ans, est de 1 000 € et peut être défiscalisée (dispositif Madelin destiné à dynamiser l'économie). Une réduction d'impôts, de 20 % environ, fixée annuellement au niveau européen et qualifiée de gratification fiscale pour des questions réglementaires. Ce n'est pas une rémunération du capital : il n'y a pas de ventes d'actions ni de parts sociales, ayant une valeur sur un marché ou avec une revalorisation. Les contributeurs sont des sociétaires, pas des actionnaires ! Il ne sont pas là pour faire fructifier un capital, mais par motivation citoyenne. On n'est pas sur les mêmes contraintes que pour les GFA. Au niveau des intérêts, même si les placements ne valent pas grand-chose aujourd'hui, nous donnons un dédommagement participatif avec des produits agricoles que nous commercialisons.
Cela ressemble au financement participatif.
Cela incite les gens à investir dans ce portage. Aider financièrement les installations agricoles, contribuer au maintien des exploitations, dont ils sont en quelque sorte un peu propriétaires, préserver les terres agricoles, cela leur plaît. Cela ressemble au financement participatif qui prend de l'ampleur en agriculture. Les contributeurs prennent une, deux et parfois jusqu'à 10 parts, pour eux-mêmes ou pour offrir en cadeau à des proches. En trois ans, nous sommes arrivés à 1 900 cotisants et 1,9 M€ collectés. Nous avons déjà acheté deux vignobles, soit une quarantaine d'hectares au total. La Scic donne du poids aux coopératives pour acquérir des terres face aux privés et aux négoces. »
1 900 cotisants, 1,9 M€ collectés, 40 ha achetés.
Les modalités pratiques
« Sur les premiers 25 ha de vignes, nous avons créé deux sociétés et embauché des salariés. Les 14 autres hectares sont exploités par une jeune agricultrice. Il y a beaucoup de cas de figure possibles. Comme pour le portage classique Safer/banque, et le système du fermage d'ailleurs, nous avons conclu un bail avec la jeune productrice, qui verse un loyer. Elle peut s'installer directement avec le matériel de l'exploitation et ne l'acquérir réellement qu'au terme du portage, si elle en a la capacité financière. Une autre propriété de 18 ha, enfin, n'était pas viable. Si nous installions quelqu'un dessus, il allait se planter. Un jeune, intéressé par 4 ha, a sollicité la Scic qui les a achetés. Si demain, il est capable de les acquérir, on lui vendra. »
Plein de cas de figure.
Comment la faire vivre au quotidien (levée de fonds, recherche de foncier et de porteurs de projets) ?
« Animer la Scic est très important pour créer et garder du lien entre les sociétaires et les impliquer dans les projets. C'est pas mal de travail : il faut un ou des animateurs − des salariés de la coopérative dédiés à cette mission − qui gèrent les conventions avec les contributeurs. Les entrées et sorties, elles, sont validées en conseil coopératif. Même si c'est rare, cela arrive qu'on refuse des gens. »
Effectuer des mises en relations cédants/repreneurs viables.
« Maintenant, dès qu'une propriété se libère, nous sommes organisés pour rentrer dans le jeu. Nous savons quel foncier doit être cédé et nous disposons d'une liste de jeunes qui souhaitent s'installer. À nous d'effectuer des mises en relation viables entre cédants et repreneurs. C'est le conseil coopératif qui choisit celui qui bénéficiera du portage, en impliquant la coopérative de la Scic concernée. Ça fonctionne plutôt bien. Notre seule crainte avec la Scic est de faire encore monter les prix, l'hectare de vigne valant déjà entre 12 000 et 15 000 €/ha. Mais, pour le moment, nous parvenons à les maîtriser. Avec la pandémie de covid, et les difficultés pour se réunir, notre activité s'est un peu ralentie. »
« Pour nous faire connaître, il a fallu communiquer, sur les réseaux sociaux notamment, même si pour trouver de nouveaux sociétaires, le bouche-à-oreille fonctionne plutôt bien. 60 % des cotisants ne sont même pas Ardéchois ! La communication sert surtout à l'animation de la Scic pour promouvoir les événements, festifs ou autour de produits et travaux agricoles, que nous organisons pour les contributeurs. C'est comme ça qu'on les fédère ! Ils y participent volontiers, ils sont heureux de voir que leur argent sert à quelque chose. Nos associés coopérateurs aussi d'ailleurs. Un moyen de favoriser les échanges entre producteurs et citadins. »
Source : webinaire de La Coopération Agricole intitulé "Coopératives et foncier, système de portage". Il fait suite aux travaux réalisés dans le cadre du Casdar, ayant abouti au guide "Les coopératives et le foncier".