Comment financer son installation agricole ?

Billets devant un champ de blé
Le crédit bancaire demeure le principal mode de financement, mais d'autres sources se développent : crowdfunding, tiers investisseurs, portage... (©Luigi Masani/Wirestock Creators, Adobe Stock)

En amont : bien préparer son projet

« Pour réussir à financer un projet d’installation agricole, il faut bien le préparer, autant sa construction globale que sa présentation aux divers interlocuteurs. D’où l’importance d’anticiper et de se faire accompagner », met en avant d’emblée Éléonore Daly, animatrice du PAIT (point accueil installation transmission) en Gironde (dépendant de la chambre d’agriculture comme dans beaucoup de départements). Autrement dit : de « se donner le temps d’acquérir de solides compétences – ne pas hésiter à se former, effectuer des stages, du salariat – rencontrer le maximum de partenaires et réfléchir à ses outils de production : foncier, bâtiments, autres investissements, commercialisation, financement… »

En faire le tour avec l’ensemble des acteurs.

« C’est vraiment la clé de réussite, insiste-t-elle. Et le rôle du PAIT d’y veiller. » Porte d’entrée de tout candidat au métier d’agriculteur, quel que soit son profil et projet, que ce soit par les réunions d’information collectives organisées tous les mois ou un rendez-vous individuel, cette structure les accueille, les écoute, les informe, les oriente. Surtout, elle les fait avancer dans leur réflexion, seulement initiée au premier contact. Il s’agit, au fil des rencontres, de « faire le tour du projet », car « tout est à construire en lien avec l’ensemble des acteurs ».

Montrer qu’on le maîtrise du bout des doigts.

« La qualité de celui-ci et de son porteur passe devant le business plan et la rentabilité dans les critères d’analyse d’une demande de financement, appuie Sylvain Gioux, référent installation au Crédit Agricole Centre-Ouest (intervenant principalement en Haute-Vienne). Du fait de la diversification des profils et parcours (origine non agricole, reconversions professionnelles), l’humain est devenu primordial. » L’expérience est, de fait, de plus en plus prise en compte. Maîtriser son projet est désormais essentiel. « Sur le bout des doigts », insiste-t-il auprès des futurs installés.

Le projet et le candidat passent avant le business plan.

« Vous l’avez mûri pendant plusieurs années. Vous devez le montrer à vos interlocuteurs. Difficile d’évaluer en quelques heures vos compétences ! On a très peu de temps pour se faire une idée : il n’y a pas de piège, il faut juste être dynamique dans la présentation et savoir se vendre. » Dans un deuxième temps, le banquier s’intéresse à l’exploitation à reprendre : le foncier, les bâtiments, le cheptel… L’étude économique prévisionnelle ne vient qu’après.

Les aides à disposition

  • la DJA (dotation jeune agriculteur)

Pour rappel : le dispositif reste national, mais il est géré par les Régions depuis la Pac 2023-2027, avec des montants et modalités d’éligibilité/attribution qui diffèrent donc de l’une à l’autre, et un financement européen et régional. Parmi les conditions d’accessibilité : l’âge (18 à 40 ans), le diplôme (niveau IV : bac pro agricole, BPREA…), l’expérience, la réalisation du PPP ou 3P (plan de professionnalisation personnalisé), le revenu en année 4 (atteinte de l’objectif fixé dans le prévisionnel), ainsi que des exigences environnementales (éco-schéma de niveau 2 ou 3 entre autres). « Un peu moins de la moitié des installations en Gironde en bénéficient », indique Éléonore Daly.

  • les subventions

« Être exclu de la DJA ne veut pas dire de toutes les aides », rassure-t-elle. Plusieurs subventions peuvent être mobilisées, notamment pour du matériel ou des équipements techniques, provenant des collectivités locales (communautés de communes, pays, Départements, Régions), de l’État et de l’Europe. Toutes ne concernent pas les mêmes choses. « D’où l’intérêt de les éplucher pour ne rien rater, conseille l’animatrice. Le PAIT donne un aperçu assez complet de ce qui existe et de comment ça fonctionne. »

Parfois jusqu’à 50 % du montant investi : un financement à part entière.

Quel que soit l’organisme, les conseillers spécialisés connaissent bien le sujet et renseignent les candidats à l’installation sur ce qu’ils peuvent solliciter. Dès qu’un appel à projet est lancé, ils les alertent. « Les subventions sont un moyen de financement au même titre que le crédit bancaire ou l’apport personnel, examiné comme tel au moment de l’étude économique, fait-elle remarquer. Dans certaines situations, elles sont loin d’être négligeables et peuvent représenter jusqu'à 50 % du montant investi. On ne peut pas ne pas en tenir compte. »

Les financements bancaires

Ils demeurent le principal levier. Deux types d’emprunts sont envisageables, d’échéances et durées variables selon leur objet.

  • court terme

De moins de 12 mois, ils servent à financer essentiellement le cycle de production (avances aux cultures, appros) et la TVA (95 % des porteurs de projets y sont assujettis, précise Sylvain Gioux, la majorité des financements moyen terme étant hors taxe).

  • moyen et long termes

Ces prêts, qui concernent généralement des investissements, peuvent aller de 13 à 60 mois jusqu’à 20 ans : 5 ans pour du matériel d’occasion, 7 ans pour du neuf, 10 ans pour du fonds de roulement, 15 ans pour des bâtiments ou du cheptel bovin, 20 ans pour du foncier. « Sachant que la durée doit être adaptée à l’usage, enchaîne-t-il, prenant l’exemple d’un tracteur. Elle ne peut pas être la même s’il tourne 500 h ou 1 500 h/an : on sait pertinemment qu’il sera renouvelé avant que le prêt soit remboursé. »

  • les taux

« Très volatils, ils impactent l’équilibre de l’exploitation et sa rentabilité. Après une période tumultueuse en 2022-2023, on revient à quelque chose de plus normal », explique le banquier du Crédit Agricole dont l’offre en la matière, nationale, est déclinée dans les caisses régionales. « Pour donner un ordre d’idée, lorsqu’un de nos clients agriculteurs emprunte un euro en base 100, un jeune qui s’installe – aidé ou non – emprunte un euro en base 50. »

  • la modularité

Elle prend souvent la forme d’un différé d’amortissement, « pour soulager la trésorerie de l’entreprise », et dépend de la nature de l’investissement. « Dans le cas d’une création d’activité, il faut que celle-ci se mette en place, on ne peut pas exiger le premier remboursement dès le mois suivant l’installation », justifie-t-il. On peut alors envisager une première échéance annuelle à 12 mois, qui pourra même être différée en cas de besoin, notamment pour les cultures qui arrivent en pleine production au bout de plusieurs années.

Aucun surcoût.

« Ce sont des solutions disponibles en fonction des besoins et réalités de chacun », résume Sylvain Gioux. Mais à quel surcoût ? « Cette question nous est souvent posée. Il n’y en a pas », répond-il, avant de poursuivre : « L’intégralité de nos prêts est aujourd’hui modulable, avec la possibilité de faire varier les échéances à la hausse ou la baisse. Si l’activité démarre mieux que prévu, le jeune installé peut rembourser par exemple 130 % de l’échéance initialement fixée, et seulement 60 % si son démarrage est plus timide. » Le choix de production oriente vers un paiement plutôt mensuel ou annuel.

  • les garanties

« Nous essayons au maximum de limiter leur coût pour ne pas qu’il freine le projet d’installation, souligne le spécialiste. Une panoplie de garanties le permet, telles que la caution de personnes physiques, gratuite, ou la caution morale (comme le fonds de garantie public Alterna de la Région Nouvelle-Aquitaine créé en 2020), mais pas l’hypothèque. » Or, en cas d’acquisition de foncier et bâti, elle est obligatoire. Alterna, entre autres, propose une garantie de 80 % sur une durée maximale de 10 ans. « Bien sûr, il faut être éligible mais cela ne coûte rien. »

À moindre coût ici aussi.

Les autres sources de financement

  • l’autofinancement

Première alternative aux emprunts bancaires, il peut être assuré par des liquidités ou placements en nom propre, la vente de biens, des donations familiales ou diverses, des salaires différés. « Ces derniers résultent de la reconnaissance d’un statut transitoire, d’aide familial, entre la fin des études et l’installation, en cas de travail sur la ferme familiale, avec un barème indexé sur le Smic », détaille Sylvain Gioux, avant de revenir sur l’apport personnel en général : « Il est étudié, pas exigé. Mieux vaut évidemment en avoir, l’enveloppe demandée entrant en ligne de compte. »

  • les tiers investisseurs

Ils peuvent être divers et variés (propriétaires bailleurs, foncières, etc.), pour du foncier et/ou du bâti. Le jeune agriculteur est locataire via un bail classique ou plus élaboré. En élevage, il peut conclure un bail à cheptel avec le cédant pour lui louer les animaux les premières années, le temps de pouvoir amortir leur achat.

  • le financement participatif

Il se développe de plus en plus, en termes d’utilisation et nombre de plateformes dédiées. Pour que cela fonctionne, la marche à suivre, préconise l’expert financier, est de communiquer sur son projet et pour fédérer le maximum de personnes autour, rallier d’abord l’entourage proche, le reste de la famille, les amis, les amis des amis, et ainsi de suite. « Certains collectent 5 000 à 10 000 €. Un complément appréciable aux autres modes de financement. » D’autant que le crowdfunding, « au départ sous forme de dons avec contreparties, s’ouvre au crédit », ajoute Éléonore Daly.

  • le prêt d’honneur

Il doit être adossé à un prêt bancaire, au minimum de même montant. 5 000 à 20 000 €, à taux zéro, sont accessibles aux personnes qui ne peuvent pas prétendre à la DJA sur le volet trésorerie, mais s’installent à titre principal ou secondaire.

  • le prêt familial

Les modalités de remboursement sont en général facilitées par la famille.

Le financement du foncier

La Safer a mis en place plusieurs outils :

  • le portage foncier (avec la Région ou le Département) (ici Nouvelle-Aquitaine, Gironde et Dordogne)

Rappelons que la Safer acquiert des terres qu’elle met à disposition du porteur de projet, en location, pendant une période donnée possiblement reconductible. À son issue, elle les lui vend à la valeur d’achat en déduisant les loyers. Les critères à respecter sont liés à l’âge, au revenu dégagé, au montant investi, à l’étude économique, aux cautionnements bancaires, etc.

  • le stockage foncier

Il s’appuie sur les fonds propres de la Safer. « Moins connu que le portage, il permet de prendre le temps de trouver un repreneur qui correspond au bien, relate Pierre Trigeard, conseiller foncier au sein de l’instance régionale Nouvelle-Aquitaine. Même si celui-ci est identifié, il peut être encore en étude, ou ne pas avoir les finances nécessaires à court terme. » À savoir : il y a des plafonds de stockage par projet. En Nouvelle-Aquitaine, le Fasina (fonds d’aide Safer à l’installation en Nouvelle-Aquitaine), mis en œuvre en partenariat avec la Région depuis quelques années, prend également en charge 50 % des frais d’acte avec un plafond de 1 500 €. En 2023, 143 000 € ont ainsi été répartis entre 113 bénéficiaires.

Source : webinaire de la Safer Nouvelle-Aquitaine, au Salon de l’agriculture d’Aquitaine, organisé du 18 au 26 mai 2024.

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