Après une mauvaise campagne 2023-2024, les niveaux de production de semences devraient revenir à la normale pour 2024-2025. Si la filière constate une baisse des surfaces, les rendements « sont au rendez-vous » et « globalement, nous sommes moins en difficulté avec nos productions que l’an passé », a reconnu Olivier Paul, président de l’UFS, le 5 novembre.
Un contexte de marché qui se complexifie
En revanche, du côté des marchés, la situation s’avère de plus en plus tendue. « On reste le premier exportateur mondial, mais on ne sait pas si on pourra encore le dire l’année prochaine », déplore Olivier Paul. « Notre position est sérieusement menacée mais on a du mal à nous croire car on reste premier. Pourtant, ça n’a jamais été aussi difficile », ajoute-t-il.
Si l’Europe reste le premier marché d’exportation pour les semences françaises, les parts de marché gagnées progressivement hors UE depuis plusieurs années s’érodent, en lien avec les tensions géopolitiques et la volonté des pays importateurs d’assurer davantage leur souveraineté alimentaire. En Russie, premier pays d’exportation hors UE, d’importants moyens ont été mis pour passer de 25 % à 75 % de semences russes à horizon 2030, et les exportations françaises y ont reculé de 7 % l’année dernière. En Ukraine, la production semencière s’intensifie également : les importations de semences sont en baisse de 16 %, et les exportations françaises y ont chuté de 105 %, notamment en maïs.
Les relations diplomatiques entraînent également des fermetures de marché, comme en Algérie où les semences d’origine France sont systématiquement refusées, explique Olivier Paul.
En revanche à ce stade, le marché états-unien reste préservé, indiquent les semenciers. « On est nombreux à produire aux États-Unis, en fonction des mesures prises, cela peut affecter les coûts de production », précise cependant le président de l’UFS. Avec 25 M€, les exportations vers les États-Unis ne représentent que 1 % de l’ensemble des exports français de semences, mais la perte de ce marché s’additionnerait aux autres, sans perspective pour se développer rapidement ailleurs.
Car exporter vers de nouveaux territoires demande des investissements et du temps. « On a une génétique adaptée aux conditions climatiques qui sont les nôtres », explique Olivier Paul. « Développer de nouveaux marchés, par exemple en Afrique, demande une adaptation, une organisation, il faut mesurer ce qui fonctionne ou non et faire les modifications, ce qui prend quelques années », poursuit-il. « Il faut prendre en compte aussi la dimension logistique qui rend impossible d’être compétitif sur de longues distances, donc il faut produire sur place », ajoute Rémi Bastien, vice-président de l’UFS.
Crédit impôt recherche, NGT : des leviers pour innover
Dans ces conditions, l’UFS insiste d’autant plus sur l’importance de maintenir le Crédit Impôt Recherche, tous les ans menacé et déjà réduit l’an passé. « Ces rabots ne nous permettent pas d’augmenter notre effort et posent la question de l’effort actuel, dans un contexte mondial où ces dispositifs d’aide à la recherche existent partout », explique Olivier Paul. Le Crédit d’impôt recherche a également permis, par le passé, d’attirer un certain nombre d’opérateurs étrangers en France, ajoute Rémi Bastien. Sans cette aide, la question va se poser de localiser les entreprises ailleurs, puisqu’il y a des pays où cela revient moins cher, avec des aides plus intéressantes, explique l’UFS.
Côté européen, les semenciers espèrent un texte final sur la réglementation européenne concernant les NGT avant fin décembre, date du changement de présidence du Conseil de l’UE. Aujourd’hui, « c’est compliqué d’investir dans les NGT en se disant qu’on ne pourra pas rentabiliser sur notre marché principal (ndlr : l’Union européenne) », explique Olivier Paul, mais il s’agit aussi de « répondre aux besoins actuels de nos marchés actuels ; à l’international, ils avancent et demain, on n’aura plus une offre compétitive pour nos propres marchés », ajoute-t-il. « La problématique aujourd’hui, c’est celle de la visibilité », abonde Rémi Bastien, et « tout cela touche à l’innovation, qui est le point important pour avoir une dynamique à l’export », insiste-t-il.