
Olivier Bouillet (OB): L’Ukraine a déjà vendu à l’export 15 millions de tonnes (Mt) de maïs et 7 Mt de blé. Les exportations ont ralenti depuis le début de l’année car la majorité des grains a déjà été exportée. Mais les marchés des céréales comptent sur les 4 Mt de maïs et les 2,7 Mt de blé encore dans les silos. A Agritel, nous n’avons pas changé nos prévisions d’exportations de céréales d’ici la fin de la campagne.
Tnm : Quel scénario redoutez-vous sur les marchés des céréales ?
OB : Si la situation en Ukraine se complique, il faut s’attendre à de nouvelles hausses des prix des céréales car les marchés ne pourront plus compter sur la totalité des stocks de blé et de maïs pour être approvisionnés. La campagne céréalière n’est pas finie !
D'autre part, il est à noter que le gouvernement russe a décidé de réduire ses achats à l’intervention par rapport à ses intentions initiales. Seulement 600 000 tonnes ont été achetées parmi les 5 MT envisagées en début de campagne. Autrement dit, le disponible russe à l’export s'en trouve revalorisé.
Il convient également d'attacher de l'importance aux récentes dévaluations observées en Ukraine, mais aussi en Russie et au Kazakhstan. A première vue, une dévaluation permet de rendre l'origine concernée plus compétitive à l'export. A ce titre les Russes pourraient être tentés de s'approvisionner au Kazakhstan dont la monnaie (le tenge) a subi une dévaluation de 20 % et où le prix du blé a depuis été théoriquement plafonné. Nous suivrons donc les flux de matières premières avec beaucoup d'attention.
Tnm : Ne faut-il pas redouter une concurrence des exportations de céréales plus vive depuis que la monnaie ukrainienne (la grivna) est dévaluée ?
OB: La crise économique que traverse le pays est bien antérieure à la récente dégradation de la situation politique. Les exportateurs ont en grande partie compensé ces dernières semaines la baisse de 20 % de la grivna au travers d'une revalorisation des prix d'achats à l'agriculteur, pour éviter de se heurter à une rétention excessive de leur part.
Tnm : N'est-ce pas l'état des cultures à la sortie de l'hiver qui remet avant tout en cause les capacités de production de l’Ukraine pour cet été ?
OB: A ce jour, nous avons une bonne photographie des conditions des cultures à la sortie de l’hiver dans le bassin mer Noire. Les dégâts liés à la vague de froid fin janvier restent mesurés. Cependant, les conditions humides au moment des semis à l'automne dernier ont impliqué un repli des surfaces en blé d'hiver d'environ 7 % par rapport à l'année dernière sur le bassin.
Tnm : Sinon, faute de moyens, les agriculteurs auront-ils les moyens de financer leurs cultures de printemps ?
OB : Le problème est là. De nombreux agriculteurs ont vendu leurs récoltes avant la dévaluation de la grivna. Aussi, avec des trésoreries mal en point, se pose la question du financement des achats d'engrais, de semences et de produits phytosanitaires.
Le maïs est la culture la plus chère à implanter. Nous ne nous attendons pas à une nouvelle hausse des surfaces à deux chiffres cette année comme ce fut le cas en 2012 et 2013. La culture de soja représente une opportunité à saisir et va ainsi renforcer sa place dans l’assolement ukrainien. Les marges dégagées à l'hectare sont en effet particulièrement intéressantes et surtout, les autorités ukrainiennes reversent la Tva aux traders sur les opérations à l'export. Les prix Exw se situent ainsi quasiment au niveau des prix Fob pour cet oléoprotéagineux. En Russie et au Kazakhstan, la problématique du financement de campagne par les agriculteurs est similaire.
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