Le souvenir de son grand-père « qui à 98 ans allait encore à vélo chercher les vaches dans la plaine », le prend toujours aux tripes. « Il m’a appris à toucher la terre », livre avec émotion Paul Lefebvre. À 38 ans, cet habitant de Seine-Maritime, chauffeur agricole, collectionne les miniatures et créé des dioramas, des scène réalistes de la vie rurale. Une affaire de famille et d’amitié : il partage sa passion avec son fils Jules, 13 ans, et son ami Mathieu Prevel, 34 ans. Le trio exposera ses chefs d’œuvre de minutie à Beauvais, le dimanche 28 janvier, lors de l’Agree Mini Show, organisé à l’institut UniLaSalle.
Depuis tout petit, les machines, de toutes les tailles, font partie de la vie de Paul. Dès 2 ans, il est sur les genoux de son grand-père dans le tracteur. À 5 ans, son oncle lui offre, à Noël, ses premières miniatures, un hangar fait main et un tracteur, qu’il conserve toujours précieusement : « c’est sentimental. Je ne les vendrais pour rien au monde ». À 10 ans, il herse tout seul la prairie à deux pas de la maison, avec les pieds qui touchent à peine les pédales du véhicule. À l’école, c’est tout naturellement qu’il obtient un BEP Génie des équipements agricoles.
Fan de John Deere et coups de coeur
Son complice Mathieu, avec qui il expose depuis 6 ans, affiche le même parcours avec, lui aussi, un grand-père et un oncle en figures tutélaires, et un petit garçon, Eden, déjà mordu de machinisme. Mathieu est conseiller en pièces détachées chez Agrotech, un concessionnaire John Deere. Peut-être la seule différence entre les deux amis : si Mathieu ne jure que par la marque au cerf, Paul est plus éclectique et fonctionne « au coup de cœur ».
Bon sang ne saurait mentir, le fils de Paul les a rejoints dans l’aventure. De commandes au Père Noël en argent de poche soigneusement économisé, Jules a construit sa collection. Elle est sous vitrine, dans sa chambre, et fermée à clef, pour éviter que les enfants invités à la maison ne les manipulent, horreur, comme de vulgaires jouets. L’adolescent participe aux expositions depuis 3 ans. « Il a commencé directement au salon national de Chartres. Il commence à être connu dans le milieu », s’enorgueillit le paternel.
Le souci du détail ultime
Cette passion, qui s’exprime principalement à la basse saison en automne et en hiver quand l’activité agricole est plus calme, procure un pouvoir quasi divin : « On part d’une plaque de polystyrène et on y construit tout un univers, on y met de la vie. Si on veut un arbre là, on le met là ; si on veut un champ ici, on le met ici ». Paul, qui a recréé une ferme des années 1970, tempère toutefois : « Il faut que cela reste réaliste. Mettre 20 tracteurs au mètre carré, cela n’a absolument aucun sens ».
De l’agriculture en taille réelle, le monde des miniatures reproduit les moindres détails mais aussi certains réflexes : on n’y parle pas d’argent et de temps passé à l’ouvrage. « Joker. Quand on aime on ne compte pas », répond Paul quand on lui demande si c’est un loisir onéreux et/ou chronophage. « C’est une drogue, une addiction. Après, je ne bois pas, je ne fume pas… Mais les miniatures, cela ne se contrôle pas », reconnaît-il.
« C’est la voie de la famille ! »
Le dimanche 17 mars prochain, Paul et Mathieu vont relancer chez eux en Seine-Maritime, à Yerville, le salon, mis à mal par la crise du Covid, que Paul avait créé. L’argent récolté sera donné aux sapeurs de la commune et aux orphelins des pompiers. De quoi renouer avec l’esprit de partage des miniatures, parfois mis de côté… « Il y a un peu de jalousie. Et de la spéculation malheureusement, des modèles achetés 50 € juste pour être revendus quatre fois plus cher dans deux ans. C’est dommage, cela gâche un peu l’ambiance », soupire-t-il.
Paul préfère retenir les grande tablées entre passionnés les week-ends d’exposition, la remorque fourgon chargée à ras bord quand le trio part sur un salon, le diorama conçu à six mains d’1,80 mètre de large sur 8 mètres de long, les heures passées avec son pote et son fils… Jules, qui, d’ailleurs, sait déjà ce qu’il veut faire plus tard : conduire… des machines agricoles, évidement, à la grande joie de Paul. « Du grand-père à l’arrière-petit-fils, c’est la voie de la famille ! »
