Diffusé cette semaine au festival "Filmer le travail", à Poitiers, le film aborde avec beaucoup de pédagogie un sujet pourtant aride : les tractations à Bruxelles sur la réforme de la Politique agricole commune (Pac), en 2013.
Le réalisateur, Nicolas Frank, a talonné pendant plusieurs mois Stéphane Le Foll, entre ses déplacements, réunions avec son cabinet ou encore passages médias... Le film démarre sur un rappel : « Chaque année, en France, 15.000 exploitations agricoles disparaissent ». C'est justement le moment de renégocier la Pac à Bruxelles avec les 27 Etats membres, avec comme postulat de départ, selon Stéphane Le Foll, qu'il est « hors de question qu'on accepte de couper dans la politique agricole commune ».
Le ministre et ses équipes ne ménagent pas leurs efforts. Stéphane Le Foll, un grand échalas qui fume comme un pompier, doit parfois se contorsionner pour tenir dans une voiture avec ses conseillers. Par moments, le rythme se rompt avec des passages auprès de petits exploitants, un rappel sur ce qui se joue derrière les débats dans les instances européennes.
Il y a Christian, producteur de lait en Savoie, qui constate que « le prix du lait ne couvre pas les coûts de production » et aimerait ne pas vivre des aides qui le font se sentir « assisté ». Il y a aussi Pascal, céréalier dans l'Yonne, qui plaide pour qu'on « redonne un peu de chance » à des petites fermes comme la sienne (70 hectares).
Pendant environ 1h45, il y a des moments de drôlerie. Comme lorsque Stéphane Le Foll raconte à un conseiller l'intervention de ses homologues européens : « Je ne sais pas si c'est la traduction »... « Ils commencent par un proverbe : quand tu regardes le ciel, tu regardes l'avenir, mais il ne faut pas avoir peur du ciel... »
Beau plan abeilles
Le spectateur, même novice, comprend tout : l'idée de « convergence » des aides entre Etats membres, de majorer les aides pour les premiers hectares ou la notion de « couplage » des aides (les cibler sur une activité). Mais les négociations sont dures. A un moment, un conseiller oublie la caméra et lance : les Allemands « se foutent de notre gueule » ! A un autre, Stéphane Le Foll fait un déplacement sur l'apiculture au moment où un compromis est en passe d'être trouvé sur le budget européen. « J'avais un beau plan abeilles là qui va être un peu bouffé à mon avis par le compromis », dit-il.
Dans la dernière phase des négociations sur la Pac, en mars, le ministre mange des pizzas avec ses conseillers. Il tique sur le jargon écrit par l'un d'entre eux : « Dans le registre parcellaire graphique ! »... « On verra ça plus tard » ! Il se fait aussi coach lorsqu'il les motive pour les derniers échanges avec les autres Etats membres qu'il faut essayer de rallier à la cause française : « Allez, les bilats, les gars ! » (les rencontres bilatérales).
Le film s'achève par un satisfecit global, la France ayant quasiment atteint tous ses objectifs pour la nouvelle Pac, appliquée depuis cette année. Au passage, juste avant de rencontrer son homologue irlandais, début 2013, un conseiller glisse à Stéphane Le Foll : « Un élément de contexte pour l'Irlandais : il a un petit scandale chez lui sur la viande de bœuf. Ils ont découvert qu'il y avait des mélanges avec de la viande de cheval. Du coup ça fait tout un pataquès »... « Ben, t'imagines en France, si tu dis que le bifteck c'est du cheval », lance Stéphane Le Foll presque amusé, sans savoir qu'il sera rattrapé par la même histoire quelques semaines plus tard...
Le film est en lice avec 18 autres pour obtenir un prix dans le cadre de la compétition internationale du festival de Poitiers.