Pour assurer cette relève, « j'ai besoin de maraîchers, y compris sur de petites surfaces, j'ai besoin d'éleveurs laitiers (...), j'ai besoin de gens qui s'installent en grandes cultures pour assurer notre souveraineté en céréales », a déclaré Marc Fesneau lors d'un point presse dans le cadre de sa visite dans un lycée agricole d'Yvetot (Seine-Maritime). Il ne s'agit pas d'être « coercitif » dans les installations, mais de savoir si le projet envisagé « est viable ou pas », d'autant que de l'argent public y sera engagé, a-t-il dit.
Le ministre a décliné à cette occasion les principaux éléments du pacte, résultat d'une consultation lancée fin 2022, qui se déclinera en un « projet de loi d'orientation et d'avenir » pour l'agriculture, censé être examiné au Parlement au premier trimestre, et en diverses mesures budgétaires et réglementaires.
« La souveraineté (alimentaire), c'est l'objectif premier de ce Pacte », a résumé le ministre. « Il nous faut aujourd'hui relever deux défis urgents (...) : le défi démographique et le défi climatique ».
Entre un tiers et la moitié des agriculteurs vont partir à la retraite d'ici 10 ans, fait valoir le ministère. Dans le même temps, ils doivent continuer à produire en quantité et en qualité suffisantes sous les nouvelles contraintes climatiques tout en participant aux transitions écologiques.
Interrogé sur l'attractivité limitée du métier, le ministre a souligné que « les nouveaux installés vont être au coeur de la transformation (...), ceux qui vont permettre peut-être de sauver la planète si on arrive à les accompagner dans la transition ».
Aux futurs candidats à l'installation, on va « leur dire : on va être là pour garantir les emprunts, pour porter le foncier, pour financer des transitions, pour réfléchir sur la question de la biodiversité », a expliqué Marc Fesneau.
Souveraineté et liberté
Evoquant le lien parfois conflictuel entre agriculture et société, le ministre a développé : « il faut que nos concitoyens comprennent le rôle que joue l'agriculture (...), en quoi elle a besoin qu'on la comprenne, qu'on l'aide et qu'on l'accompagne dans ses transitions, et surtout pas qu'on la villipende ».
« Il faut qu'on prenne conscience que la souveraineté (alimentaire), c'est la liberté », a-t-il dit, établissant un parallèle avec la prise de conscience de la dépendance énergétique de l'Europe au début de la guerre contre l'Ukraine.
Le ministre s'est ensuite rendu à Martainville-Epreville pour illustrer la problématique de transmission d'une exploitation, reprise il y a quatre ans par Clément Lamotte.
Non issu du milieu agricole, M. Lamotte, qui cultive sur 150 hectares de blé, orge et colza, avec un peu d'élevage, a résumé à l'AFP les principales difficultés auxquelles il avait été confronté lors de son installation : pouvoir « accéder au foncier », car « il y a presque plus de demandes que d'offres pour les terres » et faire face à des « banques très très frileuses ». Il a finalement surmonté les obstacles « parce qu'il connaissait le cédant » des terres et, au niveau bancaire, « en faisant marcher un peu la concurrence ».
Pour faciliter ces démarches d'installation, le Pacte conçu par le ministère prévoit notamment la création de France Services Agriculture, une structure devant servir de guichet unique pour accéder aux divers services de conseil et de formation. Il inclut également le déploiement dès 2024 d'un fonds de garantie devant faciliter l'octroi de deux milliards d'euros de prêts, déjà annoncé.
Les agriculteurs partant à la retraite seront aussi incités, via des outils fiscaux, à transmettre leur exploitation à un repreneur plutôt qu'à un collègue souhaitant s'agrandir.
Le gouvernement souhaite également faciliter des projets de bâtiments d'élevage ou de stockage de l'eau en accélérant le traitement des éventuels contentieux. Pour ce faire, le ministère envisage une « présomption d'urgence » et la suppression d'un niveau de juridiction administrative.
L'axe prévoit aussi un fonds - de 180 millions d'euros en 2024 puis 200 millions en 2025 et 2026 -, pour accompagner la restructuration d'une filière devant se transformer face au changement climatique.
La Confédération paysanne a fustigé dans un communiqué un « pacte qui donne une mauvaise orientation à l'agriculture française ». Pour le syndicat, il « entérine et renforce le modèle agro-industriel qui fait pourtant la démonstration de son incapacité à répondre aux enjeux de revenu, d'installation et de transition agro-environnementale ». Même déception du côté du Modef qui déplore un projet « paralysé par le libéralisme ».