« L’humidité du blé est à 16,5 %, c’est un peu limite, regrette Gaëtan Aubert. Mais là si ça souffle un peu, le grain va vite sécher ! » Ce jeudi 18 juillet à Lens-Lestang, en Drôme des collines, le mistral est faible, mais les températures caniculaires offrent une belle fenêtre de récolte.
Alors que les salariés de l’ETA ajustent les derniers réglages de la machine, le céréalier arrive avec la benne en bordure de champs. « Ils devraient pouvoir faire 30 ha aujourd’hui et il en restera 7 demain », prévoit Gaëtan.
Sur pied, les 37 ha de blé tendre « semblent jolis », d’après l’exploitant. Sa technique culturale, le semis direct sous couvert, aurait facilité l’infiltration et limité la présence d’eau en surface. « Mais l’humidité et le manque de chaleur auront peut-être pénalisé un peu les rendements », nuance le céréalier qui produit habituellement 60 q/ha, dont l’intégralité est livrée à un meunier du secteur.
À 20 km de là, Lilian Berthelin a terminé les moissons la semaine dernière. L’éleveur et céréalier remarque une baisse par rapport aux rendements moyens : de 10 à 15 q/ha pour les blés et jusqu’à 20 q/ha pour les orges. « L’orge a été moissonnée il y a un mois, mais c’est une cata, réagit l’agriculteur. J’ai récolté 50 q/ha et surtout le poids spécifique est très faible. » Suffisant pour les 10 tonnes qu’il garde pour ses vaches allaitantes, mais peu rémunérateur pour les 60 autres destinées à la Drômoise de céréales. Les blés sont aussi livrés à la coopérative avec des prix qui s’annoncent relativement faibles, à l’image de la qualité du grain.
Des blés durs endommagés par la fusariose
« On constate des petits grains, d’importants taux de mitadinage et des épis fusariés », souligne Aurore Magnon, conseillère grandes cultures à la Chambre d’agriculture de la Drôme.
À la Drômoise de céréales, le responsable de commercialisation, Martial Guerre, confirme : « La qualité des blés durs est très mauvaise, notamment avec des grains tachés qui posent problème aux semouliers ensuite. »
En cause, les excès d’eau, non seulement, à l’automne, avec des semis difficiles et des apports rapidement lessivés, mais aussi au printemps, en affectant la floraison et en favorisant les maladies telles que la fusariose.
Pour les blés tendres, en revanche, le salarié de la coopérative se dit « rassuré sur les qualités technologiques, avec une protéine, certes inférieure à la moyenne, mais qui reste correcte pour le débouché meunerie et des poids spécifiques qui tiennent bien ».
Des sols légers favorables cette saison
Sur la rive droite du Rhône, au contraire, on se réjouit des pluies printanières. « En Ardèche, on est sur des sols pauvres et filtrants, donc plus il pleut, plus c’est joli », assure le paysan-boulanger Damien Meyrand, en coupant un épi de blé. Il le frotte contre ses mains et goûte un grain : il croque sous la dent, signe que la moisson ne doit plus attendre.
Entre ses blés, les trèfles semés au mois de février (engrais vert) semblent aussi avoir profité de ces précipitations. « On va avoir pas mal de travail de triage », remarque l’agriculteur. Car, après la moisson, pas de livraison. C’est sur cette ferme de la Rabière que l’intégralité de la récolte est triée puis triturée dans le moulin.
Au total, Damien et Céline cultivent 5 ha de blé de différentes variétés (anciennes et modernes), 1 ha de seigle, 2 ha de petit épeautre et 1 ha de blé dur. Des surfaces limitées « mais suffisantes », assure Céline Meyrand.
Peu d’achats d’intrant (fertilisation au fumier et pas de traitement), un produit bio transformé et valorisé en direct : les conditions de rentabilité sont réunies avec seulement 20 à 30 q/ha de rendement pour les blés. « Cette année, on fera peut-être un peu moins, mais on a du stock de la saison précédente », relativise le couple d’agriculteurs.
Un équilibre grâce à la diversité des cultures
Dans les systèmes régis par les cours mondiaux, tous n’affichent pas le même optimisme. « Certaines exploitations n’auront aucune marge voire même, un déficit sur les ateliers blés », s’inquiète Aurore Magnon.
Comme souvent, c’est la diversification des espèces qui risque de faire la différence. À Saint-Uze, par exemple, Lilian Berthelin compte essentiellement sur le colza « pour faire du chiffre ». « C’est une culture qui représente beaucoup d’investissement, entre l’azote, les traitements, l’assurance grêle… Mais derrière quand il y a le rendement, on sait que c’est bien valorisé », explique l’agriculteur drômois.
En l’occurrence, la saison 2024 est dans la moyenne pour Lilian Berthelin, avec 35 q/ha. « J’avais bien réussi mes semis au mois d’août, ils étaient très forts à l’entrée d’hiver donc ils ont bien supporté les excès de pluie et ils étaient implantés dans des terrains légers », souligne le céréalier.
Le constat est le même chez Gaëtan Aubert, avec un rendement de 39 q/ha. « C’est des très bons rendements en colza associés », assure l’agriculteur. Bonne nouvelle également pour la féverole qu’il prévoit de récolter la semaine prochaine : « C’est joli, ça se présente très bien ! C’est une espèce qui aime l’eau et il ne faut pas trop de chaleur au moment de la floraison. C’était le temps idéal. »
Certaines cultures de printemps qui aiment la chaleur et l’humidité, telles que les maïs, incitent aussi à l’optimisme. Reste à espérer que des aléas climatiques ne viennent pas rebattre les cartes…