Fermeture d'usines, prix à la baisse, rendements affectés par la sécheresse... depuis l'arrêt des quotas sucriers, nombreux sont les agriculteurs inquiets quant au devenir de la filière betterave. D’après un sondage publié sur Terre-net du 1er au 8 octobre 2019 (1 113 répondants), 57 % d'entre eux envisagent l’arrêt de la betterave aux prochains semis. Les autres pensant continuer : 14,9 % en diminuant toutefois les surfaces, 21,7 % à surface équivalente et 6,4 en augmentant leur sole.
« Il y a toujours des alternatives »
En 2012, « quand le groupe Vermandois est racheté par Cristal Union et que les planteurs sont invités à participer à la reprise de l'outil industriel (36 €/t : 12 €/t de capital + 24 €/t de droits d'entrée), l'agriculteur décline. Il préfère alors continuer à livrer ses betteraves à l'usine de Toury en tant que « tiers non associé ».
Mais avec ces dernières années, Paul-Henri Leluc estime que « la betterave est devenue trop chronophage. De plus, mettre 4 herbicides pour un prix de 22 €/t, ce n'est pas rentable. [...] Au bout d'un système, il y a toujours des alternatives. L'agriculteur, qui cultive aussi du blé améliorant, des pommes de terre, des oignons... et qui a développé une activité de distillerie avec son épouse, fait alors le choix de remplacer les 40 ha de betteraves sucrières par 20 ha de maïs grain et 20 ha de blé dans son assolement. « Étant passé en agriculture de conservation, je sème mon blé sur blé, sous un couvert de pois, féverole, tournesol... Et ainsi, la culture intermédiaire joue parfaitement son rôle, notamment pour capter l'azote ». J'ai souhaité « me recentrer sur mes sols et mes clients », ajoute Paul-Henri Leluc. Il ne s'interdit toutefois pas de revenir un jour dans la filière betterave : « si demain il faut en refaire, j'en referai ».
Tournesol sur les bonnes terres 40qtx...! Faut-il continuer à produire des betteraves à 20€/to??? pic.twitter.com/XpVawoQMi1
— Philippe Brohez (@PBrohez) October 3, 2019
« Il faut impérativement maintenir des surfaces minimales »
Agriculteur près de Chaumont-en-Vexin (Val d’Oise), Alexis Hache est, de son côté, plus « optimiste et veut tout faire pour conserver cette filière en France ». Président de la Sica des betteraviers d’Étrépagny, il compte bien maintenir les 50 ha habituels de betteraves à sucre sur son exploitation aux prochains semis. Cette culture « tête de rotation » est un « atout pour les exploitations ». Dans son secteur, Alexis Hache voit peu de cultures remplaçantes pour les terres moyennes. Dans les sols plus profonds, les pommes de terre ou les oignons peuvent être des alternatives, tout comme le lin fibre, « mais attention à ne pas déséquilibrer la filière », précise l’agriculteur. L’arrêt de la betterave pourrait alors entraîner des problèmes au niveau du désherbage et des maladies des plantes.
De plus, « la capacité industrielle a été localement réajustée après la fermeture des usines de Cagny, Éppeville, Bourdon et Toury. […] Il faut donc impérativement maintenir des surfaces minimales », ajoute Alexis Hache, qui estime « désormais que les feux sont plutôt au vert pour la suite ».
Un plus pour la rotation et des pulpes pour nourrir le troupeau laitier
Il maintient toutefois cette culture de printemps dans son assolement car c'est « un vrai plus pour la rotation ». Parmi les cultures alternatives, il pense toutefois au maïs grain : « c'est moins de temps passé (semis et désherbage) et lorsque l'on a sa propre-moissonneuse-batteuse, cela permet de l'amortir sur davantage de surfaces. [...] Nous avons eu un peu peur cette année pour le maïs avec les conditions climatiques de l'été, mais finalement les rendements devraient être plutôt corrects. De plus, la génétique semence maïs avance plus vite que du côté des betteraves. À voir avec le programme Aker ? », ajoute l'agriculteur.
Autre point pour lequel Sébastien Delva souhaite conserver des betteraves sucrières dans son assolement : les pulpes, « bien pratiques pour nourrir mon troupeau bovin laitier ». Les prix ont par contre bien augmenté : « quand je me suis installé en 2011, nous avions des prix préférentiels en tant que planteurs (80 €/t pour la pulpe sèche). Ce n'est plus le cas aujourd'hui... » L'agriculteur achète actuellement de la pulpe sèche à 160-180 €/t pour nourrir ses génisses et de la pulpe surpressée à 22-23 €/t (25 % MS) pour ses vaches laitières.
Alors arrêter ou continuer les betteraves ? Comme en témoignent ces trois agriculteurs, la décision n'est pas facile à prendre. Les "pour" et les "contre" sont bien différents pour chaque planteur : en fonction de son exploitation, de son contexte pédo-climatique, de son assolement... Et vous, que comptez-vous faire pour les semis 2020 ? N'hésitez pas à partager votre avis dans les commentaires.
N.B. : Les résultats de ce sondage sont indicatifs (l'échantillon n'a pas été redressé).