Les plants, qui ont été détruits mais peuvent encore repousser, ont été repérés par une association sur plusieurs kilomètres autour d'une usine qui importe du colza OGM depuis des pays où sa culture est autorisée, retrace vendredi dans un avis l'agence sanitaire Anses. Des graines sont sans doute tombées de camions bennes en route vers l'usine.
L'Anses recommande de renforcer la surveillance des zones à risque en termes de dissémination de graines génétiquement modifiées (ports, usines, lignes ferroviaires, voies fluviales et routes), constatant des « lacunes » dans le dispositif actuel.
La culture des colzas génétiquement modifiés est interdite en Europe, mais ils peuvent être importés pour être transformés et utilisés sur place. On les retrouve dans certaines huiles de colza, l'alimentation du bétail ou encore sous forme d'agrocarburants.
L'Anses estime que les gènes modifiés peuvent s'hybrider avec les cultures locales, notamment par dispersion du pollen. Mais dans le cas repéré en Normandie, cela « ne pourrait aboutir qu'à un taux de contamination extrêmement faible », s'agissant de « plants diffus sur de très petites surfaces », et non de champs de colza OGM.
Les résultats des investigations relient la dissémination des colzas OGM à l'activité d'une usine Saipol, filiale du numéro un français des huiles Avril, basée dans la zone industrialo-portuaire de Grand-Couronne, en banlieue de Rouen. Cette usine importe du colza OGM depuis 2016, principalement en provenance du Canada, où cette culture est autorisée.
L'alerte remonte à fin février 2022, quand l'association et site Inf'OGM, critique de ces cultures, a découvert des plants de colza en bord de route et décidé de les faire analyser. « C'était une dizaine de plants maigrichons, mais bien en fleur », a affirmé à l'AFP le fondateur d'Inf'OGM, Christophe Noisette.
Les premières analyses avaient révélé la présence d'un transgène. Inf'OGM a alerté le ministère de l'agriculture qui a fait ses propres prélèvements en avril, demandé la destruction des plants en mai puis saisi l'Anses pour évaluer les mesures à prendre et formuler des recommandations.
Un autre signalement de l'ONG, visant l'usine Saipol de Sète, dans le sud de la France, a déclenché l'ouverture d'une autre « analyse » par les services du ministère, a indiqué ce dernier à l'AFP.
Le ministère ajoute vendredi soir que « des inspections d'autres usines de trituration de colza qui importent du colza OGM de pays tiers et de leurs alentours ont été réalisées en 2022 ou sont prévues pour 2023. Les résultats permettront d'objectiver le nouveau signalement de l'association Inf'OGM et de prendre les mesures de gestion nécessaires le cas échéant ».
« Naïveté »
Dans le cas normand, la dissémination des OGM « provient très probablement et en grande majorité de pertes liées au transport par brouettage (camion-benne, NDLR) des graines », relève l'Anses.
« Le colza est une plante extrêmement volatile. C'est de la naïveté de croire que l'OGM ne se disséminera pas ou alors il faut des systèmes hyper étanches. Là, ce n'est pas du tout étanche, c'est de l'artisanat », estime M. Noisette, expliquant avoir observé « du colza qui volait » lors du déchargement des navires.
Les graines à huile arrivent par bateau et sont déchargées au niveau de deux terminaux portuaires d'où elles sont transportées soit par un système de convoyage, soit par camion-benne jusqu'aux silos de stockage adjacents à l'usine Saipol, qui appartiennent à l'entreprise Sénalia.
Selon l'Anses, « les procédures mises en place par l'usine Saipol et visant à limiter la dissémination des graines lors du transport sont insuffisantes ou incorrectement mises en place ».
Depuis, un « plan d'action mis en œuvre pour éviter la dissémination de graines a été renforcé », a réagi l'entreprise auprès de l'AFP. Son porte-parole, Fabien Kay, a précisé que Saipol s'efforçait de s'assurer de l'étanchéité des camions bâchés, notamment par des vérifications régulières des joints des portes.
Les prélèvements ont révélé la présence de quatre colzas génétiquement modifiés différents : ils ont été conçus pour tolérer un herbicide de type glyphosate afin qu'en cas de pulvérisation sur les cultures, seules les plantes indésirables soient éliminées.
Des précédents cas de dissémination involontaire d'OGM ont été observés, souligne l'Anses, qui cite les abords de grands ports japonais ainsi que des voies ferroviaires et des ports fluviaux en Suisse.
Du fait des cycles de dormance des graines, « de nouveaux plants de colza OGM pourraient être observés pendant plusieurs années », observe l'Anses, qui préconise donc une surveillance renforcée et une destruction des plants à intervalle régulier.
« Qu'on les cultive ou qu'on les importe, les OGM finissent toujours par contaminer notre environnement que ce soit naturellement ou parce qu'une ségrégation stricte est impossible », a déploré Greenpeace dans un communiqué.