Les NGT, la solution au changement climatique ?
Les personnes favorables aux NGT avancent que de nombreuses variétés n’existeraient pas à l’heure actuelle sans l’apport de certaines techniques de génie génétique remises en cause aujourd’hui. C’est notamment le cas de l’utilisation d’espèces ponts pour transférer certains caractères d’une espèce sauvage à une espèce cultivée ou encore de l’emploi de substances chimiques pour lever les problèmes de stérilité rencontrés par certains hybrides.
Ces deux techniques ont largement été utilisées pour l’obtention de nouveaux géniteurs de pommes de terre. Un exemple frappant chez une autre espèce, à savoir le blé, est celui de la variété de Renan (1989), très prisée en agriculture biologique, notamment pour ses multirésistances issues d’une graminée sauvage différente du blé. Renan n’existerait pas sans l’emploi des deux techniques citées auparavant.
Un autre argument en faveur de l’autorisation des NGT-1 est la rapidité et la précision d’action avec lesquelles une nouvelle variété pourrait être obtenue. Alors que pour obtenir une nouvelle variété avec les caractères désirés, entre dix et quinze ans sont nécessaires avec un coût d’environ 2,5 M€, une variété éditée avec un gène d’intérêt prendrait environ quatre ans pour un coût cinq fois moindre.
De plus, les variétés obtenues par sélection « traditionnelle » possèdent des gènes défavorables dont il n’a pas été possible de s’affranchir lors de l’introgression du caractère recherché, là où la technique Crispr-Cas n’introduit que le caractère désiré.
Pour certains, les NGT sont donc LA solution au changement climatique et à la suppression des produits phytosanitaires, dans la mesure où elles permettraient d’obtenir rapidement et à moindre coût des variétés répondant à ces deux enjeux.
Mainmise des groupes semenciers, modifications non désirées
Certaines personnes craignent la mainmise de grands groupes semenciers sur ces nouvelles techniques, qu’ils seraient les seuls à pouvoir utiliser. Les techniques en elles-mêmes sont relativement simples à mettre en œuvre, y compris pour de petites structures, et sont devenues abordables : aux alentours de 50 000 € par modification pour les premières NGT contre quelques dizaines d’euros aujourd’hui avec Crispr-Cas.
Même s’il est exact que les moyens humains et matériels différeront suivant la taille des entreprises de sélection, c’est surtout le risque lié au statut juridique qu’auront les variétés éditées dans le futur, la brevetabilité du vivant et les coûts d’homologation/inscription de telles variétés qui posent question. Suivant le statut qu’auront les variétés éditées, les dépenses liées à leur développement et leur utilisation pourraient vite devenir prohibitives et non viables pour de petites structures.
Une autre crainte partagée par les personnes défavorables aux NGT réside dans le hors cible (« Off Target » en anglais). Même si cela reste mineur étant donné leur spécificité, le risque que les NGT engendrent des modifications ailleurs que dans le gène ciblé ne peut pas être exclu.
Ces modifications peuvent ne pas avoir de conséquences si elles interviennent dans des zones du génome qui ne codent pas pour un gène. Si elles touchent un gène codant un autre caractère que celui ciblé, elles sont toutefois susceptibles de modifier son expression et peuvent se traduire par des changements phénotypiques ou fonctionnels, au même titre que toute autre technique d’amélioration des plantes, dont la mutagenèse aléatoire (voir Figure 1 et Tableau 2). Généralement, ces plantes sont éliminées au cours du processus de sélection car elles ne correspondent pas aux objectifs visés (génération d’une plante chétive par exemple).
Des zones d’ombre juridiques
La technique Crispr-Cas, si elle est autorisée, interroge vis-à-vis de l’inscription et de la propriété intellectuelle des variétés. En effet, elle pourrait remettre en cause le droit d’obtenteur. Jusqu’à présent, un sélectionneur peut protéger une variété par un certificat d’obtention variétale (COV) pour une durée de trente ans, pour peu qu’elle ait passé les étapes de l’inscription.
Avec les NGT, il serait possible d’obtenir une variété essentiellement dérivée (VED), c’est-à-dire une variété identique à la variété éditée à un caractère près (un gène de résistance par exemple). Celle-ci devrait donc pouvoir être inscrite, apportant une plus-value par rapport à la variété d’origine (la résistance apportée), rendant obsolète cette dernière qui aura pourtant nécessité le plus gros du travail (tous les autres caractères favorables).
De plus, il n’est pour l’instant pas clairement défini, du moins du côté du Conseil de l’UE, si les VED seront sous le couvert d’un COV ou d’un brevet. Dans le second cas, cela pose la question de l’utilisation des VED par les sélectionneurs. En effet, une « exemption de l’obtenteur » existe. Elle permet à tout sélectionneur d’utiliser une variété protégée par un COV dans le but de créer de nouvelles variétés. Dans le cadre d’un brevet, c’est son titulaire qui décide qui il autorise, ou non, à utiliser son « invention ».
Si un système de traçabilité robuste n’est pas mis en place, cela pourrait même mettre en cause des sélectionneurs utilisant des VED, qui, par méconnaissance, pourraient utiliser des variétés brevetées. Cette traçabilité est rendue d’autant plus compliquée que les gènes édités sont compliqués à suivre.
La pomme de terre doit passer avec succès un examen de DHS (distinction, homogénéité et stabilité) pour être protégée aux niveaux français et européen. Cette distinction repose, entre autres sur des marqueurs moléculaires couvrant l’ensemble du génome et permettant de discriminer l’ensemble des variétés disponibles sur le marché.
Or, une variété éditée ne différant potentiellement que d’un seul gène par rapport à la variété dont elle est issue, ne sera pas dissociable via les sets de marqueurs moléculaires développés. Seule une discrimination phénotypique le pourra, ce qui est beaucoup plus lourd à mettre en place, notamment en routine.