Depuis plusieurs années, le secteur de la fécule est en difficulté. D’un marché de commodité, la fécule est passée à un marché de niche. Sur les sept plus grands pays producteurs d’Europe, la baisse des surfaces de pommes de terre fécule est de 7 % entre 2023 et 2024. Toutefois, un certain optimisme semble enfin permis cette année. « Les estimations de rendement des arrachages en cours sont de l’ordre de 50 t/ha. Si ce chiffre se confirme, ce serait le meilleur des six dernières années », apprécie Gwenolé Pasco, responsable agronomique de Roquette.
Un retour à des rendements de pommes de terre fécule « normaux » serait en effet le bienvenu. Jusqu’à récemment, la volonté de Roquette était de saturer son outil industriel pour le faire tourner à plein régime. Mais, avec le Covid, les Allemands et les Néerlandais ayant alimenté leurs usines en pommes de terre d’industrie, un surplus de production de fécule a fait s’effondrer les cours.
« En 2021, notre rentabilité a été mise à mal, empêchant un retour bénéfique de Roquette envers ses producteurs. En 2022, la guerre en Ukraine a fait flamber nos coûts de production et ceux des producteurs. En 2023, nous avons alors revu notre politique, explique Gwenolé Pasco. Le prix d’achat des pommes de terre de fécule a été doublé entre 2021 et 2023. De nouveaux débouchés à plus forte valeur ajoutée ont été trouvés. Notre objectif désormais est de rester sur des volumes maîtrisés, avec des produits mieux valorisés. »
« La fécule a toute sa place dans une exploitation »
Roquette destine de plus en plus sa fécule native et celle modifiée à l’alimentation, les cosmétiques et la pharmacie, secteurs plus rémunérateurs. Les coproduits sont eux aussi mieux valorisés. La protéine de pommes de terre, extraite des eaux rouges déshydratées, est très bien valorisées en nutrition animale de spécialités. Les fibres de pomme de terre partent, elles, en alimentation humaine sans gluten, secteur en forte croissance. Les solubles, fractions organiques, sont employés en fertilisation aux champs. Enfin, les eaux de végétation, chargées en potasse, sont réépandues via 100 km de canalisations disposées dans un rayon de 20 km autour de l’usine Roquette de Vecquemont (80).
« La fécule a toute sa place dans une exploitation, appuie Camille Deraeve, nouveau président depuis janvier 2024 de la coopérative de producteurs de Vecquemont livrant l’industriel. Par son côté agronomique, elle est une bonne tête d’assolement et favorise la maîtrise du désherbage dans les céréales. Elle dispose de plus d’un cahier des charges simple. »
Autres avantages cités par le producteur : un industriel unique qui paye quinze jours après la livraison, un contrat souple peu risqué, une coopérative qui organise le déterrage et la livraison avec une logistique gérée par Roquette, un paiement au volume et à la richesse de fécule, un système de bonus/malus de la tare terre et des cailloux afin d’inciter à bien travailler… « Le plan d’investissement, lancé en 2024 par Roquette pour quatre années afin d’améliorer le processus de fabrication et chercher de nouveaux produits et techniques, rassure lui aussi les producteurs », ajoute-t-il.
La coopérative de Vecquemont regroupe 700 producteurs de pommes de terre de fécule pour 10 200 ha, situés dans un rayon de 80 à 100 km de l’usine. Les bassins de production traditionnels sont la Somme, l’Aisne, l’Oise, le Pas-de-Calais, le Nord, le Calvados et la Normandie. Le département de l’Eure est arrivé plus récemment. Tout comme la région du Soissonnais où des ex-producteurs de l’usine d’Haussimont, fermée en 2024, livrent la production de leurs 500 ha.
