Décarbonation de la filière pomme de terre : Une transition nécessaire pour un avenir durable

Champ de pommes de terre
A l’échelle des grandes cultures sur la ferme France, la pomme de terre représente 2 % de l’empreinte carbone totale, notamment en raison d’une surface beaucoup plus faible que les cultures céréalières. (©Stéphane Leitenberger/Adobe Stock)

Les interprofessions de la pomme de terre – CNIPT et GIPT – ont lancé en début d’année 2024 un projet ambitieux pour analyser et réduire l’empreinte carbone de la filière, notamment dans le secteur du frais. En suivant une approche méthodique et en collaboration avec tous les acteurs du secteur, cette initiative prévoit de lever les freins à une transition écologique tout en identifiant les leviers à activer pour atteindre les objectifs fixés.

Cette initiative s’inscrit dans un contexte plus large de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le pays et répond aux objectifs fixés par la France dans la lutte contre le changement climatique au travers de sa stratégie nationale bas-carbone.

Un projet structuré en trois phases

Le projet de décarbonation se déroule en trois grandes étapes. La première consiste à réaliser un diagnostic carbone de la filière, c’est-à-dire mesurer les émissions de GES tout au long du cycle de production, du champ jusqu’aux portes des magasins ou des centrales d’achat. Cela inclut non seulement la production agricole, mais aussi les activités spécifiques au marché du frais, comme le lavage, le conditionnement et le stockage des pommes de terre.

Une fois le diagnostic établi, la deuxième phase consiste à identifier les leviers de décarbonation, c’est-à-dire les actions concrètes qui permettront de réduire ces émissions. Enfin, la dernière phase du projet vise à rédiger une feuille de route qui servira de guide pour atteindre les objectifs de réduction des GES. Elle tiendra compte des contraintes économiques, techniques et sociales propres à chaque maillon de la filière.

Le diagnostic carbone de la filière pomme de terre se concentre sur deux grands périmètres : l’amont agricole et l’aval.

L’objectif est de réduire les émissions de GES de manière durable.

Bilan carbone à l’échelle de l’exploitation

Le bilan carbone de l’amont agricole a été initié en 2023 par Intercéréales et Terres Univia, deux organisations qui regroupent les acteurs des grandes cultures en France. Ces structures ont travaillé ensemble pour élaborer des scénarios à l’échelle des systèmes d’exploitation afin de réduire les émissions de GES, tout en prenant en compte des enjeux connexes comme la souveraineté alimentaire, le stockage de carbone dans les sols, la production de biomasse (biocarburants, biogaz) ou la compétitivité des exploitations agricoles.

La méthodologie du bilan carbone de l’amont agricole est réalisée à l’échelle des systèmes des exploitations agricoles, et non à la culture. L’analyse carbone de l’amont agricole dans la filière pomme de terre s’inscrit dans ce cadre (année de référence : 2015). Elle reprend les éléments issus des travaux sur les grandes cultures, en affinant l’étude en fonction des spécificités de la pomme de terre (figure ci-dessous).

graph émission de GES
Fig. 1. Bilan des émissions de GES directes et indirectes (en million de tonnes équivalent carbone – MteqCO2) en 2015, évaluées avec le calculateur FDR

Néanmoins, à l’échelle des grandes cultures sur la ferme France, la pomme de terre représente 2 % de l’empreinte carbone totale, notamment en raison d’une surface beaucoup plus faible que les cultures céréalières, présentes en plus grand nombre dans l’Hexagone.

Bilan carbone de la pomme de terre sortie de champs

L’étude montre que l’empreinte carbone de la pomme de terre varie selon le mode de production (figure ci-dessous). La production biologique, en raison de rendements plus faibles, présente une empreinte carbone plus élevée que l’agriculture conventionnelle. Les pommes de terre destinées au marché du frais, avec des rendements relativement élevés et une utilisation amoindrie d’azote, affichent une empreinte carbone plus faible.

graph Empreinte GES d’une tonne de pommes de terre
Fig. 2. Empreinte GES d’une tonne de pommes de terre (sortie champ, selon les débouchés), en kilogramme équivalent carbone (kgeqCO2)

Cette différence d’impact entre les systèmes de production s’explique principalement par la fertilisation, qui représente le poste le plus important dans le calcul du bilan carbone. En effet, l’utilisation d’engrais azotés entraîne non seulement des émissions de GES lors de leur fabrication, mais aussi des émissions de protoxyde d’azote (N2O) lors de leur application sur les cultures. Ce gaz, beaucoup plus puissant que le CO2, contribue de manière significative au réchauffement climatique.

Bilan carbone aval de la filière

À l’aval, c’est-à-dire au niveau des activités post-récolte (stockage, lavage, conditionnement), le diagnostic pour réduire son empreinte carbone a été réalisé à partir de données collectées auprès des différents opérateurs de la filière : producteurs stockeurs, coopératives, négociants en pommes de terre. Les résultats montrent que le transport est la principale source d’émissions à ce stade, suivi de l’utilisation d’emballages plastiques, dont la fin de vie pose également des problèmes sur le plan environnemental. La gestion des déchets, les immobilisations (bâtiments et équipements) ainsi que les fuites de fluides frigorigènes viennent compléter la liste des sources notables d’émissions à l’aval.

Concertation avec les acteurs de la filière

Pour mener à bien la transition vers une filière plus durable, il est essentiel que tous les acteurs de la chaîne de production soient impliqués. C’est pourquoi une phase de concertation a été lancée dès septembre. Cette première réunion a rassemblé une trentaine de représentants des différents maillons de la filière, parmi lesquels des producteurs, des coopératives, des négociants, des industriels, ainsi que des ingénieurs et des techniciens. L’objectif de ces échanges était d’identifier les leviers de décarbonation et de dresser un état des lieux des freins, des risques et des coûts liés à leur mise en œuvre.

Parmi les leviers de décarbonation discutés figurent la réduction de l’utilisation d’engrais azotés, l’amélioration de l’efficacité énergétique dans les exploitations, le recours à des emballages plus durables et l’optimisation des flux de transport. Ces pistes, une fois validées, feront l’objet d’un travail approfondi pour évaluer leur faisabilité technique et économique.

Une feuille de route pour guider la filière

La phase de concertation débouchera sur l’élaboration d’une feuille de route de décarbonation, qui sera un document stratégique pour les professionnels de la filière et les décideurs politiques. Elle permettra de fixer des objectifs clairs et d’orienter les actions collectives. Ce plan d’action détaillera les leviers de décarbonation à mettre en œuvre, en fonction de la capacité des acteurs de la filière à adopter les mesures nécessaires, et proposera des projections à l’horizon 2030 et 2050.

Par ailleurs, la feuille de route tiendra compte des autres enjeux majeurs auxquels la filière doit faire face, notamment la compétitivité économique, la souveraineté alimentaire et les enjeux sociaux. Ainsi, l’objectif n’est pas seulement de réduire les émissions de GES, mais aussi de le faire de manière durable pour réussir cette transition.

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