Lorsqu’en 2020, le chlorprophame (CIPC) a été interdit, Laurent Potier s’est très vite tourné vers l’application de Dormir en thermonébulisation pour contrôler ses stocks de pommes de terre. En plus de son activité salariée chez le négociant Groupe Carré en tant que référent technique, il conduit une exploitation de polyculture à Belloy-en-Santerre (Somme) sur laquelle il mène une large diversité de cultures : des céréales, des betteraves, des petits pois et des haricots pour l’industrie, des oignons, du lin d’hiver ainsi que des pommes de terre.
Ces dernières, cultivées sur 60 ha, se déclinent en cinq variétés. Les deux premières peuvent se passer de moyens de contrôle antigerminatif : Artemis se contente d’un stockage précaire car cette précoce destinée à la consommation part, en général, dans le mois qui suit sa récolte ; Russet Burbank, de son côté, est programmée pour être livrée durant le mois de janvier à McCain pour être transformée en frites. Grâce à sa bonne dormance et son départ précoce, un stockage ventilé à 7 °C lui suffit.
Pour les autres variétés de pommes de terre, Nicola, une chair ferme pour la consommation, Asterix pour la transformation en flocons et VR 808 pour les chips, la thermonébulisation est, en revanche, de rigueur. Les dates d’intervention, les dosages et les fréquences sont toutefois savamment raisonnés en fonction de la puissance germinative de chaque variété, de son usage et de sa température de stockage.
Sur la VR 808 gardée à 8 °C, par exemple, Laurent Potier prévoit trois applications de Dormir jusqu’à leur déstockage au mois de mai. « La première est effectuée au mois de novembre, une fois que les pommes de terre ont atteint leur température de stockage. Une deuxième suit en janvier et une troisième en mars, environ toutes les huit semaines. » Pour la Nicola, conservée dans des caisses, à 4 °C, il s’en contente d’une seule. « Comme ces pommes de terre sont destinées au marché de la consommation, nous préférons les garder à une température plus fraîche afin qu’elles gardent une belle présentation de peau. Le froid évite les développements de gale argentée et réduit la puissance germinative. La VR 808, en revanche, doit être conservée à une température supérieure pour éviter la formation de sucres qui provoqueraient le brunissement des chips. »
Quand les pommes de terre clignotent
L’injection du produit dans le bâtiment obéit à un protocole très précis et doit être réalisée par un opérateur formé et protégé, comme ici, avec le service thermonébulisation du Groupe Carré. « Cette action ne peut se faire que dans un local de stockage de bon niveau, hermétique et ventilé », recommande Laurent Potier. Le nombre, le dosage et la fréquence des applications dépendent de la vigueur des variétés.
En cours de culture, lorsque les tubercules ont atteint leur calibre nominal, l’agriculteur applique au champ un hydrazide maléique afin de freiner la germination. Une fois récoltés, il veille à les sécher et rafraîchir dans les règles de l’art. Pour cela, l’automate gérant le local profite du différentiel de fraîcheur avec l’air extérieur et des possibilités du groupe froid pour réduire progressivement la température du tas.
Selon Laurent Potier, les variétés à dormance courte méritent une première application dès le mois de novembre. Le meilleur moment pour déclencher une thermonébulisation est alors le stade "clignotant", c’est-à-dire le début de l’initiation du germe. En chauffant le liquide à près de 400 °C, l’appareil injecte un brouillard de gouttelettes extrêmement fines à l’intérieur du bâtiment. La ventilation se charge ensuite de le diffuser. « Pour que le produit se diffuse bien dans le tas, il faut qu’il soit homogène et que les tubercules soient déterrés et dégrenaillés. La présence de veines de terre pourrait entraver la bonne circulation », explique Laurent Potier.
Il recommande, en outre, une hauteur ne dépassant pas les 4,80 m pour éviter une trop forte pression sur les pommes de terre les plus basses et la création de facettes. L’opération dure environ deux heures. Une fois celle-ci terminée, le technicien place sur la porte d’accès une affiche réglementaire de sécurité. Les pommes de terre sont accessibles au bout de 48 heures.
« L’avantage du produit Dormir est l’action de sa matière active 1,4 DMN (Diméthylnaphtalène). Naturellement présente dans la pomme de terre, elle inhibe la germination et donc évite aux pommes de terre de perdre du poids. Son inconvénient est son coût : de l’ordre de 3 à 4 euros par tonne de pommes de terre », analyse l’agriculteur. Les huiles essentielles d’orange (Argos) et de menthe, acceptées par l’agriculture biologique, peuvent être considérées comme des moyens alternatifs de gestion de la germination au 1,4 DMN. Toutefois, leurs modes d’action par brûlure du germe sont très différents. « Comme la pomme de terre n’interrompt pas son processus de germination, elle perd du poids, note Laurent Pottier. Toutefois, un tel produit peut tout à fait être indiqué dans le cadre d’un dernier passage. »