Résistance aux fongicides antimildiou : en expansion, mais encore gérable

Champ de pommes de terre
(©Stéphane Leitenberger/Adobe Stock)

La résistance aux matières actives antimildiou n’est pas une problématique nouvelle : dès le début des années 80, peu de temps à peine après l’introduction sur le marché des phénylamides (métalaxyl/méfénoxam, bénalaxyl), sont apparues des souches résistantes à cette famille. Ce caractère a persisté dans les populations bien au-delà de l’arrêt quasi complet de l’emploi de ces matières actives, puisque la lignée EU_13_A2, dominante en Europe de 2005 à 2015 et largement distribuée dans le monde, est résistante aux phénylamides.

Une longue histoire, qui s’accélère

Plus récemment, des résistances à d’autres molécules ou familles majeures sont apparues en Europe : ce fut le cas avec les lignées EU_33_A2 et surtout EU_37_A2, résistantes au fluazinam, au milieu des années 2010, puis, depuis 2019-2020, avec les lignées EU_43_A1 (dont la plupart des individus sont résistants aux CAA, amides d’acides carboxyliques) et EU_46_A1 (résistante aux CAA et à l’oxathiapiproline). En France, EU_37_A2 s’est développée rapidement entre 2016 et 2020 avant de régresser fortement en fréquence, alors que la lignée EU_43_A1 a fait son apparition en 2023 avant de voir sa fréquence augmenter de manière sensible dans le nord du pays en 2024 (voir Figure 1). EU_46_A1 n’a pas encore été détectée en France, mais cette souche doublement résistante a été repérée en 2024 en Belgique. Elle est très largement présente dans le nord de l’Europe (données EuroBlight).

D’où viennent ces souches résistantes ?

La cartographie européenne des souches réalisée annuellement par le réseau EuroBlight montre que la plupart de ces nouvelles lignées sont originaires du nord des Pays-Bas et/ou du Danemark. Dans ces régions océaniques à forte pression mildiou, les zones de production de pommes de terre sont importantes. Les populations du parasite y contiennent une assez grande proportion de souches issues de reproduction sexuée, favorisant l’émergence de variants nouveaux par recombinaison génétique.

La combinaison de ce brassage génétique et d’une forte pression de sélection (lutte chimique quasi systématique, avec un nombre réduit de matières actives ayant chacune des cibles moléculaires uniques) favorise le développement de souches résistantes, qui peuvent ensuite s’étendre en Europe via la transmission aérienne naturelle ou par le transport de matériel végétal infecté.

Gérer les résistances : l’alternance comme stratégie-clé

Les suivis au champ comme les mesures en laboratoire montrent que la plupart des souches résistantes identifiées jusqu’à présent (sauf peut-être celles résistantes aux phénylamines) sont moins compétitives que les lignées sensibles en l’absence de pression de sélection continue. Cela explique la diminution rapide en fréquence de la lignée EU_37_A2 à la suite de la diminution importante de l’emploi du fluazinam. Tout comme celle de EU_43_A1 au Benelux et au Danemark en 2024 à la suite de l’abandon des stratégies de traitement en blocs et de l’introduction d’une stratégie d’alternance systématique des matières actives dans les programmes de protection.

Cette stratégie, qui a toujours été recommandée et favorisée en France, permet de conserver un bon contrôle des attaques de mildiou, y compris en présence de souches résistantes à l’une ou l’autre des matières actives concernées. Conserver cette alternance rigoureuse des familles chimiques est donc crucial lors des programmes de traitement antimildiou, et ce tout au long de la saison et à l’échelle de chaque parcelle.

La difficulté principale concerne la gestion des souches multirésistantes, en particulier lorsque la gamme de familles disponibles est fortement réduite. En France, les producteurs disposent heureusement d’un éventail assez riche de familles d’antimildiou, ce qui permet une diversification suffisante des matières actives pour éviter des pertes d’efficacité importantes en pratique. Maintenir cette stratégie de diversification des familles chimiques est évidemment essentiel, y compris (et surtout) en présence de lignées résistantes à l’une ou l’autre d’entre elles.

Par ailleurs, rappelons que d’autres méthodes de lutte existent, notamment la résistance variétale (voir encadré), la prophylaxie (gestion des déchets et repousses), et l’emploi d’outils de prévision du risque, comme Mileos (voir encadré) pour décider de l’opportunité d’intervenir. Les mobiliser et les combiner dans des stratégies intégrées de lutte est à terme le moyen le plus efficace pour prévenir l’émergence de nouvelles résistances, mais aussi pour s’assurer d’un contrôle durable des épidémies.

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