Dans l’Ouest, comment les pionniers du houblon construisent leur filière

L’achat d’une pelletiseuse mobile (ici chez Matthieu Cosson) a été le premier acte de l’association Houblon de l’Ouest, en 2020.
L’achat d’une pelletiseuse mobile (ici chez Matthieu Cosson) a été le premier acte de l’association Houblon de l’Ouest, en 2020. (©Antoine Humeau)

Quand il s’est installé il y a cinq ans à Villeneuve-en Retz, près de Pornic (Loire-Atlantique), il était à peu près le seul à produire du houblon dans l’Ouest. Il n’y avait rien : pas de filière, pas de chiffres, pas de références. Autant dire que convaincre les banques n’était pas chose aisée, d’autant qu’il s’agissait d’une reconversion pour cet ancien salarié de la ligue de protection des oiseaux (LPO), titulaire d’un BTS agricole.

Tel un pionnier, Matthieu Cosson doit alors tout défricher, car les planteurs de houblon, il n’y en a alors qu’en Alsace et un peu dans le Nord, et là-bas, le savoir-faire se transmet un peu de père en fils. Et puis il faut du matériel : séchoir, trieuse, ensacheuse, remorque cueilleuse, pulvé, tailleuse, même le tracteur est un outil spécifique. Il achète tout d’occasion, en Alsace et en Allemagne, là où l’on produit de la bière.

Une unité mobile de pelletisation

Peu à peu, d’autres houblonniers s’installent en Bretagne et dans les Pays de la Loire. Un groupe se forme pour échanger : itinéraires techniques, matériel, travail du sol, récolte ou séchage. Que faire quand on a du mildiou ou une attaque soudaine de ravageurs ? « On avait besoin de partager nos expériences et nos difficultés », se souvient l’agriculteur de Villeneuve-en-Retz.

Le houblon est une plante pérenne à croissance annuelle, dont le rhizome reste en terre plus de 20 ans. Elle produit des lianes qui grimpent le long d’échafaudages et peuvent atteindre 10 mètres. Ce sont les fleurs (cônes), là où est concentrée la lupuline, que l’on récolte. Mais de la plantation au séchage, les étapes sont nombreuses et complexes, d’autant que les années ne se ressemblent pas.

Cônes de houblon
Les houblonniers de l’ouest souhaitent construire un cahier des charges commun autour de la qualité et des conditions de production. (© Antoine Humeau)

Arrive alors un technicien de la chambre d’agriculture pour l’appui technique, et 2020 voit se créer un Groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE), c’est une première en France. La valorisation du houblon est essentiellement locale, vers des brasseurs des Pays de la Loire et de la Bretagne. Problème : les clients n’achètent pas de houblon en fleurs (cônes), ils veulent des pellets, sortes de tourteaux.

La question de la pelletisation devient donc très vite une question centrale. Les huit adhérents de l’association Houblon de l’Ouest investissent collectivement dans une unité mobile qui pourra aller de ferme en ferme : 19 000 € dont près de 40 % financés par le conseil régional des Pays de la Loire et 30 % de dons d’une vingtaine de brasseurs de la région. Nous sommes alors en septembre 2020.

Depuis trois ans, le GIEE leur a permis de se former sur le sol, le pulvé, de faire des essais autour des ravageurs, d’aller découvrir des exploitations en Belgique ou en Allemagne et aussi d’examiner leur coût de production. De quoi répondre à des problématiques purement techniques.

Ils étaient les premiers à se structurer, depuis d’autres régions leur ont emboité le pas : Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Paca, Auvergne-Rhône-Alpes et Normandie.

Vers un cahier des charges commun

L’association travaille maintenant à un plan d’action pour le nouveau dossier GIEE qu’elle va déposer en mars prochain. « Les producteurs doivent se perfectionner sur la gestion du sol, de la fertilisation, les couverts végétaux, la protection des cultures, égrène Guillaume Calvignac, le conseiller agronomie de la chambre d’agriculture qui accompagne l’association. Un autre volet, plus stratégique, concernera les coûts de production, la filière et les débouchés ».

Pour convaincre les quelque 300 brasseurs de l’ouest de s’approvisionner localement, un gros travail de communication s’impose, « dans un premier temps c’est l’action prioritaire », estime Guillaume Calvignac. Un site internet vient d’être mis en ligne, c’est un premier pas. « Il nous reste à montrer aux brasseurs que l’on propose du houblon de qualité », complète Matthieu Cosson. Un groupe de travail planche dessus. Il s’agit de mettre en avant les spécificités du houblon de l’ouest : « On est en train de créer un socle commun à tous les producteurs adhérents pour définir la façon dont ils travaillent, c’est-à-dire ce qui pourrait différencier le houblon d’ici de celui produit ailleurs », explicite Emmanuelle Chollet,  l’animatrice de la coordination agrobiologique des pays de la Loire (Cab) qui les accompagne.

« On aimerait que cela débouche sur un cahier des charges commun, et pourquoi pas à terme devenir une marque ou un label », poursuit-elle. Taux d’humidité maximal, qualité, biodiversité de l’exploitation, …  Les houblonniers ont déjà rédigé une charte pour présenter leurs valeurs : confiance, environnement, économie de territoire etc. C’est un premier pas.

Rapprocher l’offre et la demande

Il faut aussi travailler à rapprocher l’offre et la demande, c’est-à-dire qualifier ce que les producteurs sont en capacité de produire et identifier les besoins des brasseurs. Actuellement le contexte n’est pas vraiment favorable : les bières se vendent moins depuis un an, les brasseurs ont moins de besoins, des stocks restent donc dans les exploitations.

« Se mettre en accord sur les attentes en termes de qualité et de volume, c’est le plus gros chantier filière, cela peut demander des années, pointe Emmanuelle Chollet. C’est du temps, des partenariats, de la confiance, du dialogue permanent ». Houblon de l’ouest compte aujourd’hui douze adhérents, tous producteurs (dont trois sont également brasseurs). L’association souhaite attirer désormais des brasseurs.

Malgré le contexte morose, les planteurs de houblon de l’ouest ont quelques raisons de rester optimistes. C’est chez eux, à Nantes, que sera organisée la prochaine rencontre nationale de houblonniers et brasseurs, les 1er et 2 février 2024. Deux jours d’ateliers techniques et de conférences sur l'état de la filière à l’hôtel de région. « Des liens vont se renforcer » anticipe Guillaume Calvignac.

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