Dans la Drôme, l’agroforesterie au banc d’essai

Parcelle test ombre et brise-vent
La ferme expérimentale d'Etoile-sur-Rhône partage ses premiers résultats d'essais en agroforesterie fruitière. (© Yoann Frontout)

Depuis 2011, la ferme expérimentale d’Étoile-sur-Rhône, au sud de Valence (26), mène des essais en agroforesterie fruitière avec Arvalis et le Sefra (station expérimentation fruits à noyaux). Si ce mode d’agriculture est pratiqué a minima depuis l’Antiquité, les bénéfices pour lesquels il est plébiscité aujourd’hui manquent encore de références scientifiques. Il ne fait pas de doute qu’intégrer des arbres aux cultures peut répondre à des enjeux climatiques, environnementaux et de résilience des productions. Mais, dans quelle mesure, et sous quelles conditions ? Clément Bardon, responsable de la ferme expérimentale, invite à faire le tour des essais réalisés.

Ni flambée, ni forte régulation

La première parcelle présentée est cernée de haies et découpée par des rangs de pêchers. Entre ces lignes, des cultures de soja, maïs, féverole, colza et blé tendre, mises en rotation sur 5 ans. Conduite en agriculture biologique, la parcelle a été pensée pour le passage des engins de binage, déchaumage et labour superficiel : les grandes cultures y forment des bandes de 18 m de large, séparées par les inter-rangs de fruitiers sur 12 m. Une haie centrale, de la fauche raisonnée ou encore la pose de nichoirs et gîtes à chiroptères sont venus appuyer la démarche agroécologique. Tout a été fait, ici, pour maximiser la biodiversité. Les cultures en profitent-elles ?

Comme le note Clément Bardon, la mise en place d’aménagements agroécologiques suscite souvent des avis tranchés. Ce serait une solution gagnant-gagnant pour l’environnement et l’agriculteur, ce dernier profitant d’une présence accrue des prédateurs des ravageurs. Ou, au contraire, la porte ouverte aux bioagresseurs. Dans l’essai, ni formule miracle ni catastrophe constatée : la pression des ravageurs apparaît identique entre la parcelle en arboriculture et la parcelle témoin. Dans le détail, les chercheurs ont relevé, par exemple, moins de méligèthes sur le colza en agroforesterie mais plus de foreurs sur les tiges de maïs. Reste qu’à l’échelle de la rotation, les effets s’annulent et que les rendements sont sensiblement identiques entre les deux parcelles.

Parcelle agroforesterie
Pêchers et amandiers ont été choisis pour les parcelles d'agroforesterie de la ferme expérimentale d'Etoile-sur-Rhône. (© Chambre d'agriculture de la Drôme)

« Ce qui apparaît clairement dans notre essai, c’est que l’on peut intégrer de la biodiversité à l’agrosystème sans risque », appuie le chercheur. Il invite, en revanche, à ne pas survendre la lutte biologique par conservation. Dans l’étude menée, l’arboriculture et les haies n’ont pas réduit sensiblement la pression des insectes ravageurs. Le résultat va dans le sens des conclusions d’un rapport de l’Inrae1 qui souligne, à propos des insectes, que « généralement, la diversité des éléments semi-naturels favorise [leurs] ennemis naturels (tant en abondance qu’en diversité), sans toutefois que les conséquences sur la régulation des bioagresseurs ne soient démontrées. »

Contenir l’étalement des adventices

Bien que la flore indésirable n’ait pas, pour le moment, fait l’objet d’un essai spécifique sur la ferme expérimentale, plusieurs études ont déjà démontré l’intérêt de l’agroforesterie pour la réguler. Si la variété des conditions d’exposition et d’humidité entraîne une plus grande diversité de plantes, la quantité de mauvaises herbes en nombre de pieds apparaît plus faible qu’en culture pure. « Il y a un moindre essaimage des graines, les arbres retenant le vent », explique Clément Bardon. Il l’a constaté l’automne dernier, où le climat doux a favorisé des reprises tardives d’amarantes et de chénopodes dans le colza. Dans le système agroforestier, ce dernier était beaucoup moins supplanté par les adventices que sur la parcelle témoin.

En été, des arbres protecteurs ?

De l’autre côté de la route, la même rotation a été reproduite avec, cette fois, des rangs de pêchers mais aussi d’amandiers. Objectif : évaluer l’intérêt des arbres pour protéger les cultures des fortes températures et du manque d’eau. À cette fin, les fruitiers ont été plantés sur des transects Est-Ouest pour maximiser l’ombre et protéger de vents Nord-Sud. De chaque côté, des haies participent également à l’effet brise-vent.

Bien que les arbres soient encore jeunes, les premières observations sont encourageantes. « Nous avons pu constater durant la vague de chaleur d’août 2023 qu’il faisait 42°C dans le couvert de maïs pleinement exposé et 38°C dans celui en agroforesterie », illustre Clément Bardon. Un résultat d’autant plus intéressant que le maïs est sensible aux grosses chaleurs qui induisent des brûlures des pollens impactant les rendements.

Spectres températures
Spectres des températures de surface mesurées le 24 août 2023 sur la ferme expérimentale, entre 38 et 57°C. (© Benoit Chauvin Buthaud)

L’ombrage et l’effet brise-vent des arbres pourraient se révéler favorables aux cultures de printemps, mais pas nécessairement pour celles d’hiver. Les résultats à venir devraient ainsi permettre de pouvoir mieux arbitrer entre une meilleure résistance aux aléas climatiques et une maximisation de la photosynthèse. « Tout l’intérêt est d’apporter, pour chaque culture, des références dont on manque encore drastiquement. »

Et ce, « plutôt que de déployer tous azimuts des solutions qui ne seraient pas éprouvées » souligne-t-il. Sans compter que cela risquerait de desservir une agroforesterie qui, pour certaines cultures, a d’ores et déjà prouvé son intérêt. Sur des essais vignes sous pêchers, l’équipe a par exemple prouvé une diminution de la température de 4 degrés l’été et une humidité de l’air favorables à la production.

1 : Aude Vialatte, Vincent Martinet, Anaïs Tibi, Audrey Alignier, Valérie Angeon, et al. Protéger les cultures en augmentant la diversité végétale des espaces agricoles. Rapport scientifique de l’Expertise scientifique collective. Inrae. 2023

Inscription à notre newsletter

NEWSLETTERS

Newsletters

Soyez informé de toute l'actualité de votre secteur en vous inscrivant gratuitement à nos newsletters

MATÉRIELS D'OCCASIONS

Terre-net Occasions

Plusieurs milliers d'annonces de matériels agricoles d'occasion

OFFRES D'EMPLOIS

Jobagri

Trouvez un emploi, recrutez, formez vous : retrouvez toutes les offres de la filière agricole

Réagir à cet article