« Les agriculteurs à l’origine du GIE en 2010 étaient des défricheurs soucieux de reprendre leur destin en mains : ils voulaient être libres dans leurs décisions, donner du sens à leur acte de production, et être maître de la commercialisation de leurs produits. » Douze ans plus tard, Simon Berland, associé de la SCEA Le Palaineau au Langon en Vendée et président du GIE réaffirme ces valeurs. Avec dix exploitations voisines situées entre Les Herbiers et Fontenay-le-Comte, il prépare la troisième campagne du nouveau centre de tri de graines bio installé en 2020 à Chantonnay dans un ancien site industriel du volailler Doux.
Pendant dix ans, le GIE avait d’abord travaillé avec une Cuma traitant des graines bio mais aussi conventionnelles. « Pour être plus indépendant vis-à-vis de l’orientation des marchés, diversifier notre gamme et nos circuits de commercialisation, et en raison des exigences qualitatives, nous devions franchir un cap », affirment Simon Berland et Sébastien Schwab, associé du Gaec Ursule. Après plusieurs années de réflexion, le groupe de 11 fermes vendéennes a donc lui-même investi en 2020 dans un outil 100 % bio.
Le site comprend une chaîne de tri complète en trois étapes : grilles de tri, table densimétrique et trieur optique. Le reste consiste essentiellement en des espaces de stockage, dont une chambre frigorifique à 11°C pour les sacs de graines prêts à être expédiés, ainsi que des quais de chargement et des bureaux. Le tout pour un investissement de 1,5 million d’euros.
« La consommation de viande diminuera »
La SARL Bio Triage réceptionne environ un millier de tonnes de récoltes brutes par an générant après triage 600 tonnes nettes de graines et légumineuses commercialisables : haricots blancs, rouges, flageolet, pois chiche, lentille, mais aussi quinoa, graine de courge, millet, lin, petit épeautre, tournesol, sarrasin. Le GIE produit aussi un millier de tonnes de légumes verts frais non triés pour des conserveries bretonnes (haricots verts, petits pois). L’ensemble représente au total plus de 400 ha cultivés par les 11 fermes du GIE.
Chez Simon Berland, associé avec sa mère et employant deux salariés, 175 ha irrigables (par la nappe phréatique) sont consacrés à l’alimentation humaine (hormis une culture dérobée de ray-grass d’Italie et trèfle incarnat avant haricots). Le blé tendre est commercialisé dans la filière meunière locale « Grenier bio d’ici », le tournesol et le colza sont transformés en huile par le Gaec Ursule. La ferme produit aussi des plantes médicinales, des pommes de terre et des semences de carotte, ainsi qu’une dizaine de cultures pour le GIE Légumes secs bio de Vendée. « Nous élevons trente vaches maraîchines sur 100 hectares de prairies inondables dans le marais poitevin, ajoute Simon. Elles consomment de l’herbe, du foin et de l’enrubannage. Notre volonté est de réserver l’irrigation aux cultures pour l’alimentation humaine et de produire de la viande uniquement à l’herbe. En raison du dérèglement climatique, nous pensons que la consommation de viande diminuera au profit d’une meilleure qualité, et des légumes secs. C’est un pari sur l’avenir. »
Diminution du salissement en ray-grass et vulpin
De son côté, le Gaec Ursule cultive des légumes secs depuis deux ans (35 ha cette année) grâce à l’arrivée de l’irrigation (retenue individuelle). Avec trois associés, trois salariés et deux apprentis, la ferme pilote 260 ha dont la moitié en prairies pour 90 vaches laitières de race jersiaise. Le reste est consacré au colza et tournesol (pressés sur place en huile), blé, triticale, maïs, sorgho, féverole, pois, sarrasin et légumes secs pour le GIE. « Nous voulions diversifier notre assolement composé à plus de 60 % de céréales d’hiver en l’absence d’irrigation, explique Sébastien Schwab. Nous avions des problèmes de désherbage, ainsi qu’un déficit en azote. Les haricots et les pois chiches ont des atouts agronomiques. Grâce à eux, nous sommes désormais à 50 % de semis de printemps et nous observons une forte diminution du salissement en ray-grass et vulpin. »
Pour l’agriculteur ayant récemment rejoint le GIE, l’objectif était d’optimiser le système pour atteindre une cohérence entre végétal, animal et Homme. « L’eau est une ressource précieuse et il n’est pas question de l’utiliser pour l’alimentation animale, souligne-t-il. Les vaches sont en système pâturant et consomment les tourteaux produits sur place par l’huilerie. » À partir de 100 tonnes de graines de colza et 100 tonnes de graines de tournesol produites par l’exploitation et plusieurs voisins, le Gaec presse en effet 40 000 litres d’huile alimentaire commercialisée localement.
« Chaque agriculteur passe du temps »
Sébastien Schwab et Simon Berland estiment que le GIE Légumes secs de Vendée a atteint son point d’équilibre. « Nous sommes dans l’état d’esprit d’origine des coopératives, mais nous ne souhaitons pas grandir trop afin de garder la maîtrise de l’outil, précisent-ils. Notre objectif premier reste de mieux valoriser. Nous partageons les rôles et chaque agriculteur passe du temps. Cela demande de l’implication mais apporte de l’épanouissement. C’est une extension de notre métier. »
Le fonctionnement au quotidien est assuré par quatre salariés pour le tri, les livraisons et l’administration générale. Le conditionnement est réalisé en sacs de 5, 10 ou 25 kilos ou en vrac. Les ventes se répartissent à parts égales entre magasins spécialisés bio, industriels et revendeurs. « Nous sommes impliqués dans le Projet alimentaire territorial de Chantonnay et souhaitons développer le débouché restauration scolaire. Nous réfléchissons aussi à créer notre propre marque afin d’être identifié, de mettre en avant l’origine garantie des produits, et de porter nos valeurs et notre éthique. »
Comme les autres producteurs bio, le groupe constate actuellement un freinage du marché et adapte ses assolements en fonction. Toutefois, cette baisse touche davantage la grande distribution que les débouchés locaux. De plus, l’avantage des légumes secs est leur longue durée de conservation.