Terre-net : Quand le coût des matières premières s’avère particulièrement bas, comme c’est le cas aujourd’hui pour le blé, les entreprises restent-elles fidèles au partenariat ?
Ludovic Brindejonc : Le message qui a été passé lors de ces rencontres, c’est que malgré le contexte géopolitique, les annonces de Trump, le Mercosur, le changement climatique et l’impact sur les rendements, Agri-Etique joue son rôle d’amortisseur de choc. Malgré ces aléas, on doit rester intransigeants : quand la volatilité des cours des matières premières est forte, on peut avoir des acteurs tentés de ne pas respecter leurs engagements. Avec un prix de marché du blé très bas, et un prix Agri-Ethique basé sur coûts de production, le différentiel est énorme, mais on ne peut pas s’engager dans cette démarche en étant opportuniste.
Je ne veux pas que le blé soit la variable d’ajustement
Dans le cas de la BVI (ndlr : Boulangerie Viennoiserie Industrielle), notamment, je ne veux pas que le blé soit la variable d’ajustement. Ils subissent les augmentations du beurre et du cacao, donc derrière, la matière sur laquelle ils pourraient ajuster le tir serait le blé. Eh bien non. Il faut s’atteler au vrai problème, et ce n’est pas le blé. Nous devons rester exigeants, intransigeants.
TN : Dans ce contexte, est-il plus facile de trouver des agriculteurs qui s’engagent dans la démarche ?
L. B. : En ce moment, il est plutôt simple de trouver des agriculteurs pour le blé, mais cela dépend des filières. Sur les œufs par exemple, on est plutôt dans un contexte de pénurie, il est plus difficile de convaincre des éleveurs de s’inscrire dans la démarche Agri-Ethique. Là où c’est intéressant, c’est que la Fournée Dorée, engagée sur le blé depuis la récolte 2025, va aussi s’engager sur la filière œuf en recrutant et motivant de nouveaux éleveurs grâce à des contrats de 10 ans, une durée qui correspond à la durée d’amortissement d’un nouveau bâtiment d’élevage.
TN : Vous dites que le consommateur reste sensible au sujet de la juste rémunération du producteur. Quels sont les autres atouts de votre modèle ?
L.B. : La réglementation nous est favorable, avec Egalim qui incite la restauration collective à faire des achats responsables. On travaille également à l’échelle européenne et française pour avoir une réglementation qui soit stricte en matière de juste rémunération du producteur, et qui ne repose pas sur des auto-allégations. On apporte une solution concrète, vérifiable très simplement, c’est le volet économique, le maintien des agriculteurs sur le territoire, contrairement à d’autres certifications. Quant au consommateur, il nous faut encore gagner le combat de la communication. Un milliard d’euros de vente, ça reste une goutte d’eau ! Dans le cas du commerce équitable Nord-Nord, le produit final n’est pas plus cher. Les industriels intègrent ce modèle pour avoir plus de stabilité sur les prix et se déconnecter des marchés. C’est équitable à la fois pour le producteur et pour la marque, donc aussi pour le consommateur.
TN : Vous mettez également en avant des points forts au niveau environnemental ?
L.B. : Un minimum de 0,5 % du chiffre d’affaires des entreprises est redirigé vers un fonds de développement afin de financer une feuille de route environnementale, et ce fonds est ensuite piloté par des acteurs de l’amont et des industriels. C’est intéressant car adapté aux réalités des territoires où sont produites les matières premières en question. Et les industriels savent ce qu’ils financent.