« L'association Secobra - "Société d'encouragement pour les orges de brasserie" - est née en 1902 de la volonté d'un petit syndicat de brasseurs français de mieux cultiver la matière première, orge. Leur intuition : un mode de culture réfléchi va améliorer la qualité brassicole. Le premier objectif de l'association était alors de fournir à la filière malterie-brasserie des orges pures et de qualité », ont détaillé Dominique Dutartre et Gilles Fouquin, respectivement président et directeur de Secobra Recherche, lors des 120 ans de l'entreprise.
« Une course de vitesse »
Au fil des années, l'entreprise a évolué dans l'Hexagone, mais aussi à l'international. Elle réunit aujourd'hui à son capital, avec Brasseurs de France, trois des plus grands brasseurs mondiaux (ABinBEV, Heineken et Carlsberg) et avec Malteurs de France, les trois plus grands malteurs de mondiaux (Boormalt, Malteurop et Malteries Soufflet). Outre l'orge de brasserie, Secobra Recherches travaille également sur d'autres espèces, et notamment le blé, qui « représente aujourd'hui 40 à 45 % de l'activité globale de l'entreprise. Nous sommes d'ailleurs le 1er obtenteur de blé en Allemagne », précise Gilles Fouquin.
Réduction des intrants, changement climatique, empreinte carbone... l'agronomie et la génétique constituent des leviers majeurs pour répondre à tous ces défis, selon le président de Secobra Recherches. Pour réduire l'intervalle de temps de la recherche, les équipes s'appuient sur différentes techniques d'accélération du progrès génétique : la SSD, l'haplo-diploïdisation, la culture à contre-saison en Nouvelle-Zélande... « Comme en compétition, notre métier est devenu une course de vitesse », ajoute Gilles Fouquin.
Pour renforcer son autonomie de recherche, Secobra ne cesse de faire évoluer son outil de travail depuis son installation au domaine de Bois-Henry en 1986. Un programme de plus de 8 millions d'euros d'investissement est d'ailleurs en cours. La nouvelle serre, créée en 2017, verra sa surface doubler dans les prochains mois. Parmi les autres travaux prévus : la montée en puissance de l'usine de semences avec un laboratoire agrandi et une capacité de stockage doublée, l'ajout de deux nouvelles chaînes de triage du grain...
Tempo et Nova pour répondre aux exigences des filières
« Ce qu’on nous demande aujourd’hui, c’est de créer des réponses pour les filières brassicoles dans le monde entier », indique Gilles Fouquin. Il met alors en avant le projet Tempo, qui permet « d'adapter la génétique européenne en fonction du contexte et des besoins locaux ». Avec Tempo, on a identifié « une multitude de gènes, qui vont apporter de la précocité sans entamer le potentiel de rendement. En pays peu arrosé, la variété concernée évitera ainsi plus facilement l’échaudage et diminuera le besoin en irrigation ».
Autres exigences des filières : « les industriels de la malterie et de la brasserie doivent réduire leur empreinte carbone avec des process où les orges sont moins exigeantes en eau et en énergie en général. Mais le gros sujet est la fumure azotée : comment la diminuer sans affaiblir la richesse enzymatique ? Notre projet porte le nom de Nova, il permet d’isoler des gènes "natifs" dans des orges exotiques. Grâce à eux, à 9 % de protéines seulement à la récolte, la richesse enzymatique est maintenue voire améliorée ».
« Les brasseurs artisanaux ont également amené beaucoup de créativité et permis de relancer la consommation de bière en France... observe Gilles Fouquin. [...] Secobra se sent en phase avec ces craft brewers, comme les appellent les Anglo-saxons. Notre créativité est notre meilleur atout. Nous sommes devenus des craft breeders, des créateurs variétaux. »
Des mélanges d'espèces adaptés à l'interculture avant une orge de printemps
Avec l'acquisition de Sem-Partners en 2021, Secobra Recherches a aussi développé son activité pour l'agriculture biologique et les plantes de services. Premier exemple de l'échange de savoir-faire entre les deux entités : le lancement à venir de « Brassipan », sous-entendu « brasserie » et « Cipan » (cultures pièges à nitrates). Le semencier compte ainsi proposer des associations d'espèces spécifiques, adaptées à l'interculture avant une orge de printemps. « L'agriculture passe de l'exploitation de la terre à la mise en valeur de la vie du sol », souligne Dominique Dutartre.