De la semence à la résistance, il n’y a qu’un pas : si la France peut être fière d’être aujourd’hui le premier producteur européen et le premier exportateur mondial de semences, c’est grâce à une figure nordiste de la résistance française : Kléber Ringot. Avant de participer, en 1940, à la création du comité « Voix du Nord », l’un des premiers réseaux de résistance – Kléber Ringot s’était déjà illustré au milieu des années 20 en installant, à la Chapelle d’Armentières, l’une des premières stations françaises de triage de semences et plants sélectionnés. Durant l’occupation allemande, il se servira de son métier de sélectionneur pour faciliter l’évasion de prisonniers français ou pilotes alliés en les cachant sous des faux planchers de « train patates ».
Cliquez sur les flèches pour faire défiler le diaporama :
À son décès en 1945, l’industriel laisse une entreprise pionnière et déjà florissante. Ringot détient alors en propre cinq variétés de semences et 800 ha de multiplication. Avec l’Inra, l’entreprise est la seule obtentrice française d’une variété de colza. 25 ans plus tard, Ringot jouit d’une renommée internationale et rejoint l’Uncac, à l’origine d’Invivo.
Cent ans plus tard, ce glorieux passé est toujours valorisé. Attenantes à la maison bourgeoise qu’occupait l’industriel résistant, les vieilles briques apparentes du site de la Chapelle d’Armentières abritent toujours une usine de semences – agrandie en 2019 – mais aussi le siège administratif de Semences de France, la marque d’Invivo et de 45 coopératives actionnaires, gérée par Bioline.
Deux ans de travail pour obtenir la certification ISO 9001
La branche semencière du groupe coopératif y réceptionne, trie, traite et conditionne environ 94 000 quintaux de semences par an. Cachés derrière les briques centenaires et la fosse de vidange, « les 20 silos de 50 tonnes chacun sont d’origine », explique Cécile Waras, spécialiste du management de la qualité, lors d’une visite organisée mi-septembre 2024.
Son recrutement à l’automne 2023 en tant que responsable qualité du site témoigne des objectifs que s’est fixés la marque en matière de qualité des semences proposées. « L’usine est certifiée ISO 9001 depuis mai dernier », poursuit-elle.
« C’est le fruit de deux ans de travail pour mettre en place une démarche, une organisation de nos services et des indicateurs de suivi. Cette norme étant basée sur la satisfaction client, nos actions sont faites sur toute la chaîne, de la production par nos agriculteurs multiplicateurs jusqu’à la livraison. »
Au cœur du site trône la principale chaîne de triage, entièrement automatisée. « Nous avons un trieur densimétrique, un trieur alvéolaire et un trieur optique, détaille Christophe Duflost qui supervise les opérations de triage. Mais le nettoyeur-séparateur – c’est comme un gros tambour de machine à laver – c’est 80 % du triage ». Dans son local, face à ses écrans de contrôle, il suit le process de triage grâce aux nombreux capteurs et alarmes. « L’automatisation permet de gérer le flux. La table densimétrique, par exemple, doit toujours être remplie. »
« La machine a beau être automatisée et régulièrement vérifiée, elle ne remplace pas l’œil du trieur pour évaluer la qualité d’un lot trié. »
« Quand on passe d’une espèce à l’autre, du blé à l’orge par exemple, on fait des vides sanitaires », poursuit Cécile Waras. On arrête la chaîne de triage, on démonte tout pour la nettoyer avant de la remonter et la vérifier. Nous sommes très vigilants là-dessus. »
Un laboratoire unique au service de filières d’excellence
Parmi les indicateurs de suivi qualité, le taux de panne de la chaîne de triage doit être inférieur à 2,5 % par rapport au temps total d’utilisation du trieur. « Grâce à de la maintenance préventive régulière, nous sommes à 0,8 %, se réjouit Cécile Waras. Le trieur optique est le plus fragile. C’est une entreprise spécialisée qui vient le contrôler périodiquement. »
Non loin de la chaîne de triage, le laboratoire de l’usine permet de vérifier continuellement la qualité des semences conditionnées. « Nous réalisons entre 7 000 et 8 000 analyses par an », calcule la responsable. Le laboratoire, qui suit les normes internationales ISTA pour les essais de semences est habilité pour l’analyse physique et physiologique de 51 espèces. »
Chaque semaine, un inspecteur de Soc-France – la direction de la qualité et du contrôle officiel de Semae – vient vérifier que les échantillons effectués sont conformes. « Il compare nos résultats avec ceux qu’effectue le Geves. »
Avec sa localisation au centre du bassin européen de production du lin fibre, le laboratoire s’est spécialisé dans l’analyse sanitaire pour cette autre filière d’excellence. « On vérifie la pureté des graines, et on calcule le taux de germination ».
Dans de petites boîtes avec un support de culture, les techniciennes de laboratoire font germer précisément 400 graines par échantillon. Elles recherchent ensuite la présence éventuelle de cinq champignons spécifiques. Et dénombrent à la main, graine par graine, les « mortes », « anormales », « dures », etc. Un travail qui demande autant de minutie que de concentration. D’octobre à avril, ce sont 850 échantillons qui vont être ainsi analysés.