Après la catastrophe humaine et les tensions géopolitiques, c’est aujourd’hui un risque de faillite économique qui guette l’Ukraine sur fond de défaillances structurelles : dévaluation de la hryvnia, croissance en berne, taux d’intérêt en hausse (plus de 30%), menace de défaut de paiement. L’endettement public s'élève à un peu plus de 80 milliards de dollars soit 43 % du Pib. Les besoins en capitaux du pays avoisinent les 35 milliards de dollars.
Si fin janvier les experts écartaient le risque de déstabilisation des marchés céréaliers européens, cette éventualité est actuellement prise au sérieux. Ces inquiétudes sont d’autant plus légitimes que l’Ukraine est l’un des principaux exportateurs mondiaux de céréales.
Selon la Fao et l’Ocde, la croissance du secteur agricole ukrainien sera d’au moins 40 % sur ces cinq prochaines années, alors que sa production de maïs a été multipliée par 10 en 5 ans. Au 23 janvier, l'Ukraine avait d'ores et déjà expédié 20,9 millions de tonnes de céréales, en hausse de 34 % par rapport à l'année précédente. Pourtant, il n’est pas certain que ces exportations atteignent cette année l’objectif record de 28 millions de tonnes, alors que ces prévisions avaient été réalisées avant le début de la crise fin novembre.
Menace de faillite de l'économie
A long terme, la menace d’une faillite de l’économie ukrainienne pourrait largement impacter la filière agricole du pays et entraîner dans son sillage les marchés céréaliers mondiaux.
La dévaluation de la monnaie locale, et la frilosité des banques ukrainiennes à accorder de nouveaux crédits ainsi que les restrictions de retrait de liquidités, incitent les producteurs à retenir leurs ventes de marchandise. Par ailleurs, selon des sources locales, certains agriculteurs se sont déjà retirés du marché des céréales perturbant le marché interne (hausse des prix locaux).
Du côté des exportateurs, pour éviter des annulations de contrats liées à des retards de livraison dans les ports, une prime de 10 dollars/tonne pour des livraisons immédiates sont payés. Cependant les tensions en Crimée à proximité du port d’exportation d’Odessa, pourraient perturber l’approvisionnement pour les chargements portuaires.
Une aide d'urgence nécessaire
La situation demeure ainsi confuse, et pour l’heure aucune prévision sensée ne peut augurer non seulement de l’évolution politique du pays mais des tendances futures du marché céréalier ukrainien. La situation pourrait s’avérer identique à l’embargo céréalier décrété par la Russie en août 2012 et son impact sur la hausse des cours mondiaux du blé et du maïs. Avec cependant, dans le cas ukrainien, des conséquences potentiellement plus durables et irréversibles qui pourraient contribuer à la modification des structures mêmes du marché mondial des céréales, laissant notamment craindre une volatilité accrue des cours.
Aujourd’hui, l’Ukraine a besoin de mesures structurelles et d’une aide d’urgence pour l’accompagner, et ce n’est certainement pas en laissant la « main invisible » opérer sur le marché ukrainien des céréales que la situation s’améliorera, bien au contraire. Fmi, Banque Mondiale, UE, Russie, tous doivent s’asseoir à une même table pour éviter à un acteur stratégique de sombrer.