La politique agricole foncière est un atout en matière de compétitivité, juge Agriculture Stratégies (©rv59268)
Si l’agriculture française est en crise, ce n’est en tout cas pas en raison de sa politique foncière, estime le think tank Agriculture Stratégies, qui a présenté le 27 novembre son nouveau rapport, « Réguler les marchés fonciers agricoles : les arguments économiques ». « Les bases de la politique foncière agricole française sont bonnes », souligne le texte, et la régulation qu’elles permettent est « un atout positif » pour la compétitivité de l’agriculture française.
Frédéric Courleux « La politique foncière française a été un atout pour la compétitivité agricole de la France » pic.twitter.com/Ph1Eyn4QGx
— Agriculture Stratégies (@AgriStrategies) November 27, 2019
Une politique efficace…
La politique agricole foncière française est souvent accusée d’entraver la liberté d’entreprise et la compétitivité globale du secteur agricole. Un argument qu’Agriculture Stratégies conteste : « expliquer la crise actuelle par la petitesse des fermes françaises semble tout à fait excessif. Les causes sont surtout à chercher du côté la politique agricole commune », explique le rapport. Selon les auteurs, à la différence des autres grandes puissances mondiale, l’Europe ne sait pas protéger les producteurs des prix de dumping internationaux, faute de filets de sécurité valables, quand les États-Unis ont par exemple mis en place des aides contracycliques.
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De plus, la politique foncière française « n’a pas figé la taille des fermes », ajoute le think tank. Et si l’on se penche uniquement sur le sujet de la compétitivité, « il apparaît au contraire que la politique foncière agricole française est un facteur positif via le contrôle des loyers qu’elle opère. En effet, le montant des fermages s’inscrit actuellement dans des fourchettes étroites actualisées en fonction de l’inflation et de l’évolution des revenus agricoles lissés sur cinq ans ».
« La rentabilité d’un actif financier dépend de son niveau de risque et une parcelle de terre agricole compte parmi les supports les moins risqués. Dans la période actuelle de taux d’intérêt très bas, l’attractivité des terres est même bonne. Détricoter le statut du fermage pour faciliter l’entrée de capitaux extérieurs à l’agriculture n’est donc pas une option à suivre », préconise Agriculture Stratégies. La régulation du foncier permet au contraire aux agriculteurs d’acquérir progressivement les terres qu’ils exploitent.
Comme l’ont démontré les économistes au fil du temps, la terre agricole n’est pas un facteur de production standard. Il s’agit d’une ressource commune, liée aux rapports sociaux et politiques. Cette particularité fait des terres agricoles le support de nombreux droits et ayant-droits. Par ailleurs, le travail du paysan a une influence sur la fertilité de la terre, ce qui nécessite de donner à ce dernier des conditions de travail initiatives et sécurisantes. Par ailleurs, le stock de terres est fini, on ne peut pas créer de nouveaux hectares. Elle est également localisée, et ne peut pas être déplacée. Enfin, la terre ne peut pas dépendre de marchés dérégulés, car « elle n’a pas été produite pour être vendue », rappelait l’économiste hongrois Karl Polanyi au milieu du siècle dernier. Les seuls mécanismes de l’offre et de la demande sont donc insuffisants pour en assurer une allocation et une gestion durable.
…qui mérite d’être renforcée
Si les fondements de la politique foncière française sont les bons, des évolutions sont nécessaire pour l’adapter au contexte actuel. Agriculture Stratégies propose de prendre en compte la généralisation des formes juridiques d’exploitation en société, supprimer le bail rural de 2006, dont la durée trop courte ne permet pas aux agriculteurs d’être accompagnés par les banques, et de mieux articuler la Pac et la politique agricole foncière pour réellement favoriser le renouvellement des générations.
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« La régulation des marchés fonciers agricoles est à la base d’une sorte de réforme agraire permanente où la terre revient à celui qui la travaille, le temps qu’il la travaille. Loin des réformes agraires révolutionnaires « one shot », elle contribue à la pérennisation d’un mode d’organisation de la production de type familial qui reste la forme d’organisation de la production la plus efficace, nonobstant l’alliance objective entre Marxistes et Ultra-libéraux qui cherche à nous expliquer depuis 150 ans que l’agriculture familiale est condamnée et va bientôt disparaitre », conclut le rapport.
À l’issue d’un colloque organisé à l’Assemblée nationale le 27 novembre par les députés Dominique Potier, Jean-Michel Clément et Jean-Bernard Sempastous, un appel pour une nouvelle loi foncière a été signé par 17 organisations (collectivités territoriales, syndicats agricoles, ONG…). Le texte comprend neuf mesures :
- Inscrire dans la loi le principe selon lequel le sol, comme les autres ressources naturelles, est un « élément du patrimoine commun de la Nation ».
- Réguler l'ensemble des marchés fonciers en assurant leur transparence, leur contrôle et leur orientation sur l'usage et la propriété.
- Permettre un accès à la terre à la nouvelle génération grâce au partage, au portage et au financement du foncier agricole.
- Préciser le statut de l'actif agricole et celui du fermage dans sa dimension sociale et environnementale
- Tendre vers l'objectif de zéro artificialisation nette avec des règles d'urbanisme cohérentes et une fiscalité qui limite la spéculation.
- Moderniser et démocratiser les instruments de prospective et de mise en œuvre des politiques foncières.
- Créer les conditions favorables au développement de l'agroécologie permettant une nourriture de qualité pour tous, la protection de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique (notamment via la captation carbone des sols).
- Défendre un ambitieux programme de recherche sur la santé des sols à l'échelle de l'Union européenne, en appui à la future Politique Agricole Commune.
- Lancer, au nom de la paix, un plaidoyer pour un traité onusien visant à lutter contre l'accaparement des terres.
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