Face à la grave crise de l'élevage provoquée par la chute des prix du lait et du porc, la réponse de Bruxelles lors du conseil agricole extraordinaire du 7 septembre a été « rapide » et « pragmatique », s'est félicité le commissaire irlandais devant les sénateurs. « Je ne partage pas les opinions négatives » sur l'avenir de l'élevage, notamment en France, a-t-il assuré lors d'un entretien accordé à l'AFP en marge de l'audition. Il s'est dit « surpris » que certains « essaient d'effrayer les jeunes agriculteurs et de leur faire croire qu'il n'y a pas de futur pour eux ». Mais pour réussir à faire remonter durablement les prix payés aux producteurs de lait et de viande, il faut « des réformes structurelles de la filière alimentaire, pour faire en sorte que le producteur ne soit pas écrasé » par la distribution et l'industrie, plaide-t-il.
Les hausses de prix du lait, du porc et du bœuf négociées cet été en France sous l'impulsion du gouvernement sont des « mesures de court terme », estime-t-il. Malgré les 63 millions d'euros alloués à la France, les agriculteurs français ont été globalement déçus par le plan bruxellois, regrettant le manque de mesures pour faire remonter le prix du lait, plombé par la surproduction provoquée par la fin des quotas, l'embargo russe et la baisse de la demande chinoise. « Je suis intervenu sur le marché » en augmentant les aides au stockage privé, « mais je n'étais pas favorable à une hausse du prix d'intervention » sur le lait, car il faudrait « un an à 18 mois pour le mettre en place », conformément à la législation européenne, se défend Phil Hogan.
Réclamée par la France, l'Italie, l'Espagne et le Portugal, cette mesure consisterait à relever le prix plancher à partir duquel la Commission peut racheter des produits laitiers puis les stocker, afin de réduire l'offre sur le marché, et donc de faire remonter les prix. Pour Phil Hogan, cette mesure « créerait une distorsion de compétitivité pour la production de lait européenne » et l'existence de stocks publics pourrait « faire baisser encore davantage les prix ».
Coûts de production « en baisse »
Le commissaire a aussi tenté de justifier des déclarations faites la semaine dernière sur la web-télévision ViEUws, où il affirmait : « Je ne crois pas que beaucoup d'agriculteurs produisent en-dessous de leur coûts de production », provoquant l'ire des syndicats français, dont c'est justement le principal grief. « Ce que j'ai dit la semaine dernière signifiait : "si vous produisez en-dessous du coût de production pendant une période considérable, vous aurez des problèmes sur le marché" », a-t-il dit, soulignant qu'il y avait de grands écarts de coûts de production entre pays et entre régions. Selon lui, la situation pourrait s'améliorer car « les coûts de production ont baissé plus vite que les prix du lait » sur les six derniers mois.
Sur la question du porc, Phil Hogan affirme n'avoir reçu « aucune proposition » des autorités russes sur un allègement de l'embargo sur le porc, imposé début 2014 pour des raisons sanitaires. Xavier Beulin, président de la FNSEA, a affirmé pendant l'été que les Russes avaient proposé de lever cette mesure sanitaire en excluant les Etats baltes, ce que l'UE avait refusé.
Comme pour le lait, la Commission a décidé dans son plan d'aide de mettre l'accent sur le stockage privé du porc, pour désengorger le marché et faire remonter les prix. Accusé de « mépris » par les syndicats agricoles français, Phil Hogan assure « défendre l'agriculture familiale ». Il promet pour 2016 de nouveaux « instruments financiers » pour permettre aux jeunes agriculteurs d'investir plus facilement.