Limiter fortement les levées d’adventices automnales en cas de forte infestation, sans entamer le potentiel de la culture : tel est le principal intérêt de retarder d’une dizaine de jours le semis d’une céréale. Selon Arvalis-Institut du végétal, « cette technique doit s’envisager à l’échelle de la parcelle et non de l’exploitation ».
Mais, « indépendamment des conditions d’implantation, qui peuvent être très moyennes au milieu de l’automne, les semis trop tardifs induisent un certain nombre de risques climatiques pour les cultures », prévient Jean-Charles Deswarte d’Arvalis.
Exposées au froid et à l’excès d’eau...
Il faut en moyenne 150°Cj pour faire lever une céréale à paille, voire plus pour des semis profonds ou des surfaces très motteuses. « Début octobre, moins de 10 jours suffisent en général mais, pendant les phases les plus froides de l’hiver, un mois est parfois nécessaire. » Et comme la germination est très sensible à l’ennoiement intégral, et même à une hydromorphie très marquée, la culture est exposée plus longtemps à ce genre d’accident avec un semis tardif.
Par ailleurs, la résistance au froid s’acquiert progressivement au fur et à mesure de la vernalisation. « En cas de gel au stade coléoptile ou 1 feuille, les plantules n’ont eu le temps de s’endurcir, ce qui peut entraîner des pertes de pied. »
... mais protégées des gels tardifs
Si l’hiver est froid, la céréale aura peu l’opportunité de taller avant le début de la montaison, et le peuplement épi peut en souffrir. Enfin, le retard au semis se répercutera tout au long du cycle et chaque phase d’élaboration du rendement sera raccourcie. La mise en place de chaque composante sera affectée et les conséquences seront d’autant plus importantes si le printemps est sec ou chaud.
À l’inverse, « les cultures semées tardivement vont progressivement vernaliser pendant l’hiver, avec un niveau de résistance au froid croissant jusqu'en février qui les protègera d’un gel éventuel de fin de saison ». De même, « le fort décalage de cycle à épi 1 cm déplacera le début de la montaison vers des périodes normalement plus douces », où les températures négatives sont plus rares.
Adapter ses choix variétaux
Pour l’orge d’hiver, espèce sensible au froid, une chute des températures avant le début du tallage s’avère très préjudiciable. « Or, cette menace concerne les trois quarts de la France dès le début du mois de novembre. »
Concernant le blé dur et tendre, les semis sont envisageables fin novembre, moyennant précautions (veiller à la qualité d’implantation par exemple). « Il est préférable de retarder les semis que de risquer de pénaliser l’enracinement. » Surtout qu’en blé tendre, le choix variétal est vaste.
Ce n’est qu’à partir de mi-janvier qu’il devient indispensable de prendre en compte la note de vernalisation et le climat local pour décider de l’arrêt des semis. Le blé dur a des besoins de vernalisation minimes et le décalage du cycle sera en grande partie gommé dès la montaison. « On peut donc semer n’importe quelle variété, même si la période idéale est dépassée. » Pour ces deux espèces, l’arrivée du froid à des stades précoces peut fragiliser les plantules. « Choisir des variétés résistantes au gel est une parade judicieuse. »
Augmenter les densités de semis
En pratique, les exploitants ont tendance à ne pas suffisamment abaisser la densité de grains par mètre carré pour les semis précoces, et à l’inverse, à ne pas l’augmenter assez pour les semis tardifs. Or, cette hausse de la densité est nécessaire pour trois raisons : la qualité d’implantation est souvent moins bonne, ce qui limite le taux de levée ; les accidents climatiques surviennent sur des cultures jeunes, entraînant des disparitions de pieds ; la période de tallage est raccourcie, ce qui mène souvent à un manque de talles à épi 1 cm.