Avec les fermes pilotes, le PNRI déploie ses essais pour trouver des solutions contre la jaunisse

FPE de Tilloy-lès-Moffllaines
Le Campus agro-environnemental 62 situé à Tilloy-lès-Mofflaines est l'une des 51 fermes pilotes d'expérimentation du PNRI-C (consolidé) pour la campagne 2025. (©Terre-net Média)

Évaluer les combinaisons de pratiques susceptibles de réduire les risques de jaunisse en conditions réelles de production, tel est l’objectif des Fermes pilotes d’expérimentation, lancées depuis 2021 dans le cadre du Plan national de recherche et d’innovation (PNRI). Pour la campagne 2025, 51 fermes pilotes sont réparties sur la France betteravière.

Plantes compagnes et lâchers d'auxiliaires

Parmi les leviers testés, Audrey Fabarez, coordinatrice des FPE de l’ITB, cite notamment les plantes compagnes, semées au même moment que les betteraves. « On retient surtout l’orge (objectif : 70 pieds levés/m²) et l’avoine rude, qui sont faciles à gérer et ne craignent pas le désherbage des betteraves, contrairement à la féverole. Les résultats sont intéressants (environ 50 % d’efficacité), à condition d’être précis sur la destruction des plantes compagnes pour éviter une concurrence avec les betteraves », précise l’experte.

« Dans les premiers essais, les plantes compagnes laissées jusqu’au stade 8-10 feuilles ont entraîné des pertes de rendement jusqu’à 15-20 %. On recommande plutôt de les détruire à 4 feuilles. »

De l’autre côté de la frontière, en Belgique, les plantes compagnes se révèlent aussi comme « l'une des alternatives les plus efficientes contre la jaunisse, mais on a besoin de plus de recul pour savoir comment ça fonctionne réellement. Est-ce que les pucerons sont gênés visuellement, olfactivement ? », questionne André Wauters, chef de projet à l’Institut royal belge pour l’amélioration de la betterave (Irbab).

Sur les FPE, les équipes travaillent, en parallèle, le lâcher d’auxiliaires. « On a observé qu’il y avait toujours un décalage entre l’arrivée des pucerons et celle des auxiliaires sur les parcelles. L’objectif est de faire coïncider les deux, une larve de chrysope pouvant consommer entre 20 et 30 pucerons/jour, indique Audrey Fabarez. Les résultats sont, pour le moment, aléatoires : 1 à 68 % d’efficacité pour les larves de chrysopes, selon les pressions rencontrées et les doses apportées. De plus, le coût reste trop élevé pour le moment (150 €/ha), mais les entreprises travaillent à une montée en échelle de leur production pour y remédier. »

Une efficacité encore limitée des produits de biocontrôle

Une veille importante est également réalisée vis-à-vis des produits de biocontrôle : « nous effectuons un screening de toutes les solutions sous serre d’abord, sur le Pôle betteravier du Griffon, pour sélectionner ensuite celles à envoyer au champ », explique Ghislain Malatesta, directeur du département expérimentation de l’ITB. Pour le moment, l’efficacité reste très limitée.

Parmi les candidats retenus, l’institut technique avait fait part, en janvier dernier, des résultats allant de 0 à 41 % d'efficacité avec le champignon entomopathogène (Lecanicilium muscarium). Les données sont plus aléatoires (0-21 %) avec l’huile de paraffine (Illion), homologuée aussi sur pommes de terre.

Au printemps, la filière a également pu bénéficier d’une dérogation pour Insior Gr A, technologie olfactive répulsive de biocontrôle proposée par Agriodor pour lutter contre le puceron vert. « Des essais sont réalisés depuis 3 ans avec cette solution, mais la campagne 2025 est la première avec une forte pression pucerons et il est trop tôt pour livrer des conclusions », indique Audrey Fabarez.

Sur la FPE de Tilloy-lès-Mofflaines, les étudiants du Campus agro-environnemental 62 ont présenté l’essai mis en place cette campagne, qui teste notamment l’application d’Insior Gr A, ainsi que l’utilisation de plantes compagnes (orge de printemps) et l’application d’aphicides (1 ou 2 passages : Movento en T2 – Teppeki en T1 et Movento en T2).

Les étudiants expliquent que « l’application d’Insior Gr A a été réalisée au stade 2 feuilles naissantes des betteraves et que la pression est arrivée un mois plus tard, alors que le produit a une rémanence de 28 jours. De plus, plusieurs précipitations après l’application ont pu réduire son efficacité ». « Au 3 juin 2025, les modalités qui ressortent avec les plus faibles pressions pucerons sont celles avec 2 traitements aphicides, déclenchés au seuil de nuisibilité, et celles qui combinent les leviers, "1 aphicide et plantes compagnes" notamment ».

Résultats notation jaunisse
Graphique montrant l'évolution de la jaunisse entre juillet et septembre selon les modalités pour l'essai de la FPE de Tilloy-lès-Mofflaines. (© Campus agro-environnemental 62)

Des leviers à combiner

« Le levier génétique avance également, mais cela prend plus de temps que prévu. » Pour Ghislain Malatesta, on peut espérer « une protection contre la jaunisse vraiment efficace avec ce levier d'ici 5-6 ans ». 

Cette campagne, l'expert observe « un impact de la maladie assez hétérogène au niveau national. Les semis précoces se montrent, par contre, plutôt indemnes comparés aux parcelles semées trois semaines plus tard. Cela remet en avant l’importance de semer le plus tôt possible pour éviter les dates usuelles d’arrivée des pucerons. Attention aussi aux préparations de sols, il faut tout mettre en place pour avoir une levée homogène et des plantes plus robustes face aux ravageurs ».

Audrey Fabarez évoque également les mesures prophylactiques concernant les réservoirs viraux (repousses de betterave, cordons de déterrage..). « Il est recommandé de détruire aussi les couverts contenant de la phacélie ou des réservoirs au moins 3 à 4 semaines avant les semis, car ils peuvent constituer des réservoirs de pucerons et de virus. »

« Accompagner le risque »

« On peut dire aujourd'hui qu'il n'existe pas une alternative aux néonicotinoïdes aussi efficace lorsqu’elle est appliquée seule, mais un ensemble d’alternatives à combiner pour une efficacité maximale de l’ordre de 70 % sur les pucerons et de 50 % sur la maladie », tablent des membres d'Inrae, IRD, Anses, Cirad et Liège Université dans un article de The Conversation. « Il nous semble tout à fait envisageable de promouvoir les alternatives aux NNI, mais en actant que les agriculteurs ne peuvent pas être les seuls à supporter le surcoût et le risque associés. Deux approches, à combiner, sont alors à développer » :

- « D’une part, un mécanisme assurantiel pourrait être mis en place pour permettre aux agriculteurs de faire face aux années de forte infestation. Un des projets du PNRI a démontré sa faisabilité, et ce d’autant plus que cette situation n’a été observée qu’en 2020 (soit une année sur quatre) » ;

- « D’autre part, un mécanisme de répartition du coût sur l’ensemble de la chaîne producteur-transformateur-distributeur-consommateur et non pas sur les seuls agriculteurs dans l’esprit des lois Egalim 1 et 2 pour l’amélioration de l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire ». 

« À cela, il faut ajouter un mécanisme de non-concurrence intraeuropéenne ou internationale. »

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