Projets Dephy Expe : réduire l’usage d’herbicides, mais pas seulement

Champ de blé et adventices
Avec Reduce, l'objectif n'était pas d'identifier un système type, mais une combinaison de leviers ou de règles de décision qui fonctionnent. (©Terre-net Média)

Les attentes sociétales, l’environnement et la pression politique font de la réduction des produits phytosanitaires un enjeu pressant pour le monde agricole. C’est pourquoi les projets Dephy Expe permettent de concevoir et d’éprouver des systèmes innovants répondant à ces enjeux, et d’évaluer leur faisabilité pour les agriculteurs. Plusieurs d’entre eux ont choisi de se focaliser sur les herbicides, mais pas seulement.

Projet Reduce : entre baisse des herbicides et diminution du travail du sol

« Nous arrivons davantage à nous passer de fongicides et d’insecticides que d’herbicides, dans les systèmes en travail du sol très réduit », explique Mélanie Lobietti, chargée de mission pour la chambre d’agriculture d’Occitanie, et référente du projet Reduce. Ce dernier vise à réduire l’usage des produits phytosanitaires, et notamment les herbicides, tout en limitant le travail du sol pour préserver la biodiversité et stocker le carbone. Pour ce faire, l’expérimentation a été conduite de 2018 à 2024 par la chambre d’agriculture d’Occitanie, Arvalis, Inrae, et chez des agriculteurs, par des conseillers des chambres du Tarn, du Tarn-et-Garonne et de l’Aude.

Reduce suit une dizaine de systèmes de culture : conventionnel, en agriculture biologique, sans S-métolachlore mais avec du glyphosate en dernier recours, sans S-métolachlore ni glyphosate, et avec 50 % de réduction des autres phytos, ou sans phytos. Quant au travail du sol, il va du labour régulier ou occasionnel à l’agriculture de conservation des sols. « L’objectif n’était pas d’identifier un système type, mais une combinaison de leviers ou de règles de décision qui fonctionnent », déclare la responsable du projet.

Difficile d’atteindre plusieurs objectifs simultanément

Les résultats montrent que des baisses d'utilisation des phytosanitaires sont possibles, variant entre 4 % et 45 %, et une gestion des adventices particulièrement complexe. Si le binage s’est montré efficace dans les cultures adaptées, sa mise en œuvre reste limitée par les conditions climatiques. L’introduction de couverts végétaux en interculture a également contribué à la gestion des adventices comme le ray-grass. L’ajustement à la baisse de la fertilisation minérale constitue une piste en cours d’étude par les chercheurs. La réduction du travail du sol a entraîné une augmentation des passages mécaniques, qui se traduit par une hausse des coûts de mécanisation (+ 50 €/ha dans le cas d’un système innovant d’Arvalis) et une augmentation du temps de travail (pour certains systèmes, jusqu’à 6 à 7 heures/ha contre 3 heures/ha dans les systèmes de référence).

« L’étude met en évidence la difficulté de concilier des objectifs forts de diminution de l’utilisation de phytos, de réduction de travail du sol et la multiperformance, avance Mélanie Lobietti. La réduction de l’utilisation des herbicides (en particulier du glyphosate et S-métolachlore) reste difficile dans certaines situations et dès que la possibilité d’un usage « en ultime recours » est offerte, le recours occasionnel devient le plus souvent systématique. »

System-Eco+, la réduction des phytos et l’impact carbone

Dans le Nord de la France, le System-Eco+ étudie la diminution de présence de substances actives dans l’environnement, suite à la baisse d’IFT, ainsi que l’incidence de cette réduction sur les émissions de gaz à effet de serre (GES). Le projet, qui faisait suite au projet Dephy Expe System-Eco-Puissance4, est porté par l'unité expérimentale grandes cultures innovation environnement (GCIE) d’Inrae, et l'UMR BioEcoAgro. « Souvent, les essais expérimentaux sont focalisés sur un enjeu, explique Joël Léonard, chercheur au sein de l’unité mixte de recherche BioEcoAgro d’Inrae. Beaucoup de travaux existent sur la réduction de l’usage des produits phytos, mais là, nous avions une opportunité de combiner cet enjeu avec le stockage du carbone dans le sol et l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre. »

Sept systèmes de culture sont comparés, quatre en céréales et trois en betteraves ; deux sont des systèmes de référence et cinq de rupture. « Nous avons identifié des indicateurs pour évaluer la performance de ces systèmes, explique Sébastien Darras, de l’Unité Expérimentale GCIE et référent du projet. Mesures des IFT, rendements, marges, temps de travail mécanique et manuel, et tout ce qui concerne l’environnement : balances azotés, fuites de nitrates, pesticides dans les sols et les eaux, et bilan GES. »

Des résultats encourageants, peu d’impact sur les émissions de GES

Les résultats sont encourageants : sur les systèmes qui ont vocation à réduire les IFT herbicides de 50 %, les chercheurs arrivent à - 60 %, et sur ceux visant -70 %, ils atteignent - 80 %. « Dans les systèmes les plus innovants, il nous a fallu introduire dans la rotation des cultures étouffantes comme la luzerne ou le chanvre » explique Sébastien Darras. Quant aux marges, sur le système le plus innovant, elles sont quasiment équivalentes à celles du système de référence. Le temps de travail mécanique est également proche, à 4h20 et 5h par ha, contre 4 h pour le système de référence. Le temps de travail manuel est en revanche plus élevé, à 3h20 par ha, contre 1h pour un système conventionnel.

« Il nous a été très difficile d’analyser l’impact de la réduction des phytos dans l’eau, pointe Joël Léonard, mais nous avons pu constater que dans les sols, les substances actives diminuent très rapidement. » Enfin, concernant les émissions de gaz à effet de serre et le stockage du carbone, aucune différence notoire n'a été observée entre les différents systèmes étudiés. « C’est plutôt une bonne nouvelle, pointe Joël Léonard. Cela signifie que la réduction des produits phytosanitaires n’impacte pas négativement le bilan carbone des exploitations. »

Si le projet Reduce s’arrête, les différents acteurs ayant fait le choix de se consacrer à d’autres expérimentations, System-Eco+ a demandé à être reconduit pour Dephy Expe 3, qui se déroulera de 2025 à 2031. « Nous envisageons de mieux intégrer le volet atténuation des émissions de gaz à effet de serre dans la conception des systèmes et d'évaluer les conséquences sur la biodiversité du sol, sujet peu abordé pour le moment », déclare Sébastien Darras.

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