La pulvérisation ciblée consiste à localiser les adventices et à ne traiter que ces dernières. La détection et l’application peuvent être réalisées en même temps, on parle alors de temps réel. Si cette technologie est principalement développée sur des pulvérisateurs neufs, les travaux menés sur des appareils modifiés a posteriori restent encore rares. Arvalis a testé sur ses Digifermes un pulvérisateur porté de 15 mètres de large rééquipé avec les capteurs de détection CarbonBee (placés tous les 3 m) et une régulation BBLeap qui permet de réaliser des applications on/off à la buse.
Les essais, réalisés sur maïs et prairie, montrent que cette technologie est opérationnelle sur des pulvérisateurs équipés a posteriori : les algorithmes détectent efficacement les adventices et les buses répondent avec précision. Une analyse multicritères montre une légère augmentation du temps de travail, mais une réduction de l'IFT herbicide jusqu'à 35 % pour une marge nette équivalente à un traitement en plein dès 25 % ou moins de surface traitée.
Des algorithmes corrects
Les travaux ont d’abord vérifié la capacité des capteurs à détecter les adventices. Le taux de détection, i.e. la qualité des algorithmes qui les localisent, a été évalué via des cartes extraites des matériels : il s’agit de vérifier que les points localisant les adventices sur la carte se confirment de visu sur le terrain avec un GPS de précision RTK.
Sur maïs, le taux de bonne détection est de 70 % (tableau ci-dessous). Les erreurs de détection proviennent essentiellement de faux-positifs (27 %), à savoir des plantes détectées comme des adventices alors qu’elles n’en sont pas. Ces erreurs conduisent à pulvériser une surface plus importante que prévue, mais elle le sera toujours moins qu’en pleine rampe. De plus, les faux-positifs ne provoquent pas le salissement de la parcelle.
Sur prairies, le taux de bonne détection des rumex est de 77 %, associé à 22 % de faux-positifs. En considérant toutes les adventices de la parcelle, l’algorithme atteint une performance de 92 % de bonne détection.
Les bonnes détections sont indiquées en vert.
Une réponse performante du pulvérisateur
Deuxième étape, il s’agit de vérifier que le pulvérisateur respecte les ordres donnés par les capteurs de détection. Pour cela, des capteurs de pression sont installés sur 16 buses contiguës de la rampe pour établir une carte d’ouverture/fermeture des buses. Cette carte est ensuite superposée à la carte de détection des adventices.
Sur les trois situations testées, le taux de correspondance entre adventices détectées / buses ouvertes et sa réciproque varie de 86 à 92 % (figure ci-dessous). Dans 2,5 à 4 % des situations, les buses étaient ouvertes alors qu’elles n’auraient pas dû l’être en l’absence d’adventices détectées. Cette erreur provoque la pulvérisation d’une zone plus importante, mais qui sera toujours moindre par rapport à un passage en plein.
En revanche, 6 à 10 % des situations sont problématiques : les buses restent fermées malgré la détection d’adventices. Une erreur du pulvérisateur qui augmente le salissement des parcelles.
Evaluation multicritères : quatre scénarios comparés
Afin d’évaluer l’intérêt technico-économique d’adapter un pulvérisateur existant pour la pulvérisation ciblée, la Digiferme de Saint-Hilaire-en-Woëvre (55) a servi de support pour une analyse multicritères avec l’outil Systerre.
C’est une ferme de polyculture – élevage comprenant 130 ha (prairie, maïs, colza, blé, orge) et 0,8 UTH. Elle dispose de peu de matériels et recourt fortement aux ETA/Cuma locales. La pulvérisation ciblée y est utilisée pour désherber les rumex en prairie et pour le désherbage de postlevée du maïs.
En comparaison d’une référence de traitement en plein avec un pulvérisateur traîné de 27 m en Cuma (scénario 1), trois scénarios utilisent ce même pulvérisateur équipé d’un système de détection en simultané, d’un montant de 3500 € HT par mètre linéaire. Le taux de surfaces traitées en maïs et prairies avec ce pulvérisateur modifié varie de 75 % (scénario 2), 50 % (scénario 3) et 25 % (scénario 4).
Un IFT herbicide réduit jusqu’à 35 %
L’évaluation multicritère montre que l’utilisation de la pulvérisation ciblée sur maïs et prairie implique une légère augmentation du temps de travail (tableau ci-dessous). En effet, la vitesse est réduite à 10 km/h (vitesse de réalisation des tests) d’où un débit de chantier plus faible.
L’IFT herbicide passe de 1,48 dans le scénario 1 à 0,96 dans le scénario 4. Les charges herbicides peuvent donc être réduites jusqu’à 44 €/ha. Cependant, le coût du passage du pulvérisateur (en prestation de service) est de 14,78 €/ha dans le scénario de référence, contre 30,46 €/ha dans les scénarios utilisant les capteurs CarbonBee. De ce fait, la marge nette avec aides est inférieure de 5 €/ha à celle de la référence avec 75 % de surface traitée (scénario 2), mais redevient équivalente avec 25 % de la surface traitée (scénario 4).
Les indicateurs de consommation d’énergie, les émissions de gaz à effet de serre et la production d’énergie brute sont peu modifiés, quels que soient les facteurs étudiés.
Auteurs : Caroline Desbourdes, Benjamin Perriot (Arvalis).