Circuits courts : pourquoi/comment innover

Innover en circuits courts
Des méthodes existent pour aider les producteurs en circuits courts à innover. (©Jérôme Rommé, Adobe Stock)

Les raisons d’innover en circuits courts sont nombreuses, pointe Morgane Talidec, conseillère « circuits courts » à la chambre d’agriculture du Morbihan (elle a été experte en innovation culinaire pendant 10 ans dans l’agroalimentaire puis dans de plus petites entreprises artisanales, des conserveries familiales et des fermes).

Plusieurs raisons d’innover

Elle détaille : « Se différencier auprès de sa clientèle, de plus en plus de producteurs se tournant vers ce mode de commercialisation, apporter de la valeur ajoutée à l’exploitation, et donc davantage de marge, ou encore conquérir de nouveaux marchés et/ou clients. » En un mot, cela permet de « se développer ». « C’est un état d’esprit à acquérir », poursuit la jeune femme. Le but peut être aussi de relancer un produit en déclin avec, toujours en ligne de mire, la plus-value à retirer.

Un état d’esprit.

Qu’est-ce qu’une innovation ?

Le Larousse la définit comme « l’ensemble du processus de la naissance d’une idée jusqu’à sa matérialisation ». C’est-à-dire « le lancement d’un produit, en passant par l’étude de marché, le développement du prototype et les premières étapes de la production… », explicite Morgane Talidec. Avec pour objectif de « répondre à un nouveau besoin ou de manière nouvelle à un besoin existant », insiste-t-elle.

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Connaître ses clients et leurs besoins

« On trouve alors plus facilement des solutions, une nouvelle offre, à leur proposer », estime-t-elle. Pourquoi pas réaliser des portraits-robots, un par type de clients, précisant leur âge, situation familiale, classe socio-professionnelle, habitudes de consommation, budget…, suggère-t-elle, ajoutant : « Plus vous irez loin, plus vous serez précis, et mieux vous caractériserez leurs besoins mais aussi leurs envies, attentes, convictions, en termes de produits, conditionnements (paquets, vrac…), portions (individuelle, familiale…), modes et durées de conservation, rythmes et lieux d’achat (un seul ou plusieurs ; à la ferme, au marché, distributeur…). » Sachant que certaines caractéristiques ainsi mises en avant peuvent se retrouver dans plusieurs profils de consommateurs.

En guise d’illustration, la conseillère prend l’exemple fictif de Caroline, maman de trois enfants de 3 à 12 ans, faisant uniquement ses courses le samedi matin. Elle a envie qu’ils consomment des produits de qualité sans devoir, escompte-t-elle, passer trop de temps dans les magasins. Et elle est convaincue des bienfaits d’une consommation locale sur la santé, l’environnement, le porte-monnaie. Elle a donc besoin d’un moyen d’approvisionnement efficace, le regroupement d’une offre de proximité, mais diversifiée, en un endroit unique pourrait lui correspondre.

Observez et écouter votre clientèle !

Globalement, Morgane Talidec classe les attentes/valeurs des clients en quatre catégories :

  • le produit : « on achète avec nos cinq sens », résume l’experte.

Il est question ici de la texture, du goût, de la présentation, du temps à consacrer…

  • l’achat : « plus le produit est simple à trouver, plus on revient. »

On s’intéresse là au lieu, à l’offre proposée, à sa disponibilité…

  • le budget : « le porte-monnaie décide. »

La personne regarde-t-elle le prix à la pièce ou au kilo, un critère qui dépend des générations ? Accorde-t-elle de l’importance aux services et à l’histoire autour du produit ? Si tel est le cas, « il est envisageable d’augmenter légèrement les tarifs ». « Même si votre production n’est pas labellisée, si vous racontez que vous nourrissez les animaux avec les céréales de l’exploitation, cela peut faire sens auprès de votre clientèle. »

  • l’éthique : « attention, le coup de cœur peut tout changer ».

Le produit sollicite-t-il suffisamment les valeurs de la cible au niveau méthodes de production et de transformation (agriculture bio, raisonnée, locale), santé, plaisir… ? « L’essentiel n’est pas de disposer d’un label pour vos produits, reprend Morgane Talidec, mais d’expliquer comment vous les produisez et transformez. Aujourd’hui, c’est très important pour les consommateurs. »

« Observez les réactions de vos clients, écoutez leurs remarques, et s’ils ne se livrent pas spontanément, questionnez-les et faites-leur des propositions pour tester vos idées », exhorte-t-elle.

Attentesvaleurs des clients en circuits courts
Attentes et valeurs des clients en circuits courts. (© Chambre d'agriculture Bretagne)

Trouver des idées

La jeune femme prend ici « l’image d’une boîte à outils avec, comme premier instrument à intégrer, la curiosité pour s’inspirer d’autres producteurs, magasins, voire secteurs d’activité. » Ou tout simplement, via vos réseaux d’échange classiques entre agriculteurs, même s’ils concernent d’autres thématiques. Presse papier, émissions radio spécialisées ou non, podcasts, vidéos et webinaires, réseaux sociaux… autant utiliser tous les médias disponibles pour trouver de l’inspiration dans des initiatives locales, régionales, nationales, et mieux appréhender les tendances de consommation. Autrement dit, il s’agit de « faire de la veille ».

Puis « la rigueur » pour apporter de « la méthodologie » et « gagner en efficacité ».

Et testez-les auprès des clients !

Elle s’appuie alors sur une autre métaphore imagée, celle d’un escalier avec en haut un objectif clair à se donner, en un temps imparti, se résumant en une phrase (par exemple : « trouver d’autres modes de commercialisation pour accroître sa clientèle »), en gardant à l’esprit que l’innovation doit répondre à un besoin. Pour l’atteindre, chaque marche correspond à une étape qu’il faut franchir une à une, sans chercher à en sauter car « vous n’y arriverez pas plus vite, au contraire » :

- réfléchir pour construire son objectif en fonction de ses motivations

- écouter les consommateurs pour savoir pourquoi ce besoin (une étude de marché peut être judicieuse)

- choisir ses critères de décision pour sélectionner la bonne idée

- créer sans contrainte (« ce n’est pas grave si ça va dans tous les sens »)

- classer par grandes thématiques en fonction de critères communs

- rédiger (des phrases concepts à partir des besoins, idées, critères ; ex. : « pour trouver de nouveaux clients, j’ai l’idée de proposer des commandes livrées en points relais »)

- évaluer (« les phrases concepts aident à faire le tri pour éliminer ce qui est farfelu, infaisable…, de même que l’analyse de ce qu’il faut mettre en place »)

- tester la ou les deux idées qui ressortent, voire les prototypes, auprès de vos clients, ou d’un panel de consommateurs que vous ne connaissez pas pour plus d’impartialité, dans des magasins, des salons, en ligne, sans hésiter à revenir en arrière en reprenant une autre idée ou un autre besoin. « Plus vous allez tester en amont, plus vous serez sûr du succès de votre produit/service, recommande Morgane Talidec. Pour l’aspirateur Dyson, il y a fallu 370 tests ! ». Bien sûr, si ces essais requièrent des investissements substantiels, des alternatives sont envisageables comme rencontrer d’autres producteurs ayant mis en œuvre une innovation similaire.

« Que des verbes d’action pour l’être en permanence ! », résume la spécialiste qui met en garde : « Certaines phases sont plus longues, l’innovation prend du temps ». Elle conseille donc de faire un plan d’actions avec un calendrier, sans hésiter à prioriser, décaler voire renoncer à certaines choses. Cet escalier peut aussi prendre la forme d’un entonoir, suggère-t-elle, pour partir d’une réflexion la plus large possible, et la restreindre tout au long du processus. « Proposer quelque chose qui vous plaît, aussi extraordinaire que cela puisse être, ne sert à rien si ça n’a pas de sens pour vos consommateurs, prévient-elle. Vous risquez de perdre du temps et de l’argent. Il faut toujours se demander à quoi l’innovation va servir. »

L escalier des étapes de l'innovation.
L'innovation peut être imagée par un escalier avec des marches à franchir - les étapes - pour atteindre son objectif. (© Chambre d'agriculture Bretagne)

Se faire accompagner

D’où l’importance, pour les agriculteurs en circuits courts, de se faire accompagner. En plus de leur apporter des méthodes pour favoriser l’innovation, le service de la chambre d’agriculture, dédié à ce mode de commercialisation, dispense des conseils et des formations, individuellement ou collectivement, à toutes les phases de développement du projet : étude de marché, élaboration de recettes, recherche de fournisseurs, préparation de rendez-vous commerciaux, simulation d’entretiens, etc. Voire donne des « coups de boost » quand c’est nécessaire.

L’étude de marché, essentielle !

L’experte rappelle que l’étude de marché notamment est cruciale pour répondre à un vrai besoin du marché et identifier les clients potentiels (2/3 cibles), car « il faut être sûr de réussir à vendre » : « elle ne vise pas seulement à définir le potentiel en termes de volumes, mais à avoir le vocabulaire qui convient auprès des prospects, à récupérer les bons verbatims et à prévoir des solutions alternatives si la voie envisagée n’aboutit pas. » Elle cite le cas de la vente en magasin de producteurs qui, si jamais elle ne fonctionne pas, peut être remplacée éventuellement par la restauration collective. « L’étude de marché peut être un levier de différenciation et de conquête », précise la conseillère. Elle aide à rencontrer des prospects, trouver un positionnement pour son offre et à calculer le prix de revient pour être rentable. Surtout, elle est très regardée par les banques.

Ensuite seulement, peuvent s’envisager l’élaboration des recettes (chez soi ou par un laboratoire prestataire), le choix des emballages, des moyens logistiques, des partenaires (il existe un annuaire des circuits courts), des financeurs (banques, Conseil régional, Miimosa)… Et n’oubliez pas de communiquer autour du lancement de votre produit ou service ! Cela le fera connaître et pour cela, vous pouvez aussi participer à des concours de produits fermiers. « L’essentiel reste d’oser innover », conclut Morgane Talidec.

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