En circuits courts : connaître les tendances de consommation pour mieux vendre

Circuits courts produits locaux
On observe actuellement une tendance à la double relocalisation de la consommation et de la production. (©Curios, Adobe Stock)

Sans surprise, l'inflation impacte fortement la consommation alimentaire, en 2023 comme 2022 : sur un an, elle grimpe de + 12,2 % et sur deux ans, de + 21 %. Avec, pour première conséquence, « la fragilisation d'une part croissante de la population », pointe William Guillo, chargé de mission "économie" à la chambre d'agriculture de Bretagne, pendant le forum des circuits courts(1)organisé par l'organisme du 11 au 13 juin 2024.

Et, par ricochet, une forte progression des marques de distributeurs premiers prix (+ 19,5 % en volume) et « le succès des marques qui entrent dans les circuits discount et/ou qui proposent des innovations à des prix proches ou inférieurs à ceux des MDD ». Un contexte qui explique le recul du bio, jugé trop cher, et du végétal.

Ainsi, la consommation alimentaire affiche un léger repli. Côté consommateurs, à l'image de la population française, ils vieillissent et leur nombre diminue, de même que la taille des foyers. « Ils sont de plus en plus zappeurs », poursuit William Guillo, les fidéliser devient plus compliqué. Pour contrôler leurs dépenses, ils diversifient les lieux d'achat, réduisent leur panier et limitent le gaspillage.

L'inflation impose de maîtriser les prix de vente

Par ailleurs, « ils passent moins de temps à cuisiner, le grignotage augmente » et ils mangent davantage à l'extérieur, en particulier les jeunes, avec un attrait marqué pour « le nomadisme et les cuisines d'ailleurs ». Bon à savoir pour les producteurs en circuits courts ! La fidélisation de la clientèle, la diversification des points de vente, l'offre de snacking et de produits portionnables (familles plus petites) sont autant de pistes de réflexion possibles.

Hors de l'alimentation, les Français compriment leurs achats dans le secteur de l'habillement, les sorties et « privilégient la seconde main ». Ces tendances de consommation, certes, sont macro-économiques et reflètent ce qu'il se passe en GMS, mais elles peuvent être utiles aux agriculteurs vendant en circuits courts. Le principal enseignement à en retirer étant, en effet, la nécessité de « maîtriser les prix de vente». 

Ce que confirme le deuxième observatoire de la consommation responsable ObSoCo, mené en 2023 pour l'année 2022. 43 % des personnes interrogées sont "obligées de contrôler leurs dépenses pour ne pas être à découvert en fin de mois". 16 % ne parviennent souvent pas à l'éviter et sont forcés de recourir au crédit ou de piocher dans leur épargne. Soit 59 % des sondés ayant des difficultés financières, comparé à 47 % deux ans plus tôt. 34 % "parviennent à boucler leur budget sans trop de contraintes" et 6 % "dépensent sans vérifier leurs comptes et sans jamais se retrouver à découvert". 

Acheter responsable = local en circuits courts

À noter également : l'environnement, même s'il perd trois points entre 2019 et 2022, reste une préoccupation majeure pour 73 % des répondants. « 56 % considèrent même la situation très préoccupante et appellent à un changement radical dans l'organisation de l'économie et de la société. » Autrement dit : « à consommer moins mais mieux. » Une « sobriété contrainte » pour les plus bas salaires, mais « choisie pour 65 % de nos concitoyens », fait remarquer William Guillo. 

Par ailleurs, lorsqu'on leur demande ce que signifie, pour eux, consommer de façon responsable, 43 % répondent "acheter des produits locaux en circuits courts ou s'approvisionner en direct chez les producteurs". Il y a donc une double relocalisation de la consommation et de la production. Pour 30 %, il s'agit plutôt d'une stratégie de gestion/optimisation de la consommation pour diminuer le gaspillage alimentaire, les déchets, les emballages.

Pourcentage similaire d'éco-responsables, aux achats écologiques, de saison et bio (moins de pesticides) ; comme de consommateurs pour lesquels cette notion de responsabilité implique de réorienter les besoins pour satisfaire les plus essentiels, luttant ainsi contre la surconsommation. Ce potentiel de consommation responsable, les exploitations agricoles en circuits courts doivent en tenir compte. « C'est même une opportunité, la demande étant supérieure au marché actuel », appuie le conseiller de la chambre d'agriculture.

La rémunération des producteurs n'est pas l'une des premières préoccupations

À l'inverse, seuls 10 % des participants de cette enquête l'associent à la qualité et la santé (produits naturels, sans additif...). Aussi étonnant : 7 % seulement pensent qu'elle amène à optimiser le pouvoir d'achat, afin de "pouvoir acheter plus ou moins cher". Que 4 % malheureusement ont en tête l'aspect social, la rémunération des agriculteurs et leurs conditions de travail entre autres. Une proportion identique évoque la durabilité : occasion, seconde main, réutilisation, réparation, recherche de produits résistants. Pour 2 %, cette responsabilité va de pair avec le rejet du modèle industriel mondialisé : les grands groupes sont "boycottés" au profit de l'autoproduction et autoconsommation.

Pour autant, consommer responsable s'avère "difficile" pour 60 % des Français, parce que 89 % notamment disent devoir "être plus attentifs aux prix depuis un an". Quelles répercussions pour les fermes en circuits courts ? « S'observent principalement des attentes en matière d'action, pour faciliter les achats responsables et les rendre accessibles financièrement, bien plus que sur la communication », met en avant William Guillo. Il faut que cette dernière soit « prudente, précise et sincère », ajoute-t-il. « Trop de consommateurs se sentent trompés dans ce domaine par les grosses entreprises. » Une « opportunité » là encore pour les exploitants agricoles, pour « aider à choisir parmi une offre pléthorique ». 

Améliorer l'accessibilté des produits

Pour compléter, il rappelle les principaux résultats du baromètre 2024 Kantar/Pour de bon, qui établit en quelque sorte le profil type des consommateurs en circuits courts 

- fréquence d'achat : une fois par mois (67 % ; + 6 % vs 2023 ; 72 % pour les 55-64 ans) ;

- motivation principale : le goût et la qualité (puis l'origine France, la relation avec les producteurs, leur juste rémunération ; dommage que l'origine France ait progressé au détriment de la rémunération) ;

- les freins : le coût n'est pas ressorti cette année, malgré l'inflation, ce que confirme l'étude de marché réalisée par une future productrice participant au forum des circuits courts ; savoir où se fournir est plus problématique, de même que le manque de points de collecte de proximité. Toutefois, l'accessibilité s'améliore significativement par rapport à 2023 ;

- les produits les plus consommés : fruits et légumes (81 %), fromage (52 %), viande (46 %).

Des éléments pouvant servir à affiner sa stratégie de commercialisation en circuits courts : productions concernées, lieux de vente (un accès plus facile et une offre regroupée sont recherchés), critères d'achat à prendre en compte (prioriser les aspects gustatifs et qualitatifs), etc. Cette dernière dépendant de chaque territoire : rural, urbain, touristique... Notons, en outre, que la fréquence de recours aux circuits courts demeure modérée. Dans tous les cas, une étude de marché est fortement recommandé.

Et le bio dans tout ça ?

Peut-être pourrait-il trouver un nouvel élan dans le local, estimé « important par 91 % des consommateurs de produits biologiques » selon l'Agence Bio, versus 85 % pour l'ensemble de la population française d'après le Crédoc. Pourtant, « en 2023, la part de productions locales varie de 30 à 40 % dans les épiceries alternatives de proximité » selon les sources (Réseau Vrac, enquête Bio Panel respectivement). En magasins bio, elle n'est que de 15 %. « Il est donc urgent d'allier bio ET local », lance William Guillo. 26 000 points de vente le font déjà, dont environ 400 magasins de producteurs et une centaine de fermes, des plateformes en ligne, etc.

Ils sont en concurrence directe avec les boutiques biologiques spécialisées qui, pour renforcer le volet local, pourraient adopter les bonnes pratiques suivantes : « éviter le local de "bonne conscience" mis en avant dès l'entrée du magasin, favoriser les produits phares comme le frais ou les fruits et légumes, les modes de transport écologiques en milieu urbain, les ingrédients locaux et non en provenance de l'Union européenne. » « L'avenir est aux mentions régionales, pour les marques nationales comme les MDD », anticipe le conseiller. 

Développer les services associés

Avant de conclure, sur cette mise en contexte du marché des circuits courts : « Leur intérêt n'est pas remis en question puisqu'il n'y a pas de baisse généralisée des ventes et des intentions d'achat. Il faut cependant se montrer vigilant car l'inflation a grévé les budgets. Si le local paraît être, cette année encore, un motif valable pour payer un peu plus cher, les agriculteurs doivent contenir leurs coûts. D'ailleurs, l'attrait de leurs concitoyens pour les circuits courts n'empêche pas certains de connaître des difficultés économiques. »

Il conseille ensuite de « suivre le déplacement de la valeur », toujours plus axée sur les services, le prêt à l'emploi, les plats traiteurs, que sur la matière brute. Dernier point de vigilance et non des moindres : la charge et l'organisation du travail, liée au fait d'exercer plusieurs métiers et de devoir en parallèle gérer une exploitation agricole. C'est pourquoi, l'analyse de la faisabilité est aussi primordiale que l'étude de marché.

(1) En Bretagne, 3 330 exploitations sont en circuits courts (1 ferme sur 6, + 22 % en 10 ans). Cela représente, chaque année, 1 installation sur 3, soit une centaine. 1/3 des structures sont en agriculture biologique (x 2,5 en 10 ans).

La plupart sont situées sur le littoral sud, le bassin rennais, de Saint-Malo, brestois et la presqu'île de Crozon, très peu dans le centre de la région (10 % et moins) (à titre de comparaison, à l'échelle de la France, les fermes en circuits courts se concentrent dans le sud-ouest, puis en Auvergne-Rhône-Alpes, Normandie et Bretagne, donc dans les zones touristiques également).

Les porteurs de projets ont en moyenne 33 ans, 50 % sont des femmes et 80 % sont installés hors cadre familial. Pour 54 %, la commercialisation en circuits courts est une création d'activité. La vente sur les marchés est majoritaire (46 %), devant celle en Amap (14,6 %), en points de retrait (7,4 %), magasins et marchés de producteurs / casiers fermiers (4 % et moins).

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