Le coco de Paimpol, coincé entre réglementation et tradition

Cultivé exclusivement dans le nord-ouest des Côtes-d'Armor, le coco, importé d'Argentine en 1928, bénéficie d'une appellation d'origine protégée (AOP). Et celle-ci oblige à faire une récolte uniquement à la main, qui fait travailler quelque 2.000 saisonniers. Mais un accord, passé l'hiver dernier sous l'égide des pouvoirs publics entre producteurs/employeurs et syndicats de salariés, bouleverse les habitudes : autrefois payés au poids ramassé, les saisonniers, appelés « plumeurs », le sont désormais au Smic, avec une obligation de rentabilité.

« Aucun salarié ne doit être payé au-dessous du Smic, y compris les saisonniers », martèle Jean-Edmond Coatrieux, secrétaire départemental de la CGT, qui participait aux négociations côté saisonniers. Selon lui, l'ancien système « permettait surtout de ne pas payer les gens à la valeur de leur travail ».

« On est déjà à quinze contrôles depuis le début de la récolte » qui dure d'août à octobre. « On essaye d'être réglo, mais faut pas nous faire des tartines », s'insurge pour sa part Hervé Guézou, producteur et responsable de la section régionale du coco de Paimpol à l'Union des coopératives de Paimpol et Tréguier (UCPT).

Auparavant, « chacun venait quand il voulait et était payé en fonction du poids ramassé », rappelle Didier Lucas, président de la FDSEA. Désormais « les gens sont payés au Smic mais doivent ramasser 18 kilos/heure. J'ai essayé une fois, ce n'est pas facile 18 kilos en une heure ! Celui qui n'y arrive pas, les producteurs ne le prennent plus ». « Du coup, ça éjecte des tas de gens », assure-t-il, notamment les retraités qui venaient pour un revenu d'appoint.

Dans un rapport de décembre 2016 que l'AFP s'est procuré, l'Inspection du travail explique que, sur un échantillon de 424 salariés, « le poids moyen de cocos plumés est de 114,8 kilos par salarié » pour 7 heures de travail, « soit un salaire horaire de 8,71 euros » quand le Smic était de « 9,67 au 1er janvier 2016 ». Et ce, sans majoration pour les dimanches ou les jours fériés. Le nouvel accord prévoit le ramassage de 126 kilos en 7 heures.

Des récoltes en baisse

La récolte, qui allait jusqu'à 12.000 tonnes dans les années 1970-1980, est désormais tombée entre 6.500 et 7.000 tonnes, selon Hervé Guézou. Et avec la nouvelle donne, certains agriculteurs envisagent d'arrêter la production. Hervé Guezou a lui choisi de réduire ses surfaces de haricots de 15 à 9 hectares cette année. Sur son exploitation à Pléhédel se côtoient une quinzaine de plumeurs : retraités, précaires et étudiants. Chacun apporte glacière, parasol, en-cas, ramassant les gousses blanchâtres sous une météo changeante. Mais compter ses heures n'est pas encore dans les mœurs des plumeurs, habitués à venir quand ils veulent, sans justifier de leurs absences.

Pour Gisèle, 78 ans, plumeuse depuis cinq ans pour compléter sa retraite, « hors de question de noter les heures » : « Je pars quand j'en ai marre ». Un autre est allé chez l'ophtalmologue sans prévenir, tandis qu'une lycéenne n'est pas allée au bout de sa journée, « trop dure ».

Pour sa récolte 2017, Hervé Guézou peine à recruter : « je ne peux compter exclusivement que sur mon noyau dur de retraités ». Pour autant, il n'emploie pas d'étrangers car « ils travaillent trop et dépassent les 200 kilos par jour ». « Comme on est sur des petits salaires, on a des abattements de charges, et si on dépasse les 150 kilos par tête, ce n'est plus intéressant », justifie-t-il. « Il y a ceux qui n'en font pas assez et ceux qui en font trop », résume Hervé Guézou pour qui, jusqu'en novembre, la récolte sera « un casse-tête ».

« Si les conditions de travail étaient meilleures, les gens resteraient », rétorque, lui, Jean-Edmond Coatrieux, qui souligne des conditions de logement souvent « indécentes ».

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