Mesurer l’impact de l’augmentation du prix des intrants n’est pas simple. La première étape est de distinguer la récolte 2022 et la récolte 2023.
40 à 55 % des charges de production sont concernées par la hausse des prix
Les principaux postes qui subissent (récolte 2022) ou subiront (récolte 2023) une augmentation en rapport avec le prix de l’énergie et/ou la disponibilité des intrants sont les engrais, le carburant, l’irrigation, le séchage, le stockage, ou encore les produits phytosanitaires. On peut y ajouter l’entretien/réparation (prix des pièces, logistique transport…) ou encore les travaux à façon (carburant). D’autres postes, comme les semences de certaines productions, pourront également augmenter pour la récolte 2023.
Selon les Observatoires1 des exploitations de grandes cultures gérés par Arvalis, les postes engrais, produits phytosanitaires, carburant, énergie pour l’irrigation et séchage représentaient, en moyenne sur 2018/2021, 30 à 35 % du total des charges2 pour les céréales à paille, 30 à 40 % pour du maïs « sec ou irrigué », et 27 à 30 % pour des pommes de terre en sec3. En élargissant aux postes pouvant être touchés par la hausse, cette proportion monte jusqu’à 40 à 55 %.
Quelques exemples chiffrés
Chaque exploitation a des niveaux de charges, de rendements, ainsi qu’une politique d’achat des intrants qui lui est propre. Pour donner un ordre de grandeur des enjeux, voici quelques exemples basés sur les Observatoires gérés par Arvalis, exprimés hors taxe (tableau ci-dessous). Mais, à chacun de faire ses propres calculs !
Une augmentation de 1 € du prix de l’unité d’azote (sans modifier les pratiques et les rendements moyens) entraîne, pour les céréales à paille, une augmentation du coût à la tonne de 23 à 26 €, jusqu’à 35 € pour un blé dur. Un incident climatique qui ferait baisser le rendement en blé tendre de 10 % entraînerait un coût supplémentaire imputable à l’azote d’environ 5 €/t. Pour le maïs, l’augmentation de 1 €/kg N entraînera une augmentation moyenne entre 19 et 23 €/t. Rappelons que le prix d’une unité d’azote sur les campagnes 2018 -2021 toutes formes confondues était environ de 0,8 €. Sur la campagne de récolte 2022, il a évolué entre 1,3 et 2,9 €/kg N.
Côté carburant, une augmentation de 0,5 € par litre de GNR entraîne une augmentation du coût de production de 4 à 6 €/t pour les céréales à paille et le maïs, et entre 1,5 et 2,5 €/t pour la pomme de terre. Sur ce printemps, le GNR s’est négocié jusqu’à 1,3 – 1,4 €/l.
Encore beaucoup d’incertitudes, surtout pour 2023
Aujourd’hui, un certain nombre de charges à l’hectare sont déjà fixées pour la récolte 2022. D’autres sont encore incertaines, elles dépendront du climat (par exemple la présence de maladie, le taux d’humidité à la récolte) et du coût de l’énergie. Le rendement sera également un élément déterminant pour évaluer les coûts de production en euros par tonne : à charges constantes, une variation de rendement peut entrainer une variation du coût de production de plusieurs dizaines d’euros.
Pour la récolte 2023, tout est à faire. Les prix actuels des intrants, lorsqu’il y a des propositions, montrent de fortes hausses. La hiérarchie actuelle du poids des facteurs de production sur les hausses à la tonne produite est la suivante : d’abord les engrais, viennent ensuite l’énergie pour le séchage, l’irrigation et le carburant, puis les produits phytosanitaires. Tout cela sans parler de disponibilité. Avec les premiers prix proposés actuellement sur les principaux postes cités ci-dessus, l’augmentation des coûts à la tonne pourrait se chiffrer à 75 voire 100 € pour les céréales, toutes choses égales par ailleurs.
Côté prix des productions, rappelons qu’actuellement les prix de trois campagnes sont cotés en prix spot : la fin de la récolte 2021, la future récolte 2022 et pour certaines cultures, la récolte 2023.
Entre l’augmentation des coûts et les niveaux de prix de marché, les repères changent
Faire ses propres calculs de coût de production et de marge est une première étape pour réfléchir à la commercialisation de la récolte 2022, à une éventuelle adaptation des pratiques ou encore un éventuel arbitrage entre la commercialisation et l’achat d’intrants pour la récolte 2023. Il est important pour chaque exploitation de faire ses propres estimations. Le risque climatique étant toujours présent, il est déterminant de le prendre en compte.
À noter qu’un « effet ciseau » des prix est possible : une situation où les charges restent élevées, voire continuent d’augmenter pour 2023, et des prix des productions qui baissent ! Les campagnes 2008 et 2009 sont un bon exemple, même si l’ampleur était moindre en ce qui concerne l’augmentation des charges.
Pour aller plus loin, un outil plus complet ImpactCoutProduction sera bientôt disponible en téléchargement. Il permettra d’aller jusqu’au coût de production et d’inclure l’aléa climatique avec une variation de rendement.
(1) Observatoire Arvalis/Unigrains (à partir de données CerFrance) et Fermothèque Arvalis
(2) ensemble des charges, y compris la rémunération de la main d’œuvre familiale - 100 % fermage et rémunération des capitaux propres.
(3) hors coût de stockage
(4) AGPB : association générale des producteurs de blé et autres céréales
(5) AGPM : association générale des producteurs de maïs