Comment vous est venue l’idée d’Agrilearn ?
Laurent Berizzi, fondateur et cogérant : « Formateur, chargé d’ingénierie formation en chambre d’agriculture, et marié à une agricultrice depuis plus de 20 ans, je connaissais bien la formation et l’agriculture. Je souhaitais renforcer mes compétences vidéo. J’ai trouvé un site en ligne et me suis inscrit. Une révélation ! J’ai tout de suite vu les avantages du digital. Le e-learning commençait seulement à voir le jour dans d’autres secteurs d’activité et n’existait pas encore ou très peu dans l’agricole. Or il peut être intéressant pour les exploitants. L’accès à la formation continue pour les agriculteurs n’est en effet pas toujours simple puisqu’ils sont souvent loin des centres de formation, peu disponibles et soumis à de multiples contraintes dont la météo.
Ma première formation en ligne, une révélation !
L’idée était de proposer de courts formats vidéo en faisant intervenir des experts indépendants, qui n’ont aucun produit à vendre, que leurs connaissances et compétences. J’ai fait appel, en premier, à une de mes connaissances, Yves Legay, spécialiste de la gestion des relations humaines. Un sujet pas très visuel ni pratico-pratique, contrairement aux techniques culturales par exemple. Je me suis dit que si on y arrivait avec les RH, tout pourrait marcher ! »
Présentez-nous la plateforme en quelques mots ?
Laurent Berizzi : « Agrilearn est une bibliothèque numérique visant à réunir les savoirs et savoir-faire agricoles. Elle s’adresse aux agriculteurs, aux porteurs de projets souhaitant s’installer en agriculture, aux conseillers, aux comptables… S’ils ont une question, ils doivent trouver la brique y répondant. L’enseignement agricole se sert beaucoup de nos modules. »
« Certains reprennent les basiques et d’autres permettent de se perfectionner. Les deux sont autant prisés. En compta par exemple, nous pensions que seuls les candidats à l’installation seraient intéressés par le bilan, le compte de résultat, etc. Nous nous sommes rendu compte que beaucoup d’exploitants cherchent à revoir les bases. Même chose pour les rations des animaux : ils ont envie de se réapproprier les outils qu’ils utilisaient à l’école. »

Agnès Grozellier, cogérante également aux côtés de Laurent Berizzi et Rose Lienhardt : « Nous travaillons désormais avec un réseau de 40 à 50 experts. Nous choisissons les sujets avec eux pour que l’offre soit aussi diversifiée que les compétences requises pour exercer le métier d’agriculteur et accompagner ces derniers vers les transitions agricoles nécessaires permettant d’allier respect des animaux et de l’environnement, rentabilité et revenu, bien-être des producteurs. Ils apportent le contenu, nous la pédagogie et le savoir-faire vidéo. De plus en plus, nous tournons sur le terrain, dans les fermes, pour être le plus concret et parlant possible pour les agriculteurs. »
Je suis agriculteur, comment choisir une session puis m’inscrire ?
Agnès Grozellier : « La plateforme est très simple d’utilisation : les formations sont classées par catégorie avec une recherche par mots-clés. 80 parcours sont disponibles en trois clics pour l’inscription, le paiement, puis l’accès. S’ils ont une demande particulière, les utilisateurs peuvent remplir le formulaire de contact ou nous appeler s’ils ont besoin d’un conseil. Nous nous occupons des démarches auprès de Vivéa – nous vérifions notamment que vous êtes éligibles, c’est-à-dire à jour de vos cotisations – pour une prise en charge financière quasi intégrale : pour un coût moyen de 400-500 €, le reste à charge n’est que d’une cinquantaine d’euros. »
Pourquoi la formation continue est essentielle ?
Agnès Grozellier : « Elle donne aux agriculteurs les moyens d’être autonomes, d’avoir la maîtrise de leur exploitation, de leurs choix. »
Être autonome et mettre de ses décisions.
Laurent Berizzi : « Elle leur permet d’être maître de leurs décisions, de savoir faire même s’ils délèguent, pour discuter d’égal à égal avec leurs partenaires, et les challenger. Cela ne veut pas dire qu’ils seront moins demandeurs de conseils, au contraire. »
Quels sont les avantages du digital ?
Laurent Berizzi : « Vous choisissez quand vous formez, juste au moment où vous rencontrez telle problématique par exemple – on est plus réceptif quand est confronté au problème – alors que des formations en présentiel, il n’y en a pas forcément dans l’immédiat. Vous pouvez le faire à votre rythme, en une seule ou plusieurs fois, en réécoutant certains passages, où vous voulez, dans votre bureau, votre tracteur… »
« Plus besoin de vous déplacer dans des centres de formation éloignés, souvent localisés en ville – on peut facilement mettre une heure pour s’y rendre et une autre pour revenir – à des périodes pas toujours compatibles avec les travaux agricoles. Autre avantage : les parcours sont découpés en courts modules d’une dizaine de minutes qui s’adaptent à la vitesse d’apprentissage de chaque apprenant. La rapidité comme les façons d’apprendre sont en effet très hétérogènes d’une personne à l’autre. »
Une fois qu’ils y ont goûté, ils reviennent !
Agnès Grozellier : « À savoir : les vidéos sont complétées par des quiz pour vérifier les acquis et des supports écrits pour avoir une trace facilement consultable : livrets pédagogiques, articles de synthèse… »

Laurent Berizzi : « Une fois qu’ils y ont goûté, ils reviennent : le taux de retour parmi les exploitants agricoles atteint 65 %. Les principaux avantages qu’ils nous remontent : ne pas avoir à se déplacer, la disponibilité des contenus à vie, la qualité des intervenants. »
Des contraintes ?
Agnès Grozellier : « Nous avions quelques craintes au début quant à la stabilité du réseau en milieu rural. Mais en réalité, ça fonctionne bien, il suffit seulement de couper parfois la caméra. Et les agriculteurs, quel que soit leur âge, se débrouillent plutôt bien avec les nouvelles technologies. »
Des visios collectives pour échanger entre pairs.
Laurent Berizzi : « Ce qui pourrait manquer, et que les exploitants apprécient particulièrement en présentiel : les échanges entre collègues et avec les experts. Une confrontation de points de vue qui fait également progresser. C’est pourquoi nous organisons quelques visios collectives, entre 12 et 14 h, créneau qui semble convenir le plus aux producteurs, mais nous peinons quand même parfois à réunir suffisamment de monde. »
« Un suivi individuel peut être également sollicité incluant un contact direct avec les experts et un accompagnement d’Agrilearn. Par ailleurs, l’e-learning et notre plateforme ne sont pas encore très connus dans le monde agricole. C’est le principal frein que nous essayons de lever en communiquant dans la presse, sur les réseaux sociaux, Youtube en particulier, via des newsletters. Nous apprenons sur le tas, mais c’est un autre métier, sur lequel nous devons monter en compétence. »

Combien d’agriculteurs formés chaque année ? Quels profils ?
Laurent Berizzi : « Sur 2 300 stagiaires, un chiffre augmentant de 30 % tous les ans, 350 environ sont agriculteurs. Toutes les tranches d’âge sont représentées mais le public est pour les deux tiers féminin, sans doute parce que le distanciel permet plus facilement de concilier la formation, leur travail sur l’exploitation et la vie de famille. Nous avons plus d’éleveurs/éleveuses que de céréaliers/céréalières. Les thématiques privilégiées : la santé et le bien-être animal, ainsi que les approches alternatives, assez logiquement, les femmes y étant souvent plus sensibles et désireuses de faire évoluer les pratiques. »
Agnès Grozellier : « Nous aimerions toucher les jeunes en parcours d’installation agricole mais la réglementation et les financements associés sont complexes et évoluent régulièrement. Ils ont une telle masse de choses à apprendre en parallèle des nombreuses démarches à effectuer. Pouvoir se former à distance serait un atout pour eux. »
Laurent Berizzi : « Parce qu’ils auront à gérer une entreprise, c’est le moment propice pour revoir leurs connaissances en gestion, comptabilité, etc. »