Selon les données de l'Agence géologique américaine (USGS), la profondeur du fleuve légendaire à Memphis (Tennessee) est plus faible qu'elle n'a jamais été depuis que l'USGS publie des informations sur cette région, soit 2011.
Cette situation est essentiellement due au manque de pluie, en particulier dans les États du Kansas, du Nebraska, du Dakota du Sud et du Nord, où coule le Missouri, l'un des principaux affluents du Mississippi.
Dangerously low water levels in the Mississippi River are causing barges, tug boats, and recreational boaters to be stuck in the mud and sand. Take a look:pic.twitter.com/aVHJZHDOG7
— Steve Hanke (@steve_hanke) October 8, 2022
La division du génie de l'armée américaine a procédé à des opérations de dragage d'urgence pour permettre aux barges de circuler.
« C'est une période très délicate avec les récoltes en cours, la pire pour faire face à un niveau très bas » des eaux du fleuve, a expliqué Deb Calhoun, vice-présidente du Waterways Council, qui promeut la bonne gestion des cours d'eau, barrages et écluses.
La récolte de blé d'hiver a, en effet, été achevée début août et celle de maïs bat son plein, ce qui augmente, comme tous les ans, les quantités à transporter.
Selon des chiffres du ministère américain de l'agriculture (USDA), environ deux tiers des céréales exportées par voie maritime depuis les États-Unis l'ont été à partir du Golfe l'an dernier, le plus souvent après transport sur le Mississippi.
Une barge peut transporter un volume équivalent à 15 wagons de fret ferroviaire et 60 semi-remorques, selon l'American Waterways Operators, qui représente le secteur.
« À cette époque de l'année, on voit généralement 40 barges ou plus en file, poussées par un remorqueur », a rappelé Deb Calhoun. « Mais en ce moment, c'est plutôt 24 ou 25 à la fois, selon le niveau de la rivière. » « À ce stade, on espère simplement beaucoup que la pluie arrive », a-t-elle ajouté. Quelques précipitations étaient attendues ce week-end en Arkansas, dans le Tennessee et le Mississippi.
Update on the Lower Mississippi as more than 180 boats (north and southbound combined) pushing nearly 2900 barges wait in an epic traffic jam near Stack Island MS
— Susan David (@SusanNOBULL) October 7, 2022
Keep an eye on export inspections bc the logjam is about to become very apparent??https://t.co/WJD6hEzcCd pic.twitter.com/bWTIVctsnj
Tensions sur les marchés agricoles
« Le bas niveau du Mississippi va clairement affecter les exportations », prévient Virginia McGathey, de McGathey Commodities Group.
Selon l'USDA, le prix de transport de matières premières agricoles par barge a été multiplié par quatre depuis fin août. « On est en train de s'exclure du marché à l'export avec ces prix », indique Michael Zuzolo, de Global Commodity Analytics and Consulting, selon lequel le maïs est particulièrement touché, avec un trafic par barge réduit de moitié.
La baisse des eaux du Mississippi intervient alors que la production et les rendements du blé, du maïs et du soja devraient être moins importants qu'anticipé, selon l'USDA.
Le ministère a notamment revu mercredi en baisse de 7 % son estimation pour la récolte de blé, par rapport à sa précédente prévision, publiée en septembre.
Le blé d'hiver a souffert, par endroit, d'une sécheresse persistante, en particulier au Texas, en Oklahoma, dans le Nebraska, le Kansas et Colorado, qui représentent plus de 50 % de la production américaine.
Selon l'analyste, du fait des perturbations sur le Mississippi, le marché est sous tension actuellement, et dans certaines régions, les prix au comptant (pour livraison immédiate) des matières premières agricoles sont sensiblement inférieurs à ceux des contrats à terme (pour livraison différée), faute de débouchés.
« Et cela va commencer à toucher le milieu du pays, qui n'est pas proche de cours d'eau, simplement car le stockage va devenir de plus en plus tendu parce que ça ne va pas à l'export par voie fluviale », détaille-t-il.
Cette mauvaise passe rappelle un épisode similaire survenu en 2012 et évoque, pour certains, une crise historique en 1988.
En 2012, raconte Deb Calhoun, des roches étaient devenues apparentes avec la baisse du niveau de l'eau, empêchant la circulation des navires. Il avait fallu l'intervention de la division du génie de l'armée américaine pour faire sauter ces pointes rocheuses et dégager la voie.
« On n'en est pas là cette année », dit-elle. « Mais si la pluie ne vient pas et que tout s'arrête, on étudiera la possibilité de libérer de l'eau du Missouri ou de réservoirs du nord. »