Face aux conséquences de la crise pour l’agriculture européenne, « la Commission a proposé un paquet qui, de mon point de vue, doit être vu comme une première étape », estime Anne Sander, députée européenne (PPE) membre de la commission agriculture. Certains secteurs ont été oubliés, comme le veau, pour d’autres les mesures financières ne vont pas suffisamment loin, par exemple en ce qui concerne la viticulture, explique-t-elle. Les raisons en sont principalement budgétaires : « On renvoie aux programmes nationaux, qui arrivent en fin de programmation. Cela créé des distorsions entre pays », sans compter que l’utilisation de ces fonds pour gérer la crise empêche leur investissement initialement prévu dans la modernisation des filières, regrette-t-elle.
Si le fait de renvoyer les États membres à des solutions nationales est « dans l’air du temps » et correspond aussi à une volonté apparente de renationaliser la Pac, « nous, nous voulons garder ce caractère commun », insiste Anne Sander.
Des outils non adaptés
Pour la députée européenne, qui intervenait lors d’une visioconférence organisée par l’Afja, le 19 mai, si la crise était difficilement prévisible, les outils pour la gérer ne sont pas adaptés. Ainsi, la réserve de crise, qui ponctionne chaque année 400 millions d’euros sur les aides directes, argent qui est ensuite rendu aux agriculteurs s’il n’est pas mobilisé, ne sera pas utilisée car les agriculteurs auront besoin de récupérer cet argent. « Il faut absolument la réformer », souligne Anne Sander, qui veut que ces 400 millions d’euros d’argent frais soient budgétés en début du programme et que le fonds devienne ensuite une réserve multiannuelle. « On l’a fait passer dans le règlement de transition », ajoute-t-elle, espérant que les discussions en trilogue vont entériner cette évolution.
Aujourd’hui, le budget agricole est limité. Pourtant, l’agriculture « a été beaucoup malmenée et subit la crise de plein fouet, avec des marchés qui se sont complètement fermés, et des habitudes alimentaires qui ont évolué. Il faut un grand plan de financement et de soutien pour 2021 », défend la députée, consciente que d’ici la fin de l’année, il n’y aura pas de financement supplémentaire.
Un cadre financier pluriannuel ambitieux malgré le plan de relance
Face au Covid, la Commission prévoit cependant un plan de relance. « Notre principale crainte est que le CFP, le cadre financier pluriannuel (NDLR : qui fixe les limites des dépenses de l'UE dans l'ensemble et aussi pour différents domaines d'activité, et sur lequel il n’y a pas encore eu d’accord au niveau européen) soit réduit et contraint, et que le paquet soit mis sur plan de relance. Or, ce dernier ne se fera pas dans le cadre du CFP et échappera au contrôle du Parlement. Il faut garder un CFP ambitieux, et il faut un plan de relance mais dans le cadre du CFP pour que le Parlement soit associé ». Lors des dernières discussions, les propositions pour le budget européen étaient de 1 134 milliards d’euros, (proposition de la Commission), 1 300 milliards d’euros (proposition du Parlement) et de 1 000 milliards d’euros (proposition du Conseil).
Concernant le plan de relance, la proposition de la Commission devrait être présentée le 27 mai. Emmanuel Macron et Angela Merkel ont proposé hier de lever une dette commune sur les marchés pour utiliser 500 milliards d’euros d’aides, pour financer les secteurs et les régions les plus fortement touchés par la crise. Il leur faut désormais obtenir l’accord des 27 pays européens...
Pour la première fois ensemble, avec l'Allemagne, ce que nous proposons aux 27 pays membres de l'UE, c'est de lever une dette commune sur les marchés, d'utiliser 500 milliards d'euros d'aides pour financer en priorité les secteurs et les régions les plus touchés par la crise. https://t.co/0IGaRLD5WB
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 18, 2020