Créé par la loi de modernisation de l’agriculture en 2010, après la grave crise agricole l’année précédente, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires a publié son quatrième rapport ce 21 avril 2015. Pour Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, ce rapport est devenu un document de référence pour les acteurs de chaque filière.
Mais selon le président de cet observatoire, Philippe Chalmin, l’année 2014 est surtout un cas d’école pour comprendre, à travers la décomposition des prix d’un certain nombre de produits alimentaires représentatifs, comment le recul généralisé des prix agricoles a été intégré par les filières, du champ à l’assiette.
La baisse de quatre centimes du prix de la farine pour fabriquer un kilo de pain n’a pas empêché le prix de ce dernier, payé par le consommateur, d’augmenter d’un centime ! En fait, les quatre centimes gagnés aux dépens des céréaliers, ont permis au meunier et au boulanger d’accroître chacun leur marge de 2 centimes. Sur quatre ans, la marge du meunier a progressé de 7 centimes et celle de l’artisan de 2 centimes alors que les comptes de résultats des céréaliers ont, entre-temps, viré au rouge. L’an passé, le coût de revient de la tonne de blé était de 200 €, rémunération du céréalier comprise (sur la base d’1,65 Smic) pour un prix de 175 € (aides + prix moyen) !
Les agriculteurs en première ligne
Selon Philippe Chalmin, les acteurs de la filière amortissent l’évolution des prix agricoles en rognant sur leurs marges quand les prix agricoles sont élevés et les redressent lorsqu’ils sont faibles. Mais cette évolution traduit une inélasticité grandissante des prix à la consommation alors que les agriculteurs, soumis aux marchés mondiaux, sont victimes de la volatilité de leurs marges.
La grande distribution tire aussi son épingle du jeu de cette volatilité. Même si les chiffres dont dispose l’observatoire datent de 2013 et partiellement de l'an passé, compte tenu de la difficulté de traiter les données disponibles, il ressort, que la baisse des prix agricoles aurait contribué à redresser les marges nettes de la grande distribution pour les produits de base retenus, marges qui restent malgré tout très faibles. Les hyper et supermarchés comptent sur les produits alimentaires les plus élaborés, dont la part des produits agricoles dans le coût de fabrication est minime, pour dégager des profits plus importants.
C’est le manque d’organisation des agriculteurs qui les rend aussi vulnérables face à la volatilité des prix agricoles mais surtout l'absence d’outils de régulation des prix et de la production agricole. Pour Philippe Chalmin, les conséquences de leurs fluctuations « posent en filigrane le problème de l’avenir du modèle agricole français de l’exploitation familiale et de sa transmission aux générations futures ». Sans être un ardant défenseur du gigantisme, une rationalisation des structures de production autour d’unités de production plus importantes s’impose. Quitte à mettre en commun des moyens de production, par exemple en créant des Giee.
Jouer collectif
Pour Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, la solution à la volatilité des prix et à la précarité des revenus des agriculteurs est justement le collectif mais aussi la mutualisation avec le développement d’outils assurantiels pour préserver les outils de production. L’accroissement inconsidéré de la taille des exploitations agricoles est aussi source de vulnérabilité, selon le ministre. Il détruit des emplois agricoles sans renforcer la sécurité alimentaire de la population.
La décomposition des prix et des marges de la viande de bœuf, de volailles ou de porc aboutit aux mêmes conclusions puisqu’aucune des filières n’est épargnée par la baisse des prix agricoles.