Avec 1 946 tonnes par an, « le S-métolachlore est l'une des substances actives herbicides les plus utilisées en France », explique l'Anses, essentiellement dans les cultures du maïs, du tournesol et du soja. Après usage dans les champs, cette substance se dégrade en des dérivés chimiques, des « métabolites », qui se retrouvent dans les sols, les eaux de surface et eaux souterraines.
Récemment, « lors des contrôles des eaux souterraines destinées à la consommation humaine, trois métabolites du S-métolachlore ont été fréquemment détectés à des concentrations dépassant les normes de qualité » fixée par la législation européenne, poursuit l'agence sanitaire. En conséquence, l'Anses annonce qu'elle « engage la procédure de retrait des principaux usages des produits phytopharmaceutiques à base de S-métolachlore », dont un certain nombre sont commercialisés par Syngenta, le poids lourd allemand du secteur.
Les fédérations et associations représentant les producteurs de blé et céréales (AGPB), de maïs (AGPM), d'oléagineux et protéagineux (FOP), de pommes de terre (UNPT) et les planteurs de betteraves (CGB) ont réagi dans un communiqué en faisant part de leur « inquiétude face aux retraits successifs des molécules essentielles à la production agricole et au maintien de filières compétitives. »
Après la fin de la dérogation qui autorisait les néonicotinoïdes annoncée fin janvier, « cette fois, c'est un herbicide majoritairement utilisé par les producteurs de grandes cultures pour lutter contre l'impact des adventices (mauvaises herbes sur les rendements) qui est menacé d'interdiction, et qui s'ajoute à la longue liste des moyens de production retirés progressivement aux agriculteurs », dénoncent les associations.
Mais « la décision définitive est en cours », a précisé une porte-parole de l'agence. L'interdiction des principaux usage de ces désherbants ouvrirait un « délai de grâce » permettant la vente des produits pendant encore 6 mois et leur utilisation pendant 12 mois, selon l'Anses.
Sur ce dossier, l'agence sanitaire est sous pression de l'ONG Générations Futures et d'élus en Bretagne, qui lui avaient reproché cet automne de revoir à la baisse le risque sanitaire du métolachlore-ESA et du métolachlore-NOA, deux métabolites du S-métolachlore. Après un rapport non-satisfaisant en 2021, l'Anses avait déjà « introduit des mesures de restriction dans les autorisations de mise sur le marché des produits à base de S-métolachlore, en particulier une réduction des doses maximales d'emploi pour le maïs, le tournesol, le soja et le sorgho ». « Malgré ces mesures de durcissement, les concentrations des trois métabolites du S-Métolachlore sont en situation de dépassement des seuils réglementaires », relève l'Anses.
En France, le plan Ecophyto, révisé en 2018, s'est donné comme objectif de réduire de 50 % l'usage des produits phytopharmaceutiques d'ici à 2025. En 2021, hors produits autorisés en bio et solutions de biocontrôle (utilisant des mécanismes naturels), environ 43 000 tonnes de produits phytosanitaires ont été vendues en France, selon des données provisoires du ministère de l'Agriculture, soit 19 % en dessous de la moyenne 2012-2017.