Livrer toute sa récolte à la moisson à sa coopérative et percevoir le « prix moyen », Emmanuel Kerckhove ne le fait plus depuis longtemps. Lorsque cet ancien chauffeur routier s’est installé en 2003 sur l’exploitation de ses beaux-parents à Augy-sur-Aubois dans le Cher, entre Bourges et Moulins, il a tout de suite voulu « faire autrement ». « A mon installation, je vendais mes récoltes à ma coopérative. L’essentiel de la récolte était livré à la moisson. » Mais l’agriculteur veut gagner en indépendance. « Je me suis donc formé au fonctionnement des marchés à terme avec la Chambre d’agriculture. J’ai aussi appris en observant régulièrement l’évolution des marchés. » L’agriculteur commence alors à vendre ses productions d’orge, de blé et de colza à des courtiers.
Pour gagner en autonomie, le céréalier décide en parallèle d’investir dans des volumes de stockage. En plus du stockage à plat existant sur la ferme qu’il agrandit, il s’équipe de trois cellules de 350 t chacune. « Pour pouvoir décider de ses ventes, il faut pouvoir stocker à la ferme ou a minima faire stocker chez un OS »
Rapidement, le producteur décide d’ouvrir un compte marché à terme et d’intégrer un club ODA. Avec un conseiller, il définit chaque année une stratégie de commercialisation pour la prochaine récolte, en fonction de ses capacités de stockage et surtout de ses besoins en trésorerie tout au long de l’année. « J’établis un tableau de trésorerie, estime un prix de revient et définis un prix de vente objectif. »
Le temps, c’est de l’argent
S’investir dans la commercialisation des grains prend évidemment du temps. « C’est sûr, il faut accepter d’y passer quelques heures. Je lis tous les jours les lettres d’information, notamment sur les incidents climatiques en Europe et chez nos concurrents. Et une fois par semaine, je fais un point sur ma stratégie avec mon conseiller. » Au total, le céréalier estime passer environ une journée par semaine pour administrer l’exploitation et assurer les ventes.
Du temps qui, selon lui, rapporte. « Depuis que je stocke et que je vends en fonction des opportunités de marché, en prenant, le cas échéant, des positions de couverture sur les marchés à terme, j’ai augmenté mes prix de vente. En orge fourragère, j’arrive à obtenir jusqu’à 30 € de plus à la tonne par rapport au prix moyen. En blé, je vends toujours 10 à 20 € de plus », chiffre l’exploitant.
L’indépendance souhaitée par Emmanuel Kelckhove ne se traduit pas seulement pour ses ventes. Il effectue ses achats de produits phytos, d’engrais et de semences soit en passant par un groupement d’une vingtaine d’agriculteurs, soit par un négociant. « Quand on achète un matériel, on fait faire plusieurs devis en général. Pour mes achats et mes ventes, c’est la même chose. »
Pour sa commercialisation, l’agriculteur ne compte pas s’arrêter là dans sa stratégie d’autonomie. Il compte encore augmenter ses capacités de stockage, en s’équipant de nouvelles cellules, dont une sécheuse, pour conserver le grain dans de meilleures conditions.