« On avait une petite parcelle enclavée dans le village, entre les maisons et des haies. Ça devenait compliqué pour les traitements phytosanitaires, la largeur de la moissonneuse-batteuse et on cherchait à se diversifier », explique Adrien Anthrierens, agriculteur céréalier, installé avec son frère dans l'Oise. Ils rencontrent alors l’entreprise Paulownia Nature, basée à Caudray dans le Nord, et décident de se lancer dans la plantation de paulownias en mars 2024, sur 1,3 ha.
De multiples débouchés
Baptiste Mauviel a fondé Paulownia Nature il y a 6 ans. Lui-même agriculteur, il cherchait également à diversifier l’exploitation familiale. Des voyages en Espagne et en Italie lui ont permis d’en découvrir plus sur les spécificités du paulownia. « Cette espèce s’acclimate bien à notre climat tempéré et présente de nombreuses qualités : un bois imputrescible et très léger (densité de 270 kg/m3), sa structure en nid d’abeille lui confère toutefois un excellent rapport poids/résistance », met en avant l'entrepreneur.
« Il dispose aussi d’un point d’inflammabilité élevé. Alors que la plupart des essences brûlent dès 200 ou 220°C, lui ne s’enflamme qu’à partir de 400°C. Ce qui en fait un matériau sécurisant pour la construction et l’aménagement intérieur. » « Le bois de paulownia sert également dans la production de meubles, d’équipements sportifs (skis, planches de surf…), d’instruments de musique, etc. », ajoute Benjamin Carrion, autre co-fondateur de Paulownia Nature.
Grâce à ces différents débouchés, l’entreprise suit aujourd’hui 300 ha environ plantés en France et en Belgique. Elle est actuellement en partenariat avec un pépiniériste espagnol pour proposer trois variétés hybrides non-invasives adaptées. « On peut accompagner les projets du business plan jusqu’au rachat de grumes (contrats), en passant par la demande à la Dreal (pour les projets au-dessus de 0,5 ha), la vente de plants et le suivi technique. »
L'étape du recépage à ne pas négliger
Au préalable, une analyse de sol est toujours recommandée pour valider la faisabilité technique du projet. « Le pH idéal pour le paulownia se situe entre 5 et 8, et il faut privilégier les sols profonds et bien drainés. Une plantation en terrain hydromorphe n’est pas conseillée », précise Baptiste Mauviel.
Pour mettre toutes les chances de son côté, le spécialiste préconise aussi une bonne préparation de sol. À Haute-Epine, Adrien Anthierens a effectué « un labour d’hiver, puis un passage de herse rotative au printemps pour affiner le sol et un coup de rotovator dans les lignes. On a ensuite planté, nous-mêmes, les arbres tous les 5 x 5 m, aux alentours du 15 mars 2024, avec l’installation d’un bidim et d’un filet de protection contre les éventuels ravageurs », explique le producteur.
Il fait part d’une vigilance accrue les premières années, vis-à-vis des mulots notamment. « Les punaises et les taupins peuvent également être problématiques dans certaines situations, au début de la croissance du paulownia. Les chevreuils et les cervidés aussi. Dans certains cas, les producteurs installent des clôtures électriques autour de leurs parcelles. On passe régulièrement pour la gestion des gourmands aussi et s’assurer que tout se passe bien. » Le temps estimé sur la plantation est d’environ 30 h/ha/an les 3-4 premières années.
Parmi les points importants, l’agriculteur souligne l’étape du recépage, réalisée entre la 1ère et la 2e année, qui consiste à couper l’arbre à la base du tronc, à environ 5 cm du sol. « Il faut avoir confiance. Au début, ça peut faire peur », confie Adrien Anthierens. L’objectif est d’aller « chercher de la puissance racinaire pour produire un bois de qualité et avoir un tronc bien droit », indique Baptiste Mauviel. « Il faut être rigoureux ensuite dans le choix du rejet. À maturité, vers 10 ans, l’arbre peut atteindre jusque 15 m de haut. »
L’arrosage peut aussi être nécessaire en période de forte sécheresse et à la plantation. « En 2024, on n’a pas eu besoin de passer compte-tenu de la météo pluvieuse de l’année, mais en 2025, on est passé trois fois, avec une cuve de 1 000 l. On met environ 1h45 à 3 personnes, pour 1 ha », note Adrien Anthierens. Il relève aussi l’apport d’engrais nécessaire : 150 à 180 g/pied/an de 15-15-15 pour les deux premières années.
Une marge brute évaluée à 4 500 €/ha/an
Avec ses larges feuilles, « la variété Turbo Pro de paulownia, qui représente 95 % des plantations suivies, dispose d’une forte capacité d’absorption du CO2 : jusqu’à 55 kg/arbre/an, soit 10 fois plus qu’un certain nombre d’espèces forestières communes. Nous avons développé une méthodologie privée de certification carbone et via notre filiale Paulownia Turbo Carbon, nous accompagnons aussi les producteurs sur ce plan-là, avec l’achat des crédits carbone, la recherche de financiers et le montage des dossiers carbone », explique Lucile Mauviel, responsable de la gestion commerciale de Paulownia Nature.
« La demande de crédits carbone se prépare dès la 1ère année et cela permet de compenser les coûts d’implantation, qui s’élèvent à environ 4 400 €/ha, en attendant la coupe. »
La maturité de l’arbre est atteinte au bout d'envion 10 ans, c’est à ce moment-là qu’on peut intervenir pour la première coupe. Avec un prix moyen du paulownia à 140 €/m3, Paulownia Nature estime « un revenu de bois d’œuvre à environ 60 000 € HT/ha, desquels il faut déduire 10 000 €/ha de frais d’abattage/débarbage, et 5 000 € pour l’itinéraire technique et la main–d’œuvre ».
L’entreprise met ainsi en avant « une marge brute de 45 000 €/ha, soit 4 500 €/ha/an. Après la première coupe, le cycle du paulownia repart, sa durée de vie est estimée à 35 ans et les coupes suivantes peuvent intervenir plus rapidement (environ 6-7 ans) ». Si pour le moment, Paulownia Nature passe des contrats pour envoyer des grumes de paulownia en Espagne, l'entreprise espère créer à terme une filière locale et vise, pour cela, 300 ha de plantations supplémentaires chaque année en France.