Pas une crise, mais un « burn-out » agricole
Fin février, Marie-Laure Hustache, conseillère en communication spécialisée dans le secteur agricole, revenait sur la mobilisation des agriculteurs de fin janvier-début février 2024. Une crise agricole, dont la survenue et l’ampleur étaient prévisibles selon elle, parce qu’elle peut être assimilée à un burn-out. Les causes sont tout aussi profondes, avec des difficultés concrètes qui émergent et s’accumulent, sources d’un stress et d’une lassitude intenses. Une analyse du phénomène appréciée des lecteurs de Terre-net pour sa clairvoyance, et sa complétude.
« Elle reflète l’état d’esprit actuel de bon nombre de producteurs », souligne Heurtaux, qui appelle à « la diffuser largement ». Auprès, entre autres, « des sénateurs, députés, ministres, conseillers et du président de la République », poursuit Jean. « Tous devraient lire cet article pour, a minima, comprendre cette colère qui sommeillait profondément en chacun de nous », exhorte-t-il. Autrement dit par Nan : « Madame Hustache a tout compris. Dommage qu’elle ne conseille pas les décideurs. »
Tous les agriculteurs en arrêt de travail !
Steph72 nous livre son regard sur le sujet, et notamment sur les raisons de la colère des agriculteurs : « À force de ne pas nous écouter et nous presser comme des citrons, le résultat est là ! On a poussé à produire toujours plus et les gains de productivité sont absorbés par l’amont et surtout l’aval !! Sur 100 € de produits alimentaires vendus en magasins, seulement 6,5 € reviennent aux agriculteurs, une honte !! Sans parler des charges qui ont explosé… »
« Le burn-out agricole est là et bien présent », enchaîne Nico, reprenant le terme de la conseillère en communication. Changeant de ton, il propose, que tous les exploitants agricoles se mettent « en arrêt de travail ». « La meilleure façon de se faire entendre », selon lui. « Après sept jours de carence, la MSA verse des indemnités journalières. Ça pourra aider certains à s’acheter de quoi se nourrir. »
Des prix planchers, un moyen pour s’en sortir ?
Certains brandissent les prix planchers comme une solution pour que l’agriculture et les agriculteurs « aillent mieux ». Pour Bouboule, ils sont en effet « indispensables », et « il faut taxer tous les produits agricoles étrangers qui rentrent en France pour qu’ils coûtent plus cher que ceux produits dans notre pays ». Mais « ces prix planchers ne peuvent être que l’émanation d’un prix de revient collectif », précise Grrr. JFD confirme : « Il faut des prix planchers basés sur les coûts de production, pour les filières lait et viande en priorité (c’est-à-dire qui tiennent compte des coûts de l’alimentation, frais vétérinaires, amortissements des bâtiments et matériels, crédits, charges sociales, frais de gestion, impôts, prix du GNR, etc. »
S’ils sont calculés à partir du coût de production.
« Et surtout qui permettent de dégager un salaire décent pour les producteurs. » Il enchaîne : « Les coûts de production peuvent être calculés pour chaque exploitation par les comptables et envoyés au ministère afin d’établir tous les ans une moyenne et de déterminer un prix minimum et juste du litre de lait ou kilo de viande, que chaque acheteur devra obligatoirement respecter, et réajusté en fin d’année s’il y a eu trop d’inflation. »
« #prudence sur les conditions d’application »
Moi-même est sceptique. « Il faut voir les conditions d’application », argue-t-il, craignant que l’amont et l’aval « se collent aux prix planchers sans aucune évolution possible par la suite ». De même que Gibero pour qui « ça sent l’enfumage ». Il veut, comme garde-fou, « la notion de coût de production couvert inscrite dans le marbre pour toutes les productions ». Jean partage son opinion. Il suspecte « un coup fumant, des mesures qui n’en seront pas vraiment en réalité, soit de la com', encore de la com', que de la com' ! » Il complète : « Les prix planchers, ça va être quoi ? 100 €/t de blé, 150 €/1 000 l lait, 2€/ kg de carcasse de viande bovine et 1,50 €/ kg vif de broutard ?? »
Faut pas qu’ils deviennent le prix de marché !
Steph72 se « méfie des annonces comme ça » et « doute de la bonne foi du gouvernement qui signe des accords de libre-échange dans le dos des exploitants ». Nan invite aussi à « la prudence », redoutant que « le prix plancher devienne le prix de marché et soit détourné par la grande distribution » pour, au final, « se retourner contre les producteurs ». Pour éviter une telle situation, Paco85 évoque « des prix planchers européens ». « La solution ne peut être que franco-française, rétorque Maxens. Jamais les pays européens n’accepteront que les productions agricoles soient payées moins cher chez eux qu’elles le sont chez nous. » « Le problème » surtout, fait remarquer JFD : « Les coûts de production, très variables en fonction des États membres, risquent de compliquer le calcul du prix plancher. »
« Impossible à mettre en place »
Merco juge, quant à lui, « impossible l’instauration de prix planchers », « pour une raison toute simple », indique-t-il. « Pour qu’ils satisfassent tout le monde, il faut qu’ils couvrent les coûts de productionde tout le monde. Or, ceux-ci diffèrent d’une exploitation à l’autre. Alors avec un même prix plancher, vous pouvez gagner votre vie, et pas votre voisin ! » Total64 est du même avis : « Les prix plancher ne pourront jamais s’appliquer, c’est évident ! » À la place, il suggère, aux pouvoirs publics, « une « surcote plancher" ».
Il s’explique : « par exemple, avec un cours du blé à 200 €/t, le producteur toucherait une compensation de l’État de 100 € pour atteindre le prix de revient national moyen ». « Une très bonne idée », estime Maxens même s’il préconise plutôt « d’interdire l’entrée en France de produits qui ne respectent pas nos normes, ou de rétablir l’équilibre avec une TVA sociale et carbonée qui augmente le coût et l’empreinte écologique des importations ». Aubin79, lui, pense que « les prix planchers ne serviront à rien si l’on ne plafonne pas les charges en face ». Nico, fataliste : « Encore une usine à gaz qui paupérisera davantage l’agriculture. »
Qu’on applique déjà la loi Égalim !
Paco85 va plus loin et prône, comme dans l’article, « une Pac à l’Américaine, qui aide quand les cours ne sont pas bons ». « La politique agricole commune devrait être un filet de sécurité, pas la roulette russe ! », image-t-il. « Encore faut-il que nous n’ayons pas de boulets environnementaux accrochés aux pieds, sans cesse plus lourds face à la concurrence, nuance Louma. Que l’on applique déjà la loi Égalim, et à toutes les filières ! » « Six ans qu’Égalim existe, sans application aucune, alors que c’est 100 fois plus simple ! », renchérit Abc. « Y a du travail et ce n’est pas demain que le prix plancher sera instauré », résume JFD. Il conseille « d’y réfléchir ensemble, toute la filière, sans s’énerver mais sans relâcher la pression ». « Les tracteurs pourraient vite revenir sur les routes ! », prévoit Baptiste.
Quels remèdes alors ?
Face à la crise agricole, et pour que les agriculteurs ne reprennent pas leur mouvement, la première chose à faire, et cela a déjà dit précédemment : « mettre les mêmes contraintes à l’importation qu’à la production », insiste Levequeph2003. Et « alléger toutes les normes à la c..., pondues par les gouvernements successifs depuis 20-25 ans », rebondit Éric17. « Ce n’est pas compliqué, considère de son côté Massey17. Ne plus dépendre des aides et être payés au juste prix. »
Être payé au juste prix.
« Ce n’est pas d’un prix plancher dont nous avons besoin, mais d’un prix de vente supérieur à notre prix de revient, martèle Nico. Ce n’est pas pareil car ce dernier dépend de plusieurs choses (main-d’œuvre salariée ou familiale, situation géographique de l’exploitation, stratégie de développement, etc.) tandis que le prix plancher vaut pour tout un pays et toute une production. Sa mise en place garantira à chacun d’être payé comme un retraité en bout de course qui ne compterait ni ses heures ni ses amortissements. Bonjour l’avenir ! Cela me semble être la réponse typique d’un politique qui s’obstine à ne rien vouloir donner. »
« Abandonnons le prix mondial, un prix manipulé par la spéculation et qui n’est plus adapté au changement climatique !, lance pour sa part Ironman. Mais cela ne plaira pas aux grands financiers. » « Le prix mondial a cassé tous les secteurs de l’économie, ajoute-t-il. Et plus il y a de commerce mondial, plus il y a de conflits entre pays. » Et Gus de conclure : « "Qu’est-ce qui pourrait mettre fin à la crise agricole ? » : la faim… »