Il faudra sans doute attendre encore un peu avant de faire travailler cette drôle de machine. Pour l’instant ce « Combined Powers » n’est qu’un prototype, un concept présenté à la presse en février dernier, et qui devrait être exposé au prochain Sima, du 6 au 10 novembre 2022 à Villepinte.
Il promet rien moins que réaliser en autonomie complète des chantiers de déchaumage, labour, semis, fauche, fanage et andainage, c’est-à-dire les travaux effectués par les outils que commercialisent déjà les deux firmes. Le robot a un gabarit plutôt compact : 5 mètres de long, 2,70 m de large et 2,60 m de haut. Il est doté d’un moteur 4 cylindres diesel de 230 CV soit 170 kw. Les quatre roues sont motrices et directrices. La puissance est transmise électriquement à la transmission et la prise de force. L’attelage des outils portés à l’unité d’entraînement est assuré par un relevage trois points.
L’outil tracté au centre de la machine
A la différence des robots qui existent déjà, celui-ci, bien plus imposant, propose une puissance comparable aux tracteurs classiques. Krone a commencé par définir le besoin de puissance : une machine capable de réaliser des travaux de fenaison comme des travaux du sol, soit 75 kw/m de largeur de travail. « C’est l’outil tracté qui est au centre de la machine, c’est lui qui transmet les informations à la traction, pas l’inverse, explique Mathias Müter, responsable du projet chez Lemken. Le robot et son outil forment un ensemble ». C’est ainsi que dans le cadre de travaux du sol par exemple, des capteurs permettent de régler automatiquement la qualité de l’émiettement réalisé par le rouleau ou la profondeur de travail du sol selon le bourrage.
L’ensemble navigue, s’arrête ou adapte certains critères, peut aussi éventuellement contourner certains obstacles. « Il a la capacité d’alerter l’utilisateur ou de réagir à la situation donnée : ralentir si besoin, accélérer s’il n’y a pas de matière, signaler un enlisement etc », complète Rémi Cheneviène, responsable marketing de Krone France.
Coopération inédite
Cette coopération inédite entre les deux firmes allemandes s’explique par leur complémentarité. Lemken est spécialisée dans le travail du sol et des semis, Krone dans la récolte des fourrages. Deux sociétés familiales non concurrentes « qui se sont toujours rencontrées sur des projets industriels ou commerciaux », fait valoir Mathias Müter. « La partie automoteur c’est plutôt Krone tandis que Lemken a une compétence sur les process de transmission d’information de la machine à l’automoteur ». Les deux firmes ont chacune mis à disposition du personnel pour former une équipe d’une vingtaine de personnes « qui travaille spécifiquement sur ce projet dans le plus grand secret depuis plusieurs années ».
Quel impact sur les sols ?
Lemken et Krone n’ont pas encore compilé de données sur le débit de chantier. Concernant la consommation, « le niveau devrait être sensiblement identique à celui d’un tracteur, même légèrement moindre », promet Mathias Müter de Lemken. L’objectif théorique est de le faire travailler 24 h/24. Mais il faut faire le plein toutes les 10 h. Difficile donc de se projeter sur un coût de chantier horaire et même sur un prix de vente. A peine sait-on que l’objectif est « d’arriver au niveau de prix qui n’excède pas celui d’un tracteur ».
Autre inconnue, l’impact sur le tassement des sols. La machine pèse 8 tonnes à vide. « Quand le projet avancera, on pourra peut-être progresser là-dessus », propose Mathias Müter.
Si le Combined powers propose une gamme complète de travaux du sol et de fenaison, il ne sait pas faire autre chose. Pour tous les autres chantiers, il faudra donc bien conserver ses outils et son tracteur, même si Mathias Müter assure qu’il y aura « très certainement la possibilité d’ajouter des capteurs sur certains équipements existants tels que les semoirs ».
Krone estime que cette machine n’a pas vocation à faire du transport ni à gérer des machines nécessitant une forte puissance telles que les grosses presses. « Chez Lemken, on n’est pas un spécialiste du transport, ce sera pour des tâches de travail du sol, préparation de lit de semence, semis, on peut adapter la largeur de travail en fonction de la puissance, Il n’y a pas trop de limites », estime Mathias Müter.
Transport sur remorque
On imagine aussi une autre difficulté, et non des moindres : comment acheminer le robot à la parcelle ? Actuellement, c’est un camion remorque qui s’en charge. « On travaille sur un concept, une logistique qui permettra de transporter l’ensemble tracteur + outil », fait valoir le responsable du projet chez Lemken.
Difficile d’imaginer ce robot travailler sur des exploitations agricoles dans un avenir proche, même si les deux firmes allemandes assurent qu’il a vocation un jour à être commercialisé. Il sera destiné aux grosses exploitations confrontées à un problème de main d’œuvre en Europe centrale et de l’ouest, ainsi qu’aux entreprises de travaux agricoles.
« Ce qui est certain, c’est qu’à échéance vingt ou cinquante ans, la physionomie de l’agriculture sera adaptée au travail des robots en autonomie », estime Rémi Chenevière.